L'animal grimpa au sommet de l'ancien restaurant du Reichstag, un établissement formé d'un bloc aux parois translucides qui était situé derrière la coupole transparente. Il y découvrit la présence d'une gigantesque coccinelle qui, endormie, faisait sept fois sa taille. Il s'en approcha calmement et posa une patte antérieure sur l'un des deux élytres rouges à points noirs de la chose ; il s'agissait en réalité d'une portière pneumatique qui, bien que rouillée, se releva automatique. Deux caisses en carton présentant le pictogramme d'une fourchette reposaient, humides, à l'intérieur de l'abdomen.
<< Un drone de marchandise ... >> constata la petite bête.
La machine insectoïde, abandonnée à son sort, rongée par la pluie et potentiellement dysfonctionnelle, disposait de six rotors qui faisaient office de pattes.
Le chat se retourna. Il put se rendre compte, à partir de son point de vue, que Zoran était toujours tapi dans la tour de guet.
Cinq fantassins cagoulés, aidés de leurs bottes à effet de pesanteur atténuée, surgirent comme un seul homme sur le toit-terrasse par les quatre côtés de l'édifice. Le félin noir recula de quelques pas afin d'empêcher toute possibilité d'être perceptible. Les soldats, contournant la coupole de verre pour certains, se regroupèrent.
<< Les cibles ont été repérées dans cette tour ! prévint l'un d'eux en pointant du doigt l'élément fortifié où se cachait le jeune homme au pantalon de visibilité orange.
— Elles ne semblent plus être là ... >> fit remarquer un autre.
Le chat, qui pouvait entendre la communication, prononça à mi-voix : << Zoran ... >>
Ils progressèrent vers l'endroit où Friedrich avait été précédemment aperçu par Izidor. L'ex-forçat, accroupi et terrifié, pouvait ouïr le danger se rapprocher à pas cadencés.
<< Alerte ! Le pilote de l'hélicoptère vient de voir le chat sur le toit du restaurant ! >> retentit la voix d'Anselme au travers de leur montre-bracelet.
L'animal se décida aussitôt à entrer en scène et, tout en émettant un vif miaulement, sauta sur la terrasse et se précipita à toutes pattes dans la coupole qui faisait face à l'ancien établissement de consommation de plats préparés. Les militaires se retournèrent. Trois d'entre le poursuivirent dans le dôme transparent tandis que deux autres prirent soin d'en garder les deux sorties extérieures.
Un groupe composé de cinq autres fantassins et du Commandant Larsson débarqua et se dispersa deux par deux dans l'hémicycle du Bundestag, soit le parlement allemand situé sous la terrasse. L'endroit, bien qu'épargné de tout vandalisme, était visiblement abandonné depuis des années comme en témoignait l'importante présence de poussière ainsi que le petit monde fongique et entomique qui s'y était formé. Ils se déplacèrent tactiquement entre les colonnes de sièges de la députation en direction de l'imposant aigle Bundesadler qui trônait au fond de la salle entre deux désuets drapeaux noir-rouge-or. Trois d'entre eux avaient le canon de leur arme pointé en hauteur, soit en direction des gradins de spectateurs. Malgré cette professionnelle disposition, ils furent dans l'incapacité d'empêcher Klaus Friedrich, surgissant subitement de la plateforme du second étage, de décharger un jet de foudre sur l'un d'eux. L'assaillant revint illico sur ses pas, se mettant ainsi hors de portée.
<< Derrière les gradins, à gauche ! >> cria l'un des soldats.
Ingmar Larsson bondit derrière le perchoir du président de la diète fédérale et, protégé par les murets gris devant la tribune des députés, tira deux coups de pistolet en direction de l'emplacement à partir duquel l'ex-Lieutenant s'était manifesté. Les fantassins cagoulés qui l'accompagnaient firent de même avec leur fusil à foudre et, rapidement, grâce à leur paire de botte diminuant l'effet de gravité, sautèrent sur les gradins afin d'accéder à la plateforme ; le sexagénaire s'y était volatilisé. Ils découvrirent une porte d'accès à la salle de contrôle de sécurité, là où se déroulaient jadis les fouilles du public venant assister aux sessions parlementaires, qui était cependant grande ouverte. L'officier les rejoignit.
<< Il s'est enfui ... Vous deux, cherchez-le. >>
Le duo de soldats désigné obtempéra et se lança dans la traque en passant de l'autre côté de la cloison transparente. Le Commandant blond à la blouse d'aviateur fit feu sur une fenêtre cintrée qui, perpendiculaire et adjacente à la porte dont ils venaient de franchir le seuil, donnait sur l'une des deux petites cours intérieures du Palais. Le verre explosa instantanément en mille morceaux.
<< Allez-y, montez sur le toit ! Je vous rejoins. >> ordonna-t-il aux deux autres.
Les intéressés en treillis traversèrent le châssis et, parvenus dans la cour intérieure, rebondirent de murs en murs afin d'accéder aux hauteurs.
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KATZEN - Tome 1 : Mémoire morte [Wattys2021]
FantascienzaGAGNANT WATTYS 2021 ⭐ Un mystérieux chat noir pourchassé par l'armée libère un jeune prisonnier ayant participé, quelques années plus tôt, à la dernière guerre des Balkans. Au fur et à mesure d'une traque qui se poursuivra au travers de l'Europe et...