10.8 : La porte de Brandebourg

41 11 0
                                    

L'imposant aéronef avait beau avoir été mis en miettes, les deux officiers devaient avoir l'impression que le vrombissement de son rotor contrarotatif, de ses deux turbines et de sa double paire de propulseurs à hélice, était toujours en cours, co...

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

L'imposant aéronef avait beau avoir été mis en miettes, les deux officiers devaient avoir l'impression que le vrombissement de son rotor contrarotatif, de ses deux turbines et de sa double paire de propulseurs à hélice, était toujours en cours, comme dans une hallucination auditive.

<< Écoute ! s'exclama le Commandant Rojas.

— Quoi ? >>

Ils levèrent la tête et s'éloignèrent à reculons de la porte de Brandebourg. De l'autre côté de la frontière, trois immenses hélicoptères vert avocat, rappelant celui qui venait d'exploser - en dehors, de facto, de la couleur du fuselage - , stationnaient dans les airs en faisant face à l'Ouest. Une énergique voix masculine au ton très impératif se mit à résonner.

<< Ici le bataillon est-allemand, sous la protection de l'Hetman de la Couronne polonaise ... Vous avez tenté de pénétrer illégalement sur notre territoire. Vous allez devoir en assumer les conséquences. Nous vous demandons de déguerpir des environs d'ici les trente prochaines secondes. Si le délai n'est pas respecté, nous serons contraints de reprendre les hostilités ! >>

Anselme et Izidor s'échangèrent un regard.

<< Oups ... fit le grand bonhomme.

— Le chat a fait exprès de pousser notre appareil de l'autre côté du mur pour tout faire sauter ! Il a voulu les faire réagir ! >>

La voix est-allemande rappela le décompte : << ... Vingt-cinq secondes ! >>

Les deux officiers de la Suggestion se mirent à détaler comme des lapins sur l'artère du dix-sept Juin.

<< Soldats ! Partez d'ici ! Suivez-nous ! >> commanda le petit homme violâtre à l'ensemble des hommes cagoulés présents sur place au travers de sa montre-bracelet.

Les militaires de l'État Suggéré obtempérèrent immédiatement à l'injonction et, véhiculés ou non, suivirent les pas des deux compères.

<< Dix secondes ! >>

Zoran sauta du Palais du Reichstag et atterrit sans encombre sur le bitume grâce à ses nouvelles bottes dont les semelles s'illuminaient à chaque moment d'atténuation de l'effet de gravité. Il tenta de rejoindre promptement la place du dix-huit Mars en effectuant d'impressionnantes enjambées mais finit par s'écrouler après avoir trébuché sur un débris ; il manquait vraisemblablement de familiarité avec la technologie. Il perdit ainsi son fusil à foudre.

<< Éloigne-toi, garçon ! >> enjoignit la tonnante voix est-allemande.

Il dirigea timidement les yeux sur les aéronefs et se replaça debout, sans prendre la peine de ramasser son arme. Il leva les mains en l'air et resta immobile un instant, se montrant pleinement vulnérable.

Après de longues secondes, l'ensemble des aéronefs présents dans le ciel s'éloignèrent. Le jeune homme se remit en marche et posa les pieds sur le pavage de la place, se retrouvant à quelques mètres de la porte de Brandebourg. Il balaya patiemment les alentours du regard.

<< Le chat ? >> cria-t-il.

Il scruta deux cabriolets tout-terrain abandonnés par les forces armées de la Suggestion.

<< Le chat ... >> répéta-t-il à mi-voix, sur un ton désillusionné.

Il se retourna et vit, dans une réconfortante surprise, le félin noir posté juste devant le monument historique dont les deux lourdes plaques d'acier qui faisaient office de double porte commençaient déjà à s'écarter l'une de l'autre.

<< Tu es là ! se réjouit-il, rassuré.

— Zoran ... Et Monsieur Friedrich ? demanda la petite bête. Il ne t'a pas retrouvé ?

— ... Heu ...

— ... Écoute ... Il faut aller le secourir ! Nous avons peut-être encore le temps, maintenant qu'ils sont tous partis !

— Non ! Nous n'avons pas le temps, justement ! Ils vont revenir, les hélicoptères de l'Est viennent de partir ! Il faut franchir cette porte avant qu'il ne soit trop tard !

— On ne va quand même pas le laisser, après tout ce qu'il a fait pour nous !

— Le chat ... C'est terminé pour lui ! Ils l'ont neutralisé, tu l'as entendu ... La meilleure chose que nous pouvons faire pour lui, c'est de franchir cette frontière. >>

Le passage de Brandebourg, entre les deux colonnes doriques centrales, était à présent accessible. De l'autre côté du mur, un comité d'accueil les attentait silencieusement en braquant une trentaine de canons sur eux ; à balles, à foudre ou à obus de char. Le garçon au pantalon de visibilité hésita finalement à passer de l'autre côté.

<< Tu as raison ... Je suis triste pour lui ...

— Ils n'ont pas l'air commodes non plus, ceux là ... fit remarquer l'ex-forçat.

— Lève les mains en l'air et marche avec moi ... >> lui conseilla le matou.

Le jeune homme ferma les yeux et, dans une démarche incertaine, effectua les quelques pas nécessaires pour se retrouver en Allemagne de l'Est. La lourde porte du mur berlinois se referma doucement derrière eux. Ils se retrouvèrent aussitôt encerclés par les militaires ailés qui les tenaient en joue.

KATZEN - Tome 1 : Mémoire morte [Wattys2021]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant