5.7 : Les pouilleux

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De violents fracas semblant provenir du rez-de-chaussée résonnèrent jusqu'aux oreilles de Zoran et du matou, immédiatement suivis du cri de leur hôte

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De violents fracas semblant provenir du rez-de-chaussée résonnèrent jusqu'aux oreilles de Zoran et du matou, immédiatement suivis du cri de leur hôte. Un coup de pied décisif, porté par le dénommé Sterben de la bande des pouilleux, éjecta la dernière planche clouée sur l'huis de l'établissement qui couvrait jusqu'ici sa large vitre partiellement brisée.

<< Friedrich ! >> hurla le personnage au visage tatoué et amputé du nez.

Le sexagénaire s'élança alors, tête brûlée et armé d'une poêle en fonte, dans la brèche laissée par les pouilleux avant qu'ils ne pénètrent dans le vestibule ; sa charge les contraignit à reculer instantanément sur le bitume. Il les retrouva à l'extérieur, se faisant alors promptement encercler. De la fenêtre de la chambre du premier étage, le félin noir et l'évadé du pénitencier liégeois - dont la conversation avait été abruptement interrompue par l'évènement - assistaient discrètement au spectacle.

<< Il est fou ? s'exclama le jeune homme. Pourquoi est-il sorti ?

— Il veut te protéger ! >> rappela le chat.

Klaus Friedrich, qui paraissait garder son sang froid, scruta un instant tous ses adversaires aussi encrassés les uns que les autres, la poêle tendue dans leur direction. Certains pouilleux reculèrent encore d'un pas.

<< ... Vous êtes venus me chercher ... Hein ? >> prononça-t-il sereinement en se plaçant en garde.

Sterben fit signe à deux hommes de sa bande, tous deux armées de chaînes en acier brossé, d'entrer dans le cercle. Celui qui fit le premier pas sur le ring improvisé avait les cheveux longs et lâchés ; il portait une moustache singulièrement effilée ; le second, aux lunettes de soleil en plastique, avait une éponge orange littéralement collée verticalement sur son crâne rasé à blanc, telle une crête iroquoise.

Ils se mirent à tourner autour de l'ex-Lieutenant tout en faisant tournoyer leur chaîne en l'air ; l'un d'eux, visiblement très en confiance, paraissait ricaner. Immobile et imperturbable, l'Autrichien ne les lâchait pas du regard. Le premier lança les hostilités. Le sexagénaire esquiva le trait de mailles de fer dans un saut latéral. À la nouvelle tentative, l'objet s'enroula autour du manche de sa poêle. Il en profita alors pour attirer à lui son opposant d'un coup sec et, dans le mouvement, lui porter énergiquement son genou dans le torse. Sous le choc, ils relâchèrent tous deux leur arme liée l'une à l'autre. Le second pouilleux, celui à l'éponge collée sur la tête, entra alors en scène afin d'assaillir Friedrich qui para la charge en le happant par le poignet, le frappa du coude en pleine mâchoire et lui octroya une série de gifles avant de le neutraliser par un vigoureux coup de boule. Le moustachu saisit la poêle au sol et essaya de fracasser le crâne de l'ex-Lieutenant qui parvint à se protéger in extremis avec ses deux avant-bras. L'Autrichien hurla de douleur et, d'un coup de pied très réactif, heurta l'abdomen de son adversaire, lui arrachant ensuite des mains l'ustensile de cuisine ; il l'utilisa pour le cogner au front avant de prendre une distance et récupérer du souffle.

<< Il sait se battre ... commenta l'animal, la queue ballante. Il ne tiendra malheureusement pas longtemps, à moins d'un heureux imprévu ...

— Oui ... Ben ... Il vaut mieux ne pas nous mêler de leur règlement de compte ... émit Zoran.

— Tu es lâche ... mais il est vrai qu'il s'opposerait à ce que tu te manifestes ... J'ignore ce que nous pourrions faire pour lui venir en aide et ça me rend vraiment malade ... >>

L'homme à la singulière moustache effilée revint à l'attaque en rugissant, une bosse déjà bien saillante sur le front ; son opposant l'accueillit d'un nouveau coup de pied bien placé, cette fois circulaire et crocheté, provoquant sa chute et sa mise hors de combat.

<< Je n'allais pas me rendre sans résistance. >> fit remarquer le sexagénaire dans une déconcertante assurance.

Les pouilleux avaient cessé de rire, à l'exception d'un seul. Sterben, qui était de toute évidence le chef de la bande, fit calmement son entrée dans l'arène et s'approcha calmement de lui.

<< C'est bien, Friedrich ... Tu as toujours été un codétenu redoutable et respecté, ce qui t'a permis de survivre longtemps sur cette île. Mais moi aussi, tout comme toi, j'ai fait bonne école avant ma déportation. >>

KATZEN - Tome 1 : Mémoire morte [Wattys2021]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant