KATZEN - Tome 1 : Mémoire morte [Wattys2021]

13.5 : Hedwige

Tous tournèrent la tête. Une porte s'était ouverte à tout à droite de l'estrade. Une dame était apparue ; elle portait un magnifique bliaud écarlate constellé d'aigles blancs ; elle était coiffée d'un diadème sur lequel était suspendues plusieurs enfilades de perles qui occultaient son cou, ses oreilles et ses cheveux ; les trois-quarts de son front, la moitié de son nez et toute la partie dextre de son visage à l'exception de la bouche étaient dissimulés par un demi-masque tout aussi doré que sa longue ceinture-corset, ce qui n'en laissait pas moins deviner sa beauté à peine quarantenaire. Elle s'approcha des cinq personnages.

<< Hedwige ... C'est rare de te voir sortir de tes appartements ... fit remarquer Boleslas.

- Je veux remercier ceux qui ont fait justice. expliqua-t-elle en chemin.

- Maman ... prononça le jeune homme qui menaçait le matou avec son arme.

- Le rebelle que vous avez neutralisé et emprisonné est celui qui m'a mise dans cet état. >> révéla-t-elle aux trois invités, désignant le masque qui couvrait en partie sa figure.

Le personnage au diadème, qui s'avérait certainement être la Reine du pays, orienta ses pupilles sur la petite bête avant de s'accroupir auprès d'elle, posant sous son museau une main couverte d'un passe-coude en dentelle noire. Il fit mine de la renifler.

<< Tu peux ranger ton sabre, Casimir. >> pria-t-elle avant de se relever.

Le jeune polonais se tâta un instant avant de se résigner. Il vint alors à la rencontre de la dame et lui remit ensuite une bise sur le front doré.

<< Merci à vous trois. >> dit-elle au trio.

Jurek Górski lui répondit par un hochement de la tête. Zoran paraissait encore déboussolé par le bref interrogatoire de l'impressionnant monarque.

Elle monta ensuite sur l'estrade afin de rejoindre le souverain, posant une main sur le dossier du trône. Boleslas, après les avoir une nouvelle fois sondés du regard, s'exprima : << ... Nous vivons une période inquiétante. Nous savons que les rebelles terroristes préparent quelque chose ... Le siège du commissariat, tout à l'heure, ne devait être qu'un amuse-gueule et ils ont bien failli parvenir à leur fin avec leurs dragons ... Je suis personnellement convaincu que nos services de renseignement ne sont plus à jour sur les estimations concernant les capacités logistiques de la rébellion, nous avons trop tendance à la sous-estimer depuis ces derniers mois. À côté de cela, ce n'est plus qu'une question de temps avant que les parlementaires ne lancent contre moi une procédure de destitution du trône ... Je n'ai plus rien à perdre ...

- Ne parle pas de malheur, Boleslas. fit la Reine.

- ... Où voulez-vous en venir, votre Majesté ? demande le Colonel.

- Olivier Demester est en vie. >> révéla le souverain polonais.

Górski et Casimir écarquillèrent des yeux stupéfaits.

<< Il est en vie ... répéta l'officier.

- Je ne l'ai personnellement jamais rencontré mais j'ai été mis dans la confidence par le biais de mon Confesseur ... Jusqu'ici, il n'y a peut-être que trois personnes en Pologne à savoir dans le même temps ce qu'il est devenu et ce qu'il était ... Il vit sous une nouvelle identité.

- C'est un secret d'État ...

- Non. C'est un secret tout court ...

- Je ne comprends pas ... Ne devrait-il pas être en prison ?

- Non. J'ai décidé de le laisser tranquille.

- Mais ... comment ...

- Je sais ... Une fois de plus, je mets ma couronne en danger. Comme je vous l'ai dis, je ne fais pratiquement plus confiance à personne ... Je compte donc sur vous tous pour tenir votre langue ...

- Bien sûr ... >>

Le monarque posa trois doigts ses lèvres, s'accordant de toute évidence un temps de réflexion avant d'annoncer : << Je sais où il est. Je vous permets, je dirais même que je vous réclame, d'aller à sa rencontrer ... Si cela peut contribuer à tirer cette affaire au clair et, peut-être, en apprendre davantage sur ce que prépare l'ennemi ... >>

Zoran, l'air mal à l'aise, glissa un mot discret à l'oreille de l'officier à côté de lui : << ... Heu ...Ça ira pour moi ... Je préfère rester ici. Allez-y tout seul. >>