<< J'ai vraiment honte ... J'ai conscience que ce soupçon envers ma progéniture est terrible et que je mets l'honneur de ma famille en jeu dans le service que je rends à la Suggestion ... mais je suis dépassé ... La police militaire pense que le félidé a reçu l'appui de quelqu'un issu de votre département et je dois agir au plus vite. Or, il se trouve justement que Mégaclès avait accès à la salle de gestation car il est dans les petits papiers du Professeur Ziyo. Comme vous venez de me le confier, il mijote quelque chose ; j'en suis convaincu ... Je dois arrêter de me voiler la face ...
— ... Mais ... il pourrait aussi s'agir d'une sorte de ... piratage extérieur.
— Non. Il y a une taupe en ces murs.
— ... Je sais que votre fils est un peu asocial ... mais ... quelque chose me dit que ce n'est pas lui ...
— Le fait est que tout le monde peut admettre que son comportement n'a jamais été aussi troublant que maintenant. Curieuse coïncidence. Il nous fait peut-être une terrible crise d'adolescence, ce qui expliquerait une éventuelle grosse bêtise ...
— Vous le connaissez mieux que moi ...
— Non ... C'est ma sœur aînée, Aurore, qui a pris en charge son éducation. J'ai toujours eu un peu de mal à m'en occuper et à communiquer avec lui. Ça a mieux réussi à sa tante ... mais vous connaissez l'état dans lequel elle se trouve en ce moment.
— ...
— Il y a trop d'éléments qui plaident en défaveur de Mégaclès, je dois bien l'admettre ... >>
Hélios plongea sa main dextre dans le sac à provisions contenant des mandarines posé sur la table de travail et en sortit la plus moisie d'entre elle.
<< ... Et ... moi ... Vous ne m'avez jamais suspecté ? Je veux dire ... J'étais dans l'équipe du Professeur Ziyo durant le travail sur le félidé.
— Bien sûr que non, soyez tranquille.
— ... Pourquoi ?
— Les peureux ont au moins une qualité ... Ils n'ontpas la trempe de se compromettre dans de telles vacheries. Ils peuvent être perfidesmais pas à ce point là. >>
Le neurobiologiste parut froissé par la franchise du Général. Ce dernier se rapprocha de lui et, le fruit toujours en main, fit glisser le classeur bleu posé sur le bureau afin de le placer sous son nez.
<< Il parait que Mégaclès vous a demandé ces documents. >>
Moen lui adressa un bref regard qui redoublait d'étonnement avant d'ouvrir la reliure sur une page prise au hasard et de commencer à la feuilleter. Elle contenait plusieurs textes pauvres en illustrations et imprimés sur deux colonnes.
<< Ce sont des articles scientifiques rédigés par votre défunte épouse. Je ne l'ai pas connue.
— Oui, ils datent de l'époque où ce quartier militaire était encore une université. C'est lorsque l'armée a commencé à s'y installer que je l'ai rencontrée. Ces papiers n'ont jamais été publiés. Le Professeur Ziyo n'avait pas daigné reconnaître leur crédibilité. >>
Le jeune homme en blouse blanche releva doucement la tête vers son interlocuteur.
<< Le langage de ces documents est trop obscur pour moi. poursuivit Hélios tout en examinant le fruit orange et gris. Je veux que vous les analysiez et que vous me les vulgarisiez. Faites-le avant de les remettre à Mégaclès. Observez-le. Testez-le. Je veux savoir ce qu'il a en tête. Renseignez-moi. Si vous remarquez un comportement interpellant ou quoique ce soit d'autre, prévenez-moi tout de suite. Croyez-moi bien que je suis triste d'en être arrivé là ...
— ... Heu ...
— C'est un ordre. Vous devez l'exécuter. Ce n'est pas de Mégaclès que vous devez avoir peur, c'est de moi ...
- ... Hum ... Bien ... Je le ferai. >>
Le militaire de haut rang fixa de nouveau le neurobiologiste durant un long moment.
<< Si jamais vous parlez, si vous divulguez cette conversation à qui que ce soit, je pense bien que je vous tuerai de mes propres mains. >>
Il posa son poing sur l'épaule de son interlocuteur et pressa alors la mandarine moisie, maculant l'habit blanc avant de frotter impertinemment sa main sur le tissu. Il jeta ensuite, d'un geste vif, ce qui restait du fruit à la poubelle. Un pesant silence s'instaura quelques secondes avant que le jeune homme, embarrassé, ne se décide à réagir.
<< Je me tairai. >>
Hélios Arkoudas lui présenta sa main collante. Knut Moen la serra après un nouveau moment d'hésitation, scellant ainsi le pacte. Le chef d'État-Major s'en alla.
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KATZEN - Tome 1 : Mémoire morte [Wattys2021]
Fiksi IlmiahGAGNANT WATTYS 2021 ⭐ Un mystérieux chat noir pourchassé par l'armée libère un jeune prisonnier ayant participé, quelques années plus tôt, à la dernière guerre des Balkans. Au fur et à mesure d'une traque qui se poursuivra au travers de l'Europe et...