9 : Athènes

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Un homme d'une quarantaine d'années longeait, seul, le vestige mural du site archéologique de la bibliothèque d'Hadrien situé à quelques pas de la place Monastiráki dans la capitale grecque

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Un homme d'une quarantaine d'années longeait, seul, le vestige mural du site archéologique de la bibliothèque d'Hadrien situé à quelques pas de la place Monastiráki dans la capitale grecque. L'Acropole qui s'élevait au centre de la ville pleinement ensoleillé s'avérait visuellement immanquable à partir de cet emplacement. Une paire de lunettes fumées sur le nez, un simple polo délavé couvrant une carrure bien dessinée, un bermuda beige multipoches et une paire de sandales aux sangles blanches conféraient au personnage en marche l'apparence d'un touriste ordinaire. Il poussa la vieille porte d'entrée bleue d'un bâtiment qui, contrairement à certains autres édifices dans la même rue, ne semblait pas abandonné et encore moins désaffecté. Il dévala quelques marches d'escaliers et se retrouva devant une banque d'accueil en granit derrière laquelle était assise une dame à la chevelure coupée au carré, tout aussi ébène et lisse que celle d'une asiatique ; son visage terne et ses pupilles dilatées fixant le vide témoignaient de son état de citoyenneté.

<< Bonjour ... lui adressa-t-il poliment.

— Bonjour ... >> répondit-elle sans accorder le moindre regard à l'individu.

Il releva un instant ses lunettes. Elle daigna enfin lever la tête. Elle contracta un instant ses paupières avant de le dévisager avec des yeux écarquillés.

<< Est-ce vous ? questionna-t-elle. Général Arkoudas ?

— Oui ... Je suis venu me ressourcer. Pourriez-vous me dire où je pourrais me procurer du vin ?

— Heu ... Je crois qu'il doit me rester quelques bouteilles de retsina quelque part. informa-t-elle sur un ton lymphatique.

— Ça conviendra ... Amenez-moi un verre. >>

Il replaça correctement la monture de ses verres fumés sur son nez et s'éloigna.

<< Très bien ... >> dit-elle.

Il traversa un portique électronique qui émit alors une voix féminine artificielle : << Paiement effectué. Bienvenue dans le musée de cire national grec, Général Hélios Arkoudas. >>

Il mit les pieds dans une première salle abritant une magnifique et impressionnante reconstitution statuaire d'une assemblée citoyenne athénienne sur la colline Pnyx, en taille réduite, où figuraient des hommes barbus débâtant et votant en chitons ioniques, certains ayant la main levée ; l'un d'eux se tenait debout sur une tribune de pierre. Le chef d'État-Major des forces armées de laSuggestion s'arrêta un instant et contempla la mise en scène. Il entendit des pas derrière lui. L'hôtesse vint lui apporter son ballon de vin résiné.

<< Merci pour votre promptitude ... >> félicita-t-il.

Elle lui présenta un sourire dénaturé. Il se remit en marche, allant dans le sens contraire qu'indiquait le fléchage fluorescent marqué au sol, et parvint ainsi directement à la dernière étape du parcours du musée. Elle était composée d'un groupe statuaire de trente-neuf personnages de cire à taille humaine alignés sur deux rangées, tous en costume trois-pièces pour les hommes et deux-pièces pour les femmes, tous de nationalités différentes ; ils disposaient chacun d'attributs symboliques particuliers ; leur nom respectif en caractères latins et cyrilliques était affiché sous leurs pieds. Il s'avança jusqu'à celui dénommé Périclès Arkoudas. La statue représentait un homme âgé d'une soixante-dizaine d'années dont l'apparence physique était très proche de l'évidente descendance qui l'observait. Sa main droite était placée dans une poche de pantalon. À l'avant-plan du personnage se dressait un guéridon sur lequel étaient juchés un faux plat de moussaka à la texture rosâtre et une chandelle blanche artificiellement allumée. L'ensemble correspondait exactement à la photographie accrochée dans le bureau ardennais du chef militaire.

Hélios ôta sa paire de lunettes et l'accrocha sur le col de son polo. Il scruta un instant l'ouvrage de cire tout en se rafraîchissant le palais. Il tenta ensuite de se placer exactement dans une posture identique à la statue, une main dans une poche et un genou placé légèrement devant l'autre, comme s'il était occupé à se mirer. Il fut alors surpris par un bruit sec et une brève intensité lumineuse de quelques dixièmes de secondes. Il se retourna et remarqua un homme trentenaire qui, le poignet orienté dans sa direction, le pointait avec sa montre-bracelet. L'étranger était moustachu, de corpulence mince et portait une chemise cintrée bleu ciel. Manifestement embarrassé, il prit ses jambes à son cou en passant par le couloir qu'il venait d'emprunter. Hélios posa son verre sur un piédestal soutenant un chandelier à six bras et se lança à sa poursuite. Il traversa une seconde fois la salle contenant l'Ecclésia citoyenne et ouït les pas de l'intrus qui remontait à vive allure l'escalier de l'entrée de l'établissement.

<< Empêchez-le de s'enfuir ! >> exigea-t-il de vive voix à l'hôtesse d'accueil.

Elle leva les yeux, vit l'homme à deux doigts de saisir la poignée de la porte bleue et pressa diligemment un interrupteur qui déclencha le verrouillage.

KATZEN - Tome 1 : Mémoire morte [Wattys2021]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant