Le chat ménageait manifestement sa vitesse afin d'éviter de trop distancer le forçat dans leur cavale. Parvenus au dernier niveau des sous-sols du cargo, ils virèrent dans le couloir permettant l'accès à la tintamarrante salle des machines. Deux hommes qui, habillés en matelots, devaient faire partie du service de sécurité employé par le chef du navire - au vu du pistolet qu'ils portaient à la ceinture - y firent irruption et s'étonnèrent de voir le curieux duo foncer droit dans leur direction.
<< Hé ! C'est lui ! C'est l'intrus ! >> s'exclama l'un d'eux, une tasse de café dans une main.
Son collègue dégaina aussitôt. Zoran s'arrêta net, les bras immédiatement en l'air, tandis que le matou poursuivit sa course et se jeta sur le premier, renversant d'un coup de patte le breuvage chaud sur celui qui était armé. Ce dernier hurla et fit feu dans le vide, tandis que l'autre perdit l'équilibre et se heurta la tête contre un extincteur. Le félin noir administra alors, dans un bond, une puissante frappe de la patte antérieure en pleine face du matelot au pistolet, immédiatement suivie d'un vigoureux coup de griffe à la main ; l'arme de poing s'échoua au sol. L'évadé du pénitencier liégeois profita de l'occasion pour essayer de forcer le passage mais l'homme au café le happa par la jambe. L'animal mordit le personnage à l'oreille, provoquant la libération de son compagnon qui put s'enfuir sans se retourner pendant que le blessé criait de douleur. La petite bête rattrapa le garçon au pantalon de visibilité orange.
<< Plus vite, Zoran ! Le coup de feu va tous les attirer ! >>
Ils se retrouvèrent enfin dans la salle des machines. Le vacarme qui en résonnait nécessitait le port d'un casque anti-bruits pour les travailleurs. L'endroit, composé d'un système de ventilation, de chaudières, d'échangeurs thermiques, de pompes, de groupes électrogènes et surtout d'un moteur de vingt mètres de long qui propulsait le bateau via le gigantesque arbre d'hélice, n'était que partiellement éclairé. Ils croisèrent sur leur route un groupe de mécaniciens qui, comme la majorité de l'équipage, avaient un faciès inexpressif ; ces hommes ne leur prêtèrent pas la moindre attention. Les deux agents de sécurité auxquels les compagnons d'aventure s'étaient cependant frottés se lancèrent à leur poursuite, tous deux un pistolet à la main.
<< Oui, Capitaine ! L'intrus est en bas ! Il est avec un chat très agressif ! >> hurla l'un d'eux dans sa montre-bracelet.
Zoran et l'animal se retrouvèrent dans une nouvelle pièce où était parqué, en contrebas de la plate-forme à laquelle ils venaient d'accéder après avoir dévalé un escalier en acier inoxydable, un petit vaisseau sous-marin sur une plaque du même alliage. L'appareil avait une taille proche du chasseur des Commandants Rojas et Kaluža, bien que de forme différente et de couleur jaune ; ses deux portières étaient ouvertes. D'immenses cuves vibraient et ronronnaient en dessous de la structure au sol de caillebotis galvanisé sur laquelle ils venaient de poser pied et patte.
<< C'est ici ! Ils arrivent ... Saute sur les cuves et monte dans le sous-marin ! Je te rejoins !
— Heu ... Oui, oui ... >>
Le garçon au pantalon de visibilité orange passa par-dessus la rampe de la plate-forme et se retrouva sur l'un des récipients de stockage. L'homme au regretté café passa le cadre de l'entrée et s'élança sur l'escalier lié à la surface métallique, remarquant aussitôt la présence du félin noir. Il eut à peine le temps de braquer son pistolet sur la petite bête que celle-ci se jeta sur ses bottes, y planta ses griffes et, dans un élan de force inattendu, le fit passer par-dessus son petit corps. L'agent de sécurité dégringola de l'élément de construction diagonal et perdit son arme. Son collègue se retint de s'engager trop hâtivement mais l'animal, sans visiblement trop réfléchir, passa en dessous d'une marche-échelon tout en s'agrippant sur le revers de la structure et, dans un mouvement de basculement leste, accrocha ses pattes postérieures au degré supérieur ; il se retrouva ensuite, après une culbute à l'envers, sous l'échelon suivant et, arrivé sous les pieds de l'homme qui ne parvenait plus à le suivre, réussit à le frapper à la cheville. L'agent chuta à son tour en hurlant. Le félin revint au seuil d'accès à la pièce ; il aperçut des fantassins cagoulés de Larsson, au loin, débouler dans la salle des machines. Il effleura l'extrémité de la lourde porte d'acier coulissante enfoncée dans la cloison, provoquant ainsi, après une étincelle, sa fermeture et, à l'entente du son mécanique qui se produisit, son verrouillage.
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KATZEN - Tome 1 : Mémoire morte [Wattys2021]
Science FictionGAGNANT WATTYS 2021 ⭐ Un mystérieux chat noir pourchassé par l'armée libère un jeune prisonnier ayant participé, quelques années plus tôt, à la dernière guerre des Balkans. Au fur et à mesure d'une traque qui se poursuivra au travers de l'Europe et...