6.3 : L'aérodrome

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L'ex-Lieutenant autrichien Klaus Friedrich, bâillonné et solidement ligoté le long du poteau d'un réverbère allumé situé entre le bâtiment principal et le tarmac de l'ancien aérodrome de Borkum, subissait la gouaille de certains pouilleux qui, de ...

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L'ex-Lieutenant autrichien Klaus Friedrich, bâillonné et solidement ligoté le long du poteau d'un réverbère allumé situé entre le bâtiment principal et le tarmac de l'ancien aérodrome de Borkum, subissait la gouaille de certains pouilleux qui, de fois à autre, le frappaient ou lui jetaient des objets à la figure, telles des boîtes de conserves ou des restes de nourriture.

<< Hahaha ! Alors Friedrich, tu fais moins le malin comme ça ... Tu vas passer la pire nuit de ta vie ! C'est tout ce que tu mérites ! >> garantit l'un d'eux.

La plupart d'entre eux se trouvaient assis sur des bancs ou des murets ; d'autres, debout dans les allées bordées de verdures, se trémoussaient en poussant des clameurs, à proximité d'un feu de bois au centre d'un carré de haies où ils grillaient des rats. Du haut du balcon bordant la vigie de la petite tour de contrôle, Sterben, appuyé sur le garde-fou, veillait silencieusement sur sa petite équipe en sirotant une boisson qui, au vu du bovidé dessiné sur la canette, devait très certainement être du lait.

Le site délabré était tout aussi encrassé que la bande qui en avait fait ses quartiers. Des graffitis couvraient la partie inférieure des murs ; les avions, tous de type léger et parqués à plusieurs mètres de la bande de détenus, y étaient tous carbonisés ou simplement dégradés sans exception, certains d'entre eux se trouvant même complètement retournés sur une partie de gazon ; des déchets jonchaient à tire-larigot le sol et les deux voies de tarmac qui, en plus de mener à la piste, entouraient le cimetière d'aérodynes.

Sterben interrompit l'ambiance très festive par un vibrant cri : << Taisez-vous ! >>

Ils s'exécutèrent sans sourciller.

<< Quoi ? >> fit l'un d'eux.

Le chef de bande pencha la tête et pria de conserver le silence en portant son index à ses lèvres. Ils purent ouïr un bruit de moteur.

<< Ça provient de l'autre côté ... constata-t-il avant de contourner le poste d'observation.

— Nous avons de la visite ... >> conclut un pouilleux aux longs cheveux verts, ricanant.

Sterben aperçut, au travers de sa lunette de vision nocturne, la BMW qui roulait en direction du petit complexe aérien. Il s'introduisit dans la vigie et, activant un microphone, émit l'information suivante au travers des haut-parleurs vétustes éparpillés sur le site : << La moto de Friedrich nous arrive en livraison rapide ... Quelqu'un espère peut-être encore l'échanger. >>

Ils s'esclaffèrent. L'un d'eux ôta de la bouche de l'ex-Lieutenant, qui semblait éberlué, le chiffon sale qui servait de bâillon. L'Autrichien cracha aussitôt une inattendue quantité de vomi mêlé à sa salive.

<< Qui est-ce ? >> demanda le pouilleux.

Le sexagénaire à la coupe en brosse toussa un instant, un long fil liquide et clair lui pendant au menton.

<< Je ne sais pas ! C'est impossible ! Personne ne vient me chercher ...

— Mais encore ? On va s'amuser ! >>

Ils purent comprendre, au vu de la provenance du son, que le véhicule était en train de faire le tour de l'ensemble des bâtiments via un court sentier traversant une petite étendue de bois ; ils aperçurent ensuite les phares éclairant, au loin, l'aire de parcage des avions pour moitié carbonisés.

La motocyclette fit son apparition ; elle s'immobilisa et, les feux avant pointés en direction de la bande, déploya sa béquille latérale pour se maintenir en équilibre. Le moteur cessa de tourner. Une centaine de mètres la séparait du groupe de pouilleux. Cinq d'entre eux, proches du regroupement des quadricycles, grimpèrent sur leur véhicule respectif, tandis que les autres restèrent plantés comme des piquets, attendant peut-être que la situation se précise.

Le chef de la bande à la face tatouée et amputée du nez jeta un coup d'œil dans son instrument monoculaire.

<< On dirait qu'il n'y a personne dessus ... >> se dit-il à lui-même.

Il intervint à nouveau dans le microphone.

<< Toi, sur la moto ... Je ne parviens pas à te voir ... Qui es-tu ? >>

Ils patientèrent un moment avant qu'une réponse ne résonne : << Je suis un ami du Lieutenant Friedrich. >>

L'homme concerné parut immanquablement surpris : << Hein ? >>

Sterben répliqua : << Je ne connais pas ta voix. Décline ton identité !

— Je suis venu le libérer !

— Tu espères l'échanger contre la moto ? Tu te trompes. Les amis de mes ennemis sont mes ennemis. Qui que tu sois, tu finiras sur le phare.

— Je vous attends ! >> riposta le matou, défiant.

Il ralluma le moteur. Tous avaient l'air de se questionner sur l'identité de l'indiscernable et mystérieuse tête-brûlée.

<< Il est fou ... Ceux qui sont motorisés, allez-y ! commanda le chef de bande à ses hommes.

— Oui ! >> se réjouit l'un d'eux avant de démarrer son engin tout aussi sale que ses habituels conducteurs.

Les cinq compères roulèrent en direction de la motocyclette au châssis et aux éléments de carénage argentés qui, à son tour, s'élança dans leur direction.

KATZEN - Tome 1 : Mémoire morte [Wattys2021]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant