Assis à l'urgence, le jeune homme sanglote. La tête enfouie entre ses mains, il pleure et s'inquiète. Ses épaules sont secouées par les tremblements dont il est la proie, incapable de les combattre. Ses yeux se lèvent sans arrêt vers l'horloge située juste en face de lui, chaque mouvement de l'aiguille ne faisant qu'augmenter son stress. Il y a déjà plus d'une heure que Lydia a été transférée en salle de choc et plus de 10 h qu'ils sont là. Pourquoi y est-elle? C'est simple : complications. Tragique, certes, mais simple. Complications d'après-accouchement. « Ce sont des choses qui arrivent », comme on dit. Oui, mais ça ne devait pas leur arriver à eux, ça ne devait surtout pas lui arriver à elle.
Au départ, tout allait bien - voir peut-être trop bien. Le calme avant l'orage. Lydia a commencé à ressentir ses premières contractions au petit matin, le jour même où la naissance de l'enfant avait été annoncée par le médecin. Elle s'est recouchée, bercée par Liam, par sa voix et par sa main qui caressait son ventre rond. À son réveil, les contractions se faisaient plus rapprochées. Liam lui a fait couler un bon bain dans lequel il l'a aidée à grimper avant de lui remettre une petite clochette achetée spécialement pour l'occasion. Il est allé lui confectionner un petit-déjeuner léger et facile à digérer, parce que c'est ce que les professionnels lui ont conseillé de faire.
Quelque temps plus tard, devant la télé, les contractions se faisaient plus intenses et plus vites. Elles étaient maintenant rendues aux 5 minutes, comptées par Liam. Ces faits ont contribué à les faire accélérer. Il était maintenant temps pour eux de partir.
Elle a téléphoné au centre hospitalier pour les prévenir de leur arrivée éventuelle pendant que Liam était occupé à tout emmener, et a passé quelques coups de fil pour avertir son entourage le plus proche. La valise lancée dans la voiture, le siège pour bébé installé et la petite-amie assise, ils sont partis en direction de l'hôpital.
Durant le trajet, Liam encourageait la jeune mère en train de le devenir.
« Respire, ma chérie, respire lentement, d'accord? Il faut que tu restes calme.
- Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah!, a-t-elle répondu, victime d'une contraction.
- Aaaaaaah!
- Pourquoi t'as crié?
- Pour te supporter dans la douleur?
- T'as même pas eu mal toi! Je me charge des contractions, toi, concentre-toi sur la route et roule!
- Respire ma belle, ok? Ça va aller. On va respirer en même temps. On inspire... et on expire. On inspire... »
Et jusqu'à ce qu'ils arrivent, le jeune homme a aidé Lydia à contrôler sa respiration. Ils étaient synchronisés - à croire que lui aussi était en train de donner naissance à un bébé. Lorsqu'ils ont traversé les portes automatiques, une infirmière les attendait avec un fauteuil roulant. La jeune femme s'y est assise avant d'être poussée par la dame. Elle a été emmenée en salle d'accouchement. On l'a allongée sur un lit où l'anesthésie épidurale lui a été administrée.
Quelque temps plus tard, les contractions furent à leur maximum, tout comme la douleur que Lydia ressentait. Elle tenait la main de son partenaire, main qu'elle broyait à chaque fois que son utérus se contractait. Il ne parlait pas, mais il était là. Il la soutenait en la laissant martyriser ses doigts et en l'encourageant.
« Je t'aime ma belle, t'es bonne, tu te débrouilles super bien!
- Aaaah!
- Je t'aime mon amour!
- Moi aussi, mais je te déteste de m'avoir fait ça! C'est ta faute si j'suis dans cet état et aaah! »
Puis fut venu le temps de commencer à pousser. Le médecin l'a mise au courant, puisqu'elle, elle ne sentait rien à cause de son épidurale. Une fois confortablement installée, elle a pu commencer. Liam lui rappelait de bien respirer en appliquant des compresses sur son front aussitôt qu'elle prenait une pause pour reprendre son souffle.
Ils étaient à l'hôpital depuis plus de 9 h quand, finalement, l'enfant vint au monde. Une jolie petite fille de 6,3 livres! Et une maman en danger. Lydia était blanche comme un drap. Les draps, eux, étaient rouge sang. Le sang ne cessait de couler du vagin de la nouvelle maman. « Hémorragie de délivrance », que le médecin a hurlé. Le bébé a été remis dans son incubateur et Liam a été mis dehors. Elle a été transférée en salle de choc alors qu'il a été envoyé dans la salle d'attente.
Nous revoilà donc là où nous étions tout à l'heure. Les doigts de Liam piochent nerveusement sur les barreaux de sa chaise alors qu'il cherche des yeux quelqu'un qui était présent lorsqu'elle a été emmenée et qui pourrait l'informer. Hémorragie de délivrance, c'est quoi ça? Pourquoi ne peut-il pas être à ses côtés? C'est sa petite-amie, c'est la mère de son bébé! Son bébé, son enfant, sa petite Lilianne...
Après avoir informé un membre du personnel que, s'il y avait du nouveau, il serait à l'aile des nouveau-nés, il s'y dirigea. Il s'immobilisa devant la paroi de verre et, comme grâce à son instinct paternel, ses yeux se fixèrent sur l'enfant qui était le sien. Plus il regardait le petit être endormi et serein, plus il se disait que Lydia finirait bientôt dans cet état. Plus le temps passait, plus il doutait des chances qu'elle avait de s'en sortir. Observer sa fille ne fit que le blesser d'avantage - il ne pouvait pas l'élever, pas sans la jeune femme qu'il avait aimée.
« J'aimerais pouvoir t'expliquer ce qui se passe, Lilianne. J'aimerais pouvoir te tenir au courant de ce qui est en train d'arriver à ta maman, mais la vérité est que moi-même je l'ignore. J'ignore si elle va bien, j'ignore si elle va survivre, je ne sais rien. Tout ce que je sais est que, quoi qu'il arrive, elle t'aimait. Elle t'aimait et elle t'aimera toujours. J'espère seulement... »
Les mains ainsi que le front appuyés contre la surface de glace, il se laissa aller à un long et profond soupire de désespoir. Vous savez ce genre de soupire qu'on ressent jusqu'au fond des tripes, qui vide vos poumons et expulse vos craintes du même coup? C'est de ce genre-là qu'il a fait.
Il avait toujours voulu avoir un enfant... avec Lydia. Il avait toujours voulu s'occuper d'un enfant... avec Lydia. Il avait toujours voulu voir leur amour grandir sous une forme humaine... ensemble. Ils avaient prévu d'avoir une famille tous les deux, ensemble, en tant que couple. Ils avaient planifié...
« Monsieur Payne?, lança une jeune infirmière en posant sa main sur le bras du jeune homme.
- Non... Non! Elle peut pas être partie, elle a pas le droit de mourir comme ça! Elle peut pas partir en me laissant avec un enfant dans les bras! Qu'est-ce qui c'est passé, comment c'abien pu arriver?, haussa-t-il avec plus de désespoir dans la voix qu'il n'en a jamais eu.
- Elle est envie, Monsieur Payne!
-... quoi?
- Lydia a survécu à l'hémorragie survenue après l'accouchement. »
Vous croyiez qu'elle allait mourir comme ça? Non. Non, c'aurait été trop facile de « laisser Liam avec un enfant dans les bras », comme il a dit. C'aurait été trop injuste pour la petite qui aurait eu à grandir sans mère. C'aurait été trop simple d'abandonner sans se battre. Lydia s'est battue, et elle a remporté la bataille.
Ils ont eu un enfant ensemble, un enfant dont ils vont pouvoir s'occuper ensemble. Ils verront leur amour grandir sous une forme humaine ensemble. Ils sont une famille.
« Ohana veut dire la famille, et la famille veut dire que personne n'est oublié ni laissé derrière. »
Ohana veut dire la famille, et la famille veut dire qu'on n'abandonne pas.
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Mille et une vies. [Imagines]
Novela JuvenilReccueil de plusieurs segments de vies de différents personnages dans des situations particulières. Parfois tristes, parfois romantiques, parfois violentes, ces histoires sauront peut-être vous émouvoir. Elles peuvent vous faire rire, elles peuvent...