La magie de Noël a ses limites. (Deuxième partie.)

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Malgré l'atmosphère tendue, le voyage s'est bien déroulé. Davina ne s'est pas réfugiée dans les bras de Luke pour se reposer comme elle le faisait avant. Il ne lui a pas caressé les cheveux pour l'aider à s'endormir. Ils se parlaient, mais ne se touchaient pas. Au tout début du vol, Luke a essayé de mettre son bras sur son épaule; elle a sursauté comme si quelqu'un venait de l'électrocuter. C'était trop vite, trop tôt.

Dès qu'elle a senti la main de Luke sur sa peau, Davina a eu des images en tête. Des scènes pornographiques entre Luke et l'autre fille avec qui il l'a trompée. Un vrai cauchemar. C'était plus fort qu'elle, c'était comme si son cerveau voulait qu'elle se rappelle de la peine qu'il lui avait faite, de la douleur qu'il lui avait infligée. La blessure est encore fraîche, trop récente pour avoir cicatrisée. Il lui faut plus de temps.

Après l'atterrissage, Luke et Davina se sont dirigé vers la passerelle qui les mènerait vers l'aéroport. L'air était frais, pour ne pas dire froid. Vêtu d'un unique tee-shirt – et étant un australien habitué à la chaleur, le jeune homme a frissonné. Davina, elle, n'a eu aucune réaction. On aurait dit que la température ne l'affectait pas.

Lorsqu'ils ont quitté l'aéroport, Luke a cru qu'il allait mourir à la suite d'une crise d'hypothermie. Davina lui a refilé le coton ouaté qu'il avait mis dans sa valise, prenant soin de lui comme une mère. Il a joué les gros durs, monsieur « j'ai pas besoin de ça », mais Davina a gagné. Le regard qu'elle lui a jeté l'a convaincu, il lui a même fait peur. Ils étaient au Canada, ils étaient chez elle, ils avaient mis les pieds au pays de la deuxième chance et Luke était prêt à la saisir.

*

Luke et Davina ont déposé leurs bagages dans l'appartement que Davina a toujours à Sherbrooke, son pied à terre. Après s'être installés, ils ont commencé à ressentir la faim, d'où la raison pour laquelle ils font maintenant la file devant une caisse de Tim Hortons.

« Pourquoi on va pas au Starbucks à la place?, demande Luke, qui essaie de comprendre.

– Parce qu'au Québec, c'est le Tim Hortons qui mène. Oui, on a un Starbucks à Sherbrooke, mais qu'est-ce qu'un seul commerce contre des dizaines?

Il y a quand même pas autant de Tim Hortons que ça dans une seule ville... hein?

Tu serais surpris. Ici, c'est Tim Hortons et Pepsi. »

Ce n'était pas sa première fois au Tim Hortons, Luke était déjà venu avec Davina. Il s'était contenté d'un simple café, lui qui ne connaissait pas cette chaîne. Aujourd'hui, il a pris des risques. Il a goûté à plusieurs beignes, brioches et muffins, il s'est commandé un vanille française, un moka, un chocolat blanc, un cappuccino glacé, un SmooTim aux fruits... Davina l'a écouté passer sa commande, les yeux écarquillés.

« Bah quoi? J'ai faim.

T'es assoiffé aussi... »

Le plus surprenant... est que Luke a tout bu, tout mangé – avec l'aide de Davina, il en va de soi. Sa « petite collation » terminée, il était plein. Le reste de la journée s'est doucement écoulé; le petit couple s'est posé devant la télévision pour regarder des émissions avant de s'assoupir.

Leur deuxième journée, ils l'ont passée chez les parents de Davina. Ceux-ci avaient tellement hâte de les revoir! Ils ignorent tout de la véritable raison pour laquelle Luke a décidé de prendre cet avion. Ils ont eu droit à la version « on avait tous les deux besoin de revenir au pays », ce qui est l'un des plus grands euphémismes du monde. On est loin du « j'ai trompé votre fille et j'essaie de la reconquérir en lui faisant plaisir », n'est-ce pas? Mais les parents ne sont pas dupes, ils ne sont pas aveugles non plus. Ils ont bien vu que leur fille ne semblait pas aussi heureuse qu'elle aurait dû l'être, ils ont remarqué que le couple n'était pas aussi affectueux qu'il a l'habitude de l'être. Ils n'ont pas posé de question.

Le troisième jour, ils sont allés jouer dehors. Ils ont fait des bonhommes de neige, une famille complète! Ils ont également construit un igloo. Ils ont tracé des anges sur le sol, Luke a écrit « Je t'aime Davina » avec un bout de bois pour ne pas se geler les doigts. L'espace d'une journée, ils étaient à nouveau des enfants.

Le quatrième jour, ils ont fait de la cuisine. Des desserts, pour être plus précis. Brownie, gâteau au chocolat, biscuits au beurre d'arachide, crêpes, pudding chômeur, sucre à la crème, caramel à l'érable... La santé avant tout, c'est ça?

Puis le septième et dernier jour est arrivé. Le temps a passé. Les jours se sont écoulés, succédés, envolés. Maintenant est venue l'heure de partir.

Les deux jeunes adultes rassemblent leurs effets personnels. Enfin, c'est le cas de Luke. Davina, assise sur le divan, fixe l'écran éteint de la télévision.Elle ne fait rien, elle ne bouge pas. C'est à peine si elle cligne des yeux!

« Dee, est-ce que t'as vu mon portefeuille?, crie Luke de la chambre à coucher. Dee? Chérie, est-ce que tu... Tu fais quoi?, demande-t-il en voyant qu'elle ne semble rien faire de productif. On doit partir pour l'aéroport.

Tu dois partir pour l'aéroport.

Quoi?! »

Sur le coup de la surprise, le blondinet s'immobilise presque. Le « on » qui équivaut au « nous » est devenu un simple « lui ». Alors que Davina clignait à peine des yeux, Luke ferme et ouvre les paupières à répétition. Il doit avoir mal entendu...

Davina se lève et lui fait désormais face. Ses yeux sont... éteints. Vides. Et larmoyants également. Elle n'a pas soutenu le regard de Luke très longtemps, il a fallu à peine quelques secondes pour qu'elle le dirige vers le plancher, vers ses pieds.

« Dee?

J'irai pas prendre l'avion avec toi, Luke.

Pourquoi, tu veux pas rentrer à la maison?

Ma maison est ici, Luke. Ma vie a toujours été ici.

Ta deuxième maison, alors.

Tu comprends pas...

Je comprends pas quoi?

Que j'essaie de rompre avec toi! »

Cette réponse était un cri. Un cri lancé avec rage, colère et douleur. Un cri de rébellion peut-être. Un cri que Davina avait gardé en elle trop longtemps, un cri qu'elle avait tenté d'étouffer pendant une semaine. Elle a essayé, vraiment. Mais...

« J'ai essayé, t'as essayé, mais... ça marche pas. Ça marche juste pas. Je sais que t'as fait tout ça pour moi, pour nous, pour nous donner une deuxième chance d'être ensemble, mais... Je peux pas. J'en suis pas capable.

Mais Dee, je...

Je sais, Luke. Je le vois bien que tu m'aimes et que tu regrettes, sauf que ça change rien au fait que t'as brisé quelque chose qui peut pas être réparé. Malgré tes efforts, ça efface pas le fait que tu m'as trompée. J'croyais pouvoir passer par-dessus, mais j'réalise que non. J'ai mal, Luke. J'ai le cœur en miettes. Je t'aime, Luke. Je me sens conne de t'aimer après ce que t'as fait, mais c'est ça pareil. Je t'aime, mais on peut pas faire comme si c'était pas arrivé. On peut pas redevenir un couple comme avant. On peut plus être un couple. J'ai perdu confiance en toi. Mon cœur a beau me crier que tout est pas perdu et qu'il y a encore de l'espoir, mon cerveau crie plus fort, et il me dit d'arrêter de me faire du mal. J'ai perdu confiance en toi, en nous, en tout. Juste l'idée de faire l'amour avec toi me donne envie de vomir dans la poubelle la plus proche. J'peux même pas te prendre dans mes bras sans penser à elle! On était deux, on était heureux. T'as couché avec elle, on est devenu trois. Ça fonctionne pas. Dès que je me ferme les yeux, je t'imagine avec elle. Toutes les tentatives du monde peuvent rien changer à ça. »

Mille et une vies. [Imagines]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant