KATZEN - Tome 1 : Mémoire morte [Wattys2021]

2.9 : Plein gaz

<< Comment fais-tu pour conduire ? questionna le pauvre passager complètement affolé.

— Je ne sais pas, bonne question ! Accroche-toi ! Ils nous suivent ! constata le chat en apercevant le chasseur, au loin, au travers du rétroviseur.

— Je vais devenir fou ! >>

Le matou zigzagua entre plusieurs véhicules du même acabit sur l'étroite chaussée, allant jusqu'à grimper de temps en temps sur le trottoir tout en prenant garde à épargner les quelques piétons à la face inexpressive sur son chemin. L'engin piloté par l'officier Rojas déploya un canon sous son fuselage et se mit à décharger des éclairs identiques à ceux que produisaient les fusils appelés Zaters. La petite bête au volant de l'automobile, semblant méconnaître l'inefficacité des tirs sur la carrosserie dans un premier temps, les esquiva soigneusement en jouant sur la bande de gauche à droite, tout en accélérant ou ralentissant sa progression ainsi qu'en empruntant aux derniers moments des voies perpendiculaires ; une imprévisibilité qui posait un net problème au chasseur en dépit de ses qualités manœuvrantes. Une décharge, toutefois, finit par frapper de plein fouet la voiture qui, néanmoins, poursuivit tranquillement sa route.

Larsson, occupé à dévaler la rue au pas de course en compagnie de ses fantassins, tous facilités par les bottes limitant l'effet de gravité, assistait en même temps au déroulement de l'opération à partir de la retransmission sur l'objet circulaire qu'il portait au poignet ; les images en noir et blanc provenaient d'une caméra placée sous l'aéronef.

<< Ne leur tirez pas de la foudre ! Ça ne suffira pas, le chat risque encore de nous filer entre les mains ! Montrez-vous plus offensifs si vous voulez l'immobiliser !

— Pas de pitié ! >> se réjouit Izidor Kaluža.

La berline traversa un boulevard - dominé par l'hélicoptère de Larsson en stationnement sur le toit d'un immeuble désaffecté près du coin d'une rue piétonnière perpendiculaire à l'artère - en grillant une série de feux rouges, évitant in extremis de renverser quelques passants. De justesse, elle échappa à des collisions latérales avec d'autres voitures qui fonçaient droit sur elle. Une rame de tram à grande vitesse, qui s'invitait aussi dans la partie, poussa un intense coup de klaxon. Anselme se mit à tirer des roquettes air-sol qui fracassèrent le bitume et endommagèrent certains véhicules, incapable d'atteindre la cible verte qui sinuait toujours constamment.

<< Ils veulent nous tuer ! Laisse-moi descendre ! >> implora Zoran, pâle comme une aspirine, essayant de forcer frénétiquement la poignée de la portière à sa droite complètement verrouillée.

La voiture, après avoir esquivé les pauvres quidams qui se présentaient sur la route piétonnière qu'elle venait d'emprunter, effectua un magistral dérapage à gauche afin de fuir la salve de feu, virant sur une voie imprévue qui désorienta l'engin volant ; ils passèrent alors devant la Cathédrale Saint Paul de la cité wallonne. Le garçon au pantalon de visibilité orange hurlait à plein poumons.

<< Ah ! Impossible de les avoir ! Attends, Izidor ! Nous allons faire autrement ! >> annonça Anselme.

L'aéronef vira de direction, parvint à remonter au niveau de la cible à quatre roues et descendit dangereusement de plusieurs mètres d'altitude jusqu'à elle.

<< Nous n'allons jamais nous en sortir ! Je veux partir ! Je suis innocent, moi ! se lamenta l'évadé du pénitencier.

— C'est trop tard ! >>

Le félin noir remarqua soudainement à sa gauche les visages des deux Commandants occupés à le narguer.

<< Zut ! >> poussa-t-il.

Le chasseur se heurta latéralement contre la berline qui, sous le choc, fut propulsée sur le trottoir de droite. L'aéronef remonta illico dans les airs, échappant à une collision frontale avec une camionnette. Zoran cria encore, à deux doigts de pleurer. Le chat, gardant son sang froid, reprit promptement le contrôle du véhicule. Ils regagnèrent la chaussée, grillant de nouveau un feu rouge.

<< C'est à toi qu'ils en veulent ! Je peux encore m'en tirer ! Laisse-moi partir !

— Une autre fois ! >> rétorqua le matou.

Une roquette qui faillit faire mouche endommagea la partie droite du coffre, dont le feu arrière, le souffle explosif projetant l'automobile sur la bande de gauche.

<< Ça a failli me tuer ! >> s'écria le garçon.

Ils manquèrent de percuter frontalement une autre voiture et l'esquivèrent en montant sur le second trottoir, contraints une nouvelle fois d'éviter les piétons qui paraissaient indifférents au danger. Ils revinrent sur la chaussée, évitant encore un accident avec un énième véhicule.

Le chat remarqua que la peinture du capot commençait anormalement à foncer, l'ombre de l'aéronef le recouvrant.

<< Ils vont cogner ! >> alerta-t-il.

Ils purent tous deux ressentir une suite de chocs accompagnés d'insupportables retentissements métalliques, le haut de la carrosserie se déformant considérablement. L'automobile commença à ralentir.

<< Plein gaz ! hurla l'animal au volant.

— Au secours ! Stop ! >> s'égosilla le jeune homme en s'accrochant au dossier du siège face à lui.