KATZEN - Tome 1 : Mémoire morte [Wattys2021]

2.2 : La libération anticipée

Zoran se leva de son siège, se retourna et souleva son t-shirt. Le matou constata l'existence d'un point lumineux vert dans le bas du dos de son interlocuteur.

<< Tu vois la petite lumière verte ?

— Oui.

— Quand je serai libre, dans quelques mois, elle s'éteindra, car l'implant électronique sera désactivé. Je pourrai alors accéder à la citoyenneté et vivre mes rêves.

— J'aimerais le voir de plus près. >>

Le jeune homme recula jusqu'au bord du lit. L'animal se rapprocha de lui et posa une patte sur le point vert ; au bout de trois secondes de concentration, il enfonça ses griffes dans la chair ; le membre antérieur velu émit quelques étincelles électriques. Le garçon hurla de douleur et s'éloigna d'un bond, courant jusqu'à la tabatière.

<< Ça ne va pas, non ? >>

Il entendit alors la voix robotique de son bourdon geôlier résonner au-dehors.

<< Forçat Zoran, vous venez d'obtenir une libération anticipée. L'État Suggéré vous félicite. Vous pouvez à présent introduire votre demande d'accès à la citoyenneté. >>

Il sursauta : << Quoi ? >>

Il s'approcha doucement de la glace de son placard et examina son dos. Le point lumineux avait disparu.

<< Qu'est-ce que tu as fait ?

— J'ai piraté l'implant et je l'ai désactivé. Je ne sais pas comment je suis parvenu à faire ça, c'était instinctif ...

— Non ... Non !

— Zoran, écoute ... S'ils ont éliminé tes deux amis pour un simple malentendu comme tu me l'as expliqué, crois-tu qu'ils auront le scrupule de t'épargner quand ils apprendront que tu m'as ramené ici alors qu'ils sont censés me faire la peau ?

— Si je t'ai sauvé la vie, c'est parce que j'étais en panique ! En plus, tu venais de sauver la mienne, je ressentais comme une dette ! Mais, au final, les soucis que tu as avec l'armée ne me regardent pas !

— ...

— Pourquoi m'as-tu libéré ? Je comptais juste m'expliquer avec eux, sereinement ... Je sais que je pouvais m'en sortir ! Tu as tout gâché ! J'allais bientôt être libre ! J'allais bientôt retrouver ma maman à Zagreb qui vit heureuse sous la Suggestion !

— En dehors de toi, je ne sais pas à qui d'autre je peux faire confiance !

— Débrouille-toi ! Je ne suis pas comme Pero, mon ami qui vient de mourir. Je ne suis pas non plus comme tous ces gars qui ont essayé de s'évader avant moi ... L'État Suggéré a livré une guerre conquérante aux Balkans, à commencer par mon pays, la Croatie ; nous avons été vaincus, mais moi je n'ai rien à voir avec ce conflit ... J'ai même tenté de déserter l'armée ...

— Je ne comprends rien à ces histoires de géopolitique, je ne sais même pas ce qu'est un État Suggéré ... Tout ce que je sais, c'est que des militaires veulent régler mon compte et qu'ils ne te feront probablement pas de cadeau non plus !

— Rends-moi mon incarcération ! Réactive mon implant ! exigea Zoran en lui soumettant le bas du dos à son museau. Je refuse de te suivre ! Je ne te connais pas ! Rends-moi le bonheur qui m'a été promis !

— Le processus est irréversible, je suis navré ... >>

Ils se turent un instant. Zoran posait sur lui des yeux écarquillés, béant.

<< Je suis désolé mais je dois dormir un peu, je suis exténué ... prévint le félin noir.

— Non !

— ... Je suis très fatigué ... >>

La petite bête s'endormit instantanément. Le forçat s'assit sur son lit, assurément estomaqué. Il se redressa au bout de quelques secondes, releva le couvre-fenêtre de la tabatière et appela à mi-voix son geôlier. Le bourdon ne vint pas. Il se dirigea alors vers la porte de sa chambre et, pressant un bouton virtuel sur un petit écran tactile mural, en enclencha l'ouverture. Il se maintint debout devant le seuil, l'esprit nettement tourmenté, peut-être indécis à l'idée de sortir. La structure coulissante finit par se refermer sous son nez. Il s'assit finalement à terre, le dos appuyé contre la glace de son placard, l'air ruminant.