KATZEN - Tome 1 : Mémoire morte [Wattys2021]

16.1 : Léo Alekna

Les paupières de Zoran se relevèrent doucement, jusqu'à ce que le rayonnement des diodes électroluminescentes au-dessus de sa tête cesse de l'éblouir.

<< Il se réveille. >> avertit une voix féminine.

Une dame d'un âge avancé, habillée d'une blouse blanche et d'un serre-tête de la même couleur, s'approcha du lit médical dans lequel le jeune homme était couché.

<< ... Où ... prononça-t-il.

— Tu te trouves à l'hôpital de Vilnius, dans le pays de Lituanie, en Confédération baltique ...

— ... Quoi ? >>

Il leva le bras dextre et constata que son coude était lié par une dizaine de sondes transparentes à une machine ressemblant presque à un vieux générateur d'hémodialyse. Une tenue de patient de couleur vert pomme lui avait été enfilée, remplaçant ses habits boueux et ensanglantés.

<< Un hôpital ?

— Des miliciens t'ont ramassé à la frontière ... Ta jambe était fracturée et les ligaments de ton coude étaient endommagés. Nous avons tout réparé. Tu auras encore mal quelques heures mais cela passera plus vite que tu ne le penses ... >>

Elle lui ôta délicatement les aiguilles plantées dans l'articulation olécranienne. Il vérifia ensuite s'il parvenait encore à mouvoir le membre supérieur correctement et le résultat parut concluant, malgré quelques douleurs illustrées par son expression faciale. Une trace potentiellement indélébile de la morsure du monstre mécatronique qui l'avait happé sur cette zone lui marquait à présent la peau. Il devait en être de même à la jambe gauche.

<< Où est le chat ? >> demanda-t-il sur un ton préoccupé.

Une voix grave à sa gauche répondit à la place de la dame en blanc.

<< Nous avons appelé une vétérinaire pour ton chat ... >>

L'ex-forçat tourna la tête et découvrit, assis à proximité de son lit, un homme moustachu aux cheveux châtains plaqués en arrière et retombant derrière la nuque. Il portait une élégante veste en daim marron par-dessus une chemise kaki.

<< ... Qui êtes-vous ?

— Je m'appelle Léo Alekna. Je suis le Maréchal de la Milice des Lions. Et toi ?

— ... Zoran ...

— ... Peux-tu me raconter ce qu'il t'est arrivé, Zoran ?

— ...

— D'où viens-tu ? Tu n'as pas l'accent très Polonais ...

— De l'État Suggéré ... >>

L'infirmière - occupée jusqu'ici à examiner sur un transparent A4 une série de radiographies numérisées - et le dénommé Alekna écarquillèrent les yeux.

<< Vraiment ? Que faisais-tu dans le Royaume de Pologne, alors, si près de la frontière lituanienne ?

— Je ne sais pas si je peux le dire. >>

Le sentiment de surprise de la dame et du milicien fut d'autant plus perceptible.

<< Qui t'envoie ici ? >>

Le jeune patient maintint le silence.

<< Tu ne veux pas répondre ?

— J'aurais dû rester en Pologne ... Je n'ai rien à faire ici.

— Pourquoi t'es-tu fais attaquer par des dragons ? Pourquoi tous les douaniers ont-ils été assommés ? Et pourquoi le rebelle présent sur les lieux a-t-il cherché à ramasser l'animal inconscient qui trainait auprès de toi ?

— Vous devriez interroger ce chat ... >>

Alekna, au bout de deux secondes, émit un petit rire retenu par ses lèvres closes mais souriantes. Il se tourna vers l'infirmière.

<< Vous avez bien vérifié ? Vous êtes sûr qu'il n'a pas de stimulateur dans le crâne ?

— Non. Nous avons juste repéré un implant autour de sa colonne vertébrale ... Il a été désactivé.

— Ah oui ? Un implant ... Tu as été incarcéré sous la Suggestion ?

— J'étais un forçat ... confirma l'intéressé.

— Tu t'es évadé ?

— Oui. >>

Le milicien se leva de sa chaise.

<< Donne-moi ta main.

— Pourquoi ? >>

Alekna lui saisit un avant-bras sans prévenir et lui glissa la main dans une menotte élastique qui, instantanément, se contracta autour du poignet. L'autre extrémité, liée par un fil fluorescent, se trouvait déjà nouée à un barreau du dossier de tête du lit. Le jeune homme essaya vainement de se détacher.

<< Je prends mes précautions car je dois m'absenter quelques minutes, j'ai quelque chose à faire ... Quand je reviendrai, j'espère que nous pourrons collaborer ... C'est très grave ce qu'il se passe, j'espère que tu le conçois. >>