9.5 : L'éjection

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L'interminable mur, son incontournable monument aux cinq colonnes doriques et ses tours à canons se précisèrent aux yeux de Zoran et de Klaus Friedrich à mesure qu'ils s'en rapprochaient, embarqués dans le chasseur léger

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L'interminable mur, son incontournable monument aux cinq colonnes doriques et ses tours à canons se précisèrent aux yeux de Zoran et de Klaus Friedrich à mesure qu'ils s'en rapprochaient, embarqués dans le chasseur léger. Le félin noir, posé sur les cuisses de l'Autrichien aux commandes de l'appareil, était toujours en état de perte de connaissance.

Les deux personnages purent remarquer une vingtaine de minuscules tâches se déployer sur la place du dix-huit Mars, laquelle se trouvait juste devant la Porte de Brandebourg ; certaines d'entre elles étaient véhiculées par des cabriolets militaires tout-terrain voire des chars de combat. Il s'agissait de soldats de la Suggestion.

<< Allons-nous en d'ici ! >> s'écria l'ex-Lieutenant en virant aussitôt le chasseur sur cent quatre-vingts degrés.

Une alerte sonore retentit, s'accompagnant d'une information visuelle sur le tableau de bord.

<< Quelque chose se rapproche ! >> prévint-il.

L'ex-forçat, assis sur l'un des deux sièges d'observation, aperçut l'affreux arachnide noir qui fonçait droit sur eux à toute pompe : << C'est un drone ! >>

Friedrich prit subitement de l'altitude pour éviter la collision frontale mais l'objet les heurta sans ménagement sous la voilure, provoquant une très vive secousse dans l'habitacle et perturbant indéniablement le pilotage.

<< Un réacteur est endommagé ! Ils veulent nous forcer à atterrir pour garder le chat en vie, je pense que c'est la raison pour laquelle cette chose ne tire pas ! >> déduisit le sexagénaire qui, après quelques tonneaux aériens, reprit tant bien que mal le contrôle de l'appareil.

L'acarien les rattrapa.

<< Il revient ! >> alerta le garçon au pantalon de visibilité.

Un nouveau choc se produisit, faisant craqueler d'autant plus la verrière déjà altérée par une balle.

<< Nous sommes cuits ! >> hurla le jeune homme terrifié en se plaçant en position de fœtus.

Le fils de Ghislaine, le front perlé de sueur, surprit le drone en évitant une troisième collision dans un changement de cap aérien ; il se relança plein gaz en direction du mur de Berlin, gardant toutefois un manifeste sang froid.

<< Qu'est-ce que vous faites ?

— Nous n'avons pas le choix ! répliqua-t-il.

— Si nous passons la frontière, nous allons nous faire exploser ! >>

L'avion de chasse filait droit vers l'infranchissable structure. L'Autrichien arracha le capuchon de sécurité transparent qui protégeait un bouton poussoir rouge sur le tableau de bord.

<< Quand tu seras en l'air, concentre-toi pour déclencher la diminution de gravité sous ton siège si tu veux atterrir sans encombre ! cria-t-il précipitamment.

— Hein ? >>

Il posa le pouce sur l'interrupteur et, deux secondes plus tard, le pressa. Un insupportable son électronique perçant malmena leurs tympans. Le montant de verrière de l'appareil s'ôta subitement. Les trois places de l'habitacle furent éjectées dans les airs pendant que l'aéronef grège poursuivait sa route à fond de train. Le drone fendit l'air sous leurs pieds. Quand le chasseur eut passé par-dessus le mur, de massives tourelles d'artillerie postées sur quelques tours rouges - soit côté Est - s'animèrent en quelques dixièmes de secondes ; deux d'entre elles crachèrent des missiles sol-air. L'acarien, tout naturellement, suivit la machine jusqu'à son fatal sort ; les deux appareils militaires explosèrent en mille morceaux. De l'autre côté de la frontière, quelques jeunes hommes en treillis et dotés d'ailes dorsales aux plumes de cygnes synthétiques se précipitèrent aux fenêtres des bâtiments désaffectés qu'ils occupaient afin de voir ce qui se tramait. Des civils, de tous sexes et tous âges, sortirent également en rue.

<< Concentre-toi, Zoran ! >> hurla Friedrich au garçon paniqué qui sombrait dans les airs en sa compagnie, quelques mètres plus loin, chacun accroché à son siège.

L'ex-Lieutenant maintenait fermement le matou inconscient sur ses cuisses. L'ex-forçat, occupé à dévaler le ciel comme une flèche, plissa les yeux ; il eut finalement l'air de s'étonner lui-même en parvenant tardivement mais sûrement à déclencher la technologie de pesanteur atténuée sous l'assise. Ils purent tous deux atterrir sans encombre - ou presque - dans un parc boisé ; Friedrich proprement, Zoran maladroitement sur son flanc. Si leur sortie in extremis du chasseur avait très probablement été repérée par l'ennemi sur plusieurs dizaines de mètres, aucun soldat de la Suggestion n'était encore arrivé sur place.

KATZEN - Tome 1 : Mémoire morte [Wattys2021]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant