KATZEN - Tome 1 : Mémoire morte [Wattys2021]

8.3 : Madame Friedrich

<< Nous y sommes. >> signala l'Autrichien.

Les trois compagnons d'aventure s'arrêtèrent devant une immense tour d'habitation au pied de laquelle se trouvait l'ample bassin maculé de mousse d'une fontaine éteinte depuis, très certainement, plusieurs années.

<< C'est ici que j'ai grandi, jusqu'à mon entrée dans l'armée autrichienne ... J'ignore si ma mère est encore là et si elle est encore en vie ...

— Je vous le souhaite ... >> exprima le chat.

Ils grimpèrent les quelques marches du perron ; la double porte d'entrée vitrée écarta automatiquement ses deux vantaux à leur passage. Ils se retrouvèrent dans le vestibule du bâtiment et découvrirent le large écran tactile qui les invitait à sélectionner, parmi quelques dizaines de noms, l'habitant qu'ils désiraient contacter. L'Autrichien fit défiler la liste jusqu'à ce qu'il repère, le cœur allègre, le nom recherché : << Ghislaine Friedrich ... C'est elle ... >>

Il afficha la fenêtre virtuelle de l'intéressée et pressa le bouton d'appel qui y était lié. Une tonalité résonna, les faisant patienter plusieurs secondes.

<< ... Allô ? finit par émettre la voix d'une dame à l'âge vraisemblablement très avancé.

— ... Maman ... C'est moi ... Klaus ... >> annonça-t-il dans un son articulé émotionnellement très chargé, peut-être à deux doigts de pleurer.

La personne à l'autre bout du fil ne répondit pas, ce qui sembla mettre Zoran et le chat dans un certain embarras. Friedrich se répéta : << C'est moi ... Ton fils. Je suis rentré. >>

Un signal sonore retentit et l'ouverture de la seconde double porte s'enclencha, leur donnant accès aux ascenseurs de l'immeuble.

<< Allons-y ... >> fit le matou.

Le garçon au pantalon de visibilité orange pressa le bouton virtuel adjacent à l'un des transporteurs verticaux. La cabine se trouvant déjà au rez-de-chaussée, les vantaux se disjoignirent directement. Ils s'introduisirent à l'intérieur.

<< Vingtième étage. >> demanda l'ex-Lieutenant à l'appareil mécanique.

Une voix féminine électronique se fit entendre : << Vous avez demandé l'accès au vingtième étage. Veuillez patienter. >>

L'ascenseur démarra jusqu'au niveau souhaité, y parvenant en quelques secondes. La voix électronique retentit une seconde fois : << Vous êtes arrivé à destination. Bonne soirée. >>

Ils eurent alors accès à un long corridor ponctué de portes blanches de chaque côté et de deux autres couloirs perpendiculaires ; la voie était éclairée par quelques lustres dont le tiers des diodes électroluminescentes étaient inactives ou scintillantes.

<< Cela fait tellement longtemps que je n'étais plus venu ici ... Je ne pensais pas pouvoir un jour y remettre les pieds ... >> confia le sexagénaire.

Ils virèrent sur le premier passage à droite et parvinrent jusqu'à la porte au bout sur laquelle figurait le numéro deux cent trois.

<< C'est là ... >> dit-il.

Il se plaça devant et, l'estomac certainement noué, toqua.

<< Je vous préviens : elle déteste les chats ... Il vaudrait mieux te cacher, matou.

— Entendu ... >> fit l'animal en se postant au pied du mur encadrant la porte.

Ils entendirent des pas provenant de l'intérieur. Le battant finit par pivoter. L'homme au polo noir se retrouva nez à nez avec une petite dame en robe de nuit ; son visage était blême, fortement flétri et terne ; ses cheveux étaient blancs, dérangés et tombaient jusqu'à mi-hauteur du cou ; ses pupilles étaient dilatées. Elle se soutenait sur une canne en frêne à moitié peinte en bleu.

Le chat se faufila furtivement dans l'appartement.

<< Maman ... >> prononça l'Autrichien, ému jusqu'aux larmes.

Il l'étreignit et l'embrassa sur le front. Elle le repoussa brusquement.

<< Ho ! Tu ne vas pas bien, Klaus ? Pourquoi me sautes-tu dessus comme ça ?

— Comment ? Mais ...

— Ne trouves-tu pas que c'est une drôle d'heure pour rentrer ? Il est tard ! >>