9.8 : Le Reichstag

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L'imposant hélicoptère du Commandant Ingmar Larsson se déplaça et stationna dans les airs à une trentaine de mètres au-dessus de la place du dix-huit Mars

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L'imposant hélicoptère du Commandant Ingmar Larsson se déplaça et stationna dans les airs à une trentaine de mètres au-dessus de la place du dix-huit Mars. Le rideau de bêton berlinois, contrairement à sa version antérieure lors de la guerre froide, formait une seule et même structure verticale dépourvue de no man's land - du moins, à cet endroit ; il atteignait une quinzaine de mètres de hauteur et près de quatre mètres d'épaisseur ; des tours à canon le longeaient des deux côtés à intervalles réguliers, comme l'avait relevé le matou ; les rouges - à l'Est - pointaient leurs pièces d'artillerie vers l'Ouest, les jaunes - à l'Ouest - pointaient les leurs vers l'Est.

À l'intérieur d'un ensemble de bâtiments désaffectés a priori utilisés comme casernes autour de la Pariser Platz du Berlin-Est, de jeunes hommes dotés d'ailes dorsales s'armèrent de vieux fusils mitrailleurs du vingtième ou de la première moitié du vingt-et-unième siècle - des Beryls, pour la plupart - et de quelques armes semblables à des Zaters ; cela, sans aucun doute, dans l'appréhension d'une attaque imminente.

Les cinq fantassins qui avaient précédemment pris d'assaut l'habitation de Ghislaine Friedrich sautèrent de l'hélicoptère et atterrirent, par effet de gravité diminuée, sur le pavage au pied du monument acropolien. Ils se positionnèrent tactiquement pour couvrir les trois Commandants qui se jetèrent à leur tour de la machine de transport. L'officier au teint hâlé et au blouson d'aviateur synthétique, parvenu au sol, donna alors ses instructions au travers de sa montre à tous les soldats environnants.

<< Ici le Commandant Ingmar Larsson, responsable de la mission. Je veux cinquante hommes pour passer au peigne fin le grand jardin et j'en veux dix autres pour surveiller la porte du Brandebourg. Pour le reste, dispersez-vous dans un rayon de cent mètres et restez vigilants. Vous avez dix secondes pour vous exécuter ! Vous avez reçu les photographies des individus à intercepter ... Le plus important d'entre eux est l'animal. Les renforts arrivent pour boucler le secteur !

— Bien parlé, Commandant ! >> félicita Izidor.

En quelques secondes, grâce à la technologie intégrée à leurs bottes, les effectifs cagoulés se répartirent aussitôt sur des points stratégiques tandis que d'autres s'éparpillèrent en binômes dans le parc désigné. Le petit homme violâtre et le géant édenté se postèrent derrière un cabriolet militaire tout-terrain garé à proximité de la porte acropolienne, leur fusil à foudre soutenu par la carrosserie. Ils se mirent à examiner leur environnement visuel pendant que l'autre officier marchait seul autour de la place, lui aussi en état d'observation.

<< Voilà, fit Anselme. Ils vont venir ici, c'est leur destination ... Ils ne peuvent pas faire autrement que se jeter dans la gueule du loup.

— Oui, tu as raison ! >> se réjouit son compère.


À quelques pas du mur côté Ouest, à proximité de la place du dix-huit Mars, se dressait le Palais pratiquement abandonné du Reichstag. Le bâtiment néoclassique, haut d'environ septante-cinq mètres, était surmonté de petites tours de guet carrées en ses quatre coins - sur lesquelles flottaient le drapeau noir de l'État Suggéré - ainsi que d'une imposante coupole formée de verre et de fer qui couvrait l'ancien parlement allemand encore en état ; les touristes pouvaient jadis visiter celle-ci et accéder, une fois à l'intérieur, à son sommet via une montée en spirale. À l'instar de la Porte de Brandebourg, l'entrée principale du Palais avait des similitudes esthétiques avec les Propylées d'Athènes. C'était dans la tour d'observation Sud-Est, sale et humide, que s'étaient réfugiés les trois aventuriers ; elle avait l'avantage de donner directement vue sur le monument à franchir pour accéder au territoire de l'Est. Klaus Friedrich était occupé à épier, au travers d'une fenêtre, des soldats en action dans les environs du grand jardin et de la célèbre porte.

<< J'ai peut-être commis une erreur de vous avoir emmenés ici ... admit-il.

— Cet endroit est exactement ce qu'il nous faut ... répliqua le chat, à présent bien éveillé et assis derrière lui. Au mieux, personne ne pensera à nous trouver ici. Au pire ...

— Quoi, au pire ? On ne va quand même pas se battre ... >> émit Zoran.

Le sexagénaire autrichien soupira. Le matou grimpa sur une autre tablette de fenêtre afin, de toute évidence, de faire lui aussi le point visuel sur la situation. L'ex-Lieutenant se retourna, se dirigea d'un pas décidé vers l'ex-forçat et, sans prévenir, le happa par le cou et le plaqua énergiquement contre le mur.

<< Écoute ... J'ai bien compris que tu n'étais qu'un lâche et un opportuniste. J'ai conscience que, comme tout homme, tu as ta part d'ombre, et il se trouve que la tienne n'est pas trop difficile à déceler. Mais s'il te reste un minimum de lucidité dans le crâne, tu dois cesser de croire une bonne fois pour toute qu'ils t'accorderont la pitié s'ils t'attrapent ! Ils n'auraient rien à y gagner ! Alors la règle est très simple : soit tu ne te défends pas et tu meurs sans honneur, soit tu te défends et tu meurs avec ce qu'il te reste d'honneur !

— ... Dans les deux cas, vous me demandez de mourir ...

— Qui sait ... Tu t'en tireras peut-être ! Je veux juste savoir si tu es des nôtres ou pas !

— ...

— Quel est ton choix ?

— Mons ... Monsieur Friedrich ... Nous ne sommes que trois !

— Et alors ? Moi, je me bas comme trois ; le matou, lui, il se bat comme dix ! Mais on a besoin de ton appui ! >>

Le félin noir effectua un zoom sur le Commandant blond au teint hâlé qui se mouvait près de la place du dix-huit Mars. Il frémit.

<< ... Qui ... Cet homme ... >> se murmura-t-il à lui-même.

Ses paupières se contractèrent.

<< Je l'ai déjà vu ... Il me dit quelquechose ... >> ajouta-t-il entre ses dents.

KATZEN - Tome 1 : Mémoire morte [Wattys2021]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant