1.3 : La ruelle

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Un homme d'environ cinquante printemps, barbu et à la canitie déjà bien avancée, maigre de corps et sec de visage, assis sur le trottoir et le dos appuyé contre la grille roulante de la devanture d'une friterie au beau milieu d'un boulevard, sorti...

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Un homme d'environ cinquante printemps, barbu et à la canitie déjà bien avancée, maigre de corps et sec de visage, assis sur le trottoir et le dos appuyé contre la grille roulante de la devanture d'une friterie au beau milieu d'un boulevard, sortit de sa courte somnolence en découvrant la vingtaine de fantassins qui, au loin, progressaient vraisemblablement dans sa direction. Un sourire se dessina lentement sur son visage jusqu'ici terne à la vue du sombre et titanesque hélicoptère qui, en stationnement dans les airs, dominait la ville.

<< Regarde, ami Sancho ... >> prononça-t-il d'une voix rauque et hagarde.

Il était seul, s'exprimant dans le vide. Il se leva.

<< Voilà devant nous un démesuré géant, auquel je pense livrer bataille et ôter la vie ! >> déclara-t-il en désignant la machine volante.

Sans plus attendre, les soldats placèrent leur fusil en joue.

<< Ne fuis pas ! C'est un seul chevalier qui t'attaque ! Je vais t'anéantir avec cette lance, lâche et vilaine créature ! >>

Il jeta son arme d'hast imaginaire contre l'aéronef avant d'imiter, oralement et gestuellement, une explosion.

La troupe au sol serra les rangs, s'approchant de lui dans une lancée résolue. D'autres hommes, qui avaient emprunté la voie des hauteurs, se positionnèrent tactiquement sur les toits, aidés de leurs bottes qui leur permettaient d'effectuer de prodigieux sauts sur plusieurs mètres.

<< Avec la dépouille de ce géant, nous nous enrichirons, car c'est une prise de bonne guerre ! >>

Derrière lui, à sa droite, se trouvait une étroite et lugubre ruelle en cul-de-sac. Il s'y engouffra en riant à gorge déployée. Quatre fantassins s'y introduisirent à leur tour, deux pas deux.

<< Je m'en vais retrouver ma Princesse Dulcinée ! Je m'en vais lui conter mes récits ! >>

Son hilarité réveilla un chat noir qui dormait jusqu'ici paisiblement sur le plus haut des deux conteneurs à ordures collectifs qui, derrière une vieille poubelle archétypale, étaient présents au fond du cul-de-sac.

<< Qu'est-ce qu'il se passe ? >> s'exclama l'animal dans une voix masculine.

La petite bête releva la tête, constatant dès lors la présence des militaires cagoulés et armés qui progressaient dans la venelle. Le quinquagénaire apparemment dénué de raison continuait à se gondoler dans des éclats toujours plus intenses.

<< Ma dulcinée ! Personne ne pourra me séparer d'elle ! Personne ! >>

L'un des fantassins en tête de file repéra le matou via la vision nocturne intégrée à son viseur.

<< Je le tiens ! >> signala-t-il à ses compagnons d'armes.

Le chat se plaça sur ses pattes : << Ho non ... >> prononça-t-il.

Il se mit à bondir d'un pan de mur à l'autre de la ruelle, prenant petit à petit de l'altitude dans une agilité déroutante. Les soldats réagirent sur-le-champ en déchargeant de leur fusil de fulgurants éclairs électriques magenta. Les tirs frappèrent les briques autour de l'animal sans parvenir à faire mouche. Le chevalier fou se laissa choir à terre, se retrouvant en position assise, près du récipient à ordures ménagères d'où était partie la curieuse bête, au pied d'une porte d'accès privé à un restaurant italien.

<< Reposons-nous, Sancho ... >>

Le félin noir parvint jusqu'au toit de l'établissement en question pendant que les hommes d'armes en contrebas continuaient à essayer vainement de le foudroyer. D'autres, cependant, avaient visiblement anticipé l'affaire en lui préparant un comité d'accueil sur les hauteurs.

<< Zut ! Encore eux ! >> lâcha-t-il.

Deux d'entre eux, positionnés sur les tuiles à cinq mètres de lui, se mirent aussitôt à le tirailler. Le chat effectua un double salto arrière et parvint à rejoindre le toit adjacent. Ils continuèrent à décharger la foudre. Il esquiva adroitement les tirs de saut en saut tout en cavalant comme un lièvre, évitant même un second binôme. Une poursuite s'engagea alors sur les toits. Les fantassins de la venelle en contrebas, facilités par leurs bottes diminuant l'effet d'attraction terrestre, rejoignirent eux aussi les sommets. Les quidams aux alentours, fidèles à eux-mêmes, restèrent indifférents aux éclairs qui se mirent à fuser en tous sens.

KATZEN - Tome 1 : Mémoire morte [Wattys2021]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant