Le silence de l'océan. (Dark)

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Sydney, 1h37am. Les lampadaires éclairent à peine, ne diffusant qu’une faible lumière dans les rues. La nuit est obscure. Le ciel est noir et vide d’étoiles. Tout est sombre. En clair, on y voit presque rien. Si je ne connaissais pas l’endroit, je risquerais de me perdre. Heureusement, ce n’est pas le cas. Je sais où je suis, je sais où je vais.

La plage est déserte, à l’exception d’une jeune fille – elle deviendra donc ma victime. Elle est assise là, seule, le regard orienté vers la mer. Ses mains se promènent dans le sable sans aucun but précis, probablement perdue dans ses pensées. Ses cheveux roux ondulent sous la brise, et je suis comme pris d’une envie, celle de caresser ces flammes brulantes, cette crinière flamboyante. Il fut un temps où les prostituées abordaient toutes cette couleur afin d’être reconnues, mais… J’imagine que ce n’est plus le cas, désormais.

Son corps était vouté, sa tête, inclinée en direction du sol. Elle ne me voyait pas. Je l’observe, je la fixe, je ne la quitte pas des yeux. Celle-là, elle ne m’échappera pas. Il n’y aura aucun témoin, aucun problème, aucune complication pour se mettre entre mon chemin. Cette fois, rien ni personne ne se positionnera entre elle et moi.

En m’approchant légèrement, je constatai qu’elle avait ses écouteurs dans les oreilles. Mes épaules se relâchèrent, un poids comme enlevé de sur elles. Je n’avais plus à être si discret, du moins pas autant que j’essayais de l’être. De toute façon, pourquoi faire? Elle n’entendrait probablement rien avant qu’il ne soit trop tard… pour elle.  

Je sortis le tampon de chloroforme de son sac de plastique, prêt à m’en servir. Je le posai précipitamment sur la bouche de la jeune femme insomniaque, la gardant contre moi afin qu’elle ne m’échappe pas. Son dos était maintenu contre mon torse, et mon bras entourait son ventre. Elle se débattait, sans succès. Je sentais ses larmes rouler sur ses joues pour venir aboutir contre mon gant. Sa respiration était bruyante et entrecoupée de sanglots alors qu’elle tremblait, sans doute effrayée comme elle ne l’avait jamais été. Bientôt, le composé chimique fut effet sur elle, et elle s’abandonna dans mes bras – elle n’avait plus vraiment le choix.

Sans être vu, je la traînai jusqu’à ma voiture et l’enfermai dans le coffre arrière avant de démarrer. Je conduisis jusqu’au cul-de-sac de Notts Ave, là où je m’arrêtai, assuré de la sécurité des lieux. Mon véhicule garé au bout de la route, je descendis le long du chemin, le corps inconscient sur mon épaule. Je savais que personne ne viendrait. La plupart des gens normaux dorment à cette heure, et les locaux ne viennent jamais ici en pleine nuit. J’ai la paix totale.

Pendant 6 minutes, je marchai dans le sentier de Hunter Park jusqu’à Marks Park afin de me rendre là où je comptais m’exécuter – l’exécuter elle, plutôt. Je ne prenais même plus la peine de regarder le paysage, l’ayant vu plusieurs fois déjà. Je me contentais simplement de marcher sans trop penser pour ne rien compliquer. Ma victime semblait doucement reprendre conscience – la dose de chloroforme sur le tampon étant minime. Je veux que mes martyrs ne perdent conscience que le temps du trajet, car ce n’est plus amusant autrement. Qu’est-ce qu’il y a de plaisant à enlever la vie des gens s’ils ne sont même pas en état de s’en rendre compte?

Ce qui me plait le plus, c’est de voir la peur dans leur regard. Sentir la crainte qui émane d’eux, je trouve que c’est ce qu’il y a de plus merveilleux! J’adore voir leur yeux s’agrandir et se refermer ensuite pour ne plus jamais se rouvrir. J’adore sentir leur corps s’affaiblir sous mes mains pour finalement en venir à mourir. J’adore ce pouvoir que j’ai, cette puissance que j’arrive à obtenir rien qu’en entortillant solidement mes doigts autour de leur gorge. Cette force qui emplira mon âme et mon être d’ici peu.

Avant que la jeune femme ne soit totalement éveillée, et donc en complète possession de ses moyens, j’attachai ses mains et ses pieds ensemble. Je l’agenouillai devant moi, la dominant de ma taille imposante. Elle était devant moi, les membres liés, faible et impuissante. Elle ne pourrait se défendre, pleinement à ma merci. À la merci du tueur en série.

Tranquillement, ma proie ouvrit les yeux. Elle tenta de s’étirer comme si elle venait de se réveiller, n’ayant aucun souvenir des 10 dernières minutes. Les cordes stoppèrent évidement ses mouvements, ce qui la fit paniquer. Son visage se figea alors que son corps eut la réaction opposée. Elle tenta de se déprendre, le regard terrorisé, glacé d’effroi. Elle ne comprenait pas ce qui était en train de se passer, je pouvais le voir dans ses yeux. Elle ressemblait à un écureuil faisant face à la circulation de Los Angeles lors de l’heure de pointe, affolée et démunie. La demoiselle regardait partout afin de comprendre ce qui était en train de lui arriver.

« Bonjour, beauté, murmurais-je d’une voix rauque, la faisant sursauter.

Qu’est-ce que… qui es…, bégaya-t-elle en levant ses belles prunelles vers moi.

Quel est ton nom, belle inconnue?

Je… Julia. Mais pourq-…

– Julia? Julia, ce qui signifie femme du silence, n’est-ce pas?

– Hum, oui, je crois, mais qu’est-…

– Tu ne peux pas savoir à quel point tu portes bien ton prénom. »

         Et, sans plus attendre, je me mis à exécution. Enfin… à SON exécution. Impatient de ressentir ce sentiment qui me plaît tant, j’enroulai mes doigts autour de sa jolie gorge blanche. Des larmes roulèrent sur ses joues alors que ses lèvres me suppliaient de l’épargner, ce que je ne fis pas. Je pressai mes mains autour de ses voies respiratoires, elle commença à s’agiter. Ses yeux s’agrandirent, son visage cyanosa. L’insuffisance respiratoire dont elle était la proie privait son sang d’oxygène. Elle était en train d’asphyxier grâce à moi – ou à cause de moi, ça varie selon les opinions. L’air lui manquait. L’oxygène ne pouvait entrer en elle alors que la vie la quittait progressivement. Plus elle s’agitait, plus elle empirait. Plus elle accélérait l’arrivée à sa perte.

         Finalement, progressivement, ses gestes s’atténuèrent. Tranquillement, elle s’affaissa. Je laissai son corps retomber mollement sur le sol, un sourire fier sur le visage. Ça y est, je l’ai fait.

         Je l’ai fait, mais personne ne doit savoir. Je descendis les rochers, traînant Julia derrière moi. J’allai jusqu’au plus bas avant de balancer son corps dans la Mer de Tasman.

« Le secret s’est noyé avec toi, Julia. Ton silence demeura. »  

Mille et une vies. [Imagines]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant