La panne électrique

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Lorsque la lumière éclaire les visages, la vérité se cache. Elle se terre au plus profond de nos êtres, quitte à disparaître. Elle se dissimule tout le crépuscule et jusqu’au retour des ténèbres, avant de réapparaître. Elle s’efface, toutefois, elle agace. Car même dans l’éclairage, elle reste là. Elle reste là à titiller la personne concernée. Mais lorsque la noirceur règne, lorsque les visages sont difficiles à discerner dans l’obscurité… Mais lorsque les ténèbres vous entourent, pourquoi faire des détours? Dans l’opacité, il n’est plus nécessaire de se cacher. Parce que la noirceur…

 

         Tout a commencé alors que les deux amis regardaient un film de tueur en série. Ils en étaient encore au commencement, le bol de popcorn à peine entamé déposé sur le canapé. Le tueur allait entrer dans la cuisine pour tuer la fille, sa toute première victime…lorsque la télé s’est soudainement éteinte. Tout d’un coup, comme ça, elle s’est fermée. Brusquement, paf! L’écran est devenu noir. Ils se sont jeté un regard avant que Calum ne se lève, éclairé par la lumière du cellulaire de Cora. Il s’est approché et a essayé de la rallumer.

« Elle refuse de s’ouvrir, a-t-il dit.

– Peut-être qu’elle est brisée, a lancé la jeune fille, haussant les épaules. En tout cas, ce sera pas ce soir qu’on va savoir si Natasha est morte ou pas.

– C’est plus la peine de rester dans le noir maintenant qu’on a plus de film d’horreur pour nous faire peur, soupira le jeune homme. 

– Et alors? On peut rester dans le noir quand même, non?

– Non. »

Sa réponse était sec et sans appel. Calum s’est dirigé vers l’interrupteur, tout de même déçu. Sa soirée venait de tomber à l’eau et s’était même carrément noyée. Il a tenté d’allumer la lumière, sans succès. Il est allé essayer un autre interrupteur, mais toujours rien. Aucune des lumières ne fonctionnait. Le problème ne venait pas du téléviseur, mais du disjoncteur. Plus rien ne voulait s’ouvrir – rien d’électronique du moins.

Cora, se demandant si le problème venait de son panneau de commande électrique, a jeté un regard par la fenêtre. Effectivement, il semblait que le problème s’était généralisé : c’est partout qu’il n’y avait plus la moindre électricité. La rue était plongée dans l’obscurité la plus complète. Les deux jeunes gens étaient donc seuls, seuls dans le noir.

« Bon… je crois qu’on va devoir rester dans le noir, se résigna-t-il, et il semblait y avoir une hésitation dans sa voix. T’as pas des chandelles quelque part? »

Ensemble, éclairés par leurs cellulaires, ils sont descendus au sous-sol. Ils ont allumés des bougis avant de retourner s’assoir sur le sofa, les déposant sur la table basse du salon. Calum semblait nerveux, nerveux et anxieux. Il regardait partout autour de lui, sursautait également au moindre petit bruit.

« Est-ce que ça va, Cal?

– Hein? Oh, hum, ouais… pourquoi?

– Sans rire, est-ce que tu vas bien? Parce que si je te connaissais pas, je dirais que t’as peur.

– Moi, peur? Allons, Cora, tu sais bien que…

– Est-ce que t’as peur du noir, Cal?, insista-t-elle.

– Ha ha ha oui. »

Et voilà, le chat sortait du sac. Mais pourquoi n’avait-elle rien su en 9 ans? Calum ne lui avait jamais dit avant. Probablement qu’il ne voulait pas se vanter d’avoir des craintes, du moins pas devant elle…

Cora se rapprocha de son meilleur ami. Elle défit les bras croisés de celui-ci et se colla à son torse avant de les ramener autour d’elle. Calum posa son menton sur le sommet de son crâne, resserrant son étreinte et la maintenant plus près de lui.

« Tout va bien, t’es en sécurité avec moi.

– Parce que tu crois que tu peux me protéger toi, avec ta taille d’enfant de 5 ans?

– Tu veux que je te laisse tout seul peut-être?

– Non non, c’est déjà mieux que rien, se précipita-t-il de dire, la serrant encore un peu plus fort. »

         Calum admettait que Cora ne pourrait pas la défendre contre de grandes menaces, mais au moins, elle, elle était là. Elle était là, et il ne voulait surtout pas la voir partir. Pas alors qu’il avait la chance de la tenir entre ses bras.

« N’empêche, pourquoi tu me l’as caché?
– Je te l’ai pas caché! Je te l’ai juste…jamais avoué, lança-t-il simplement, et je lui lançai les gros yeux en retour. J’voulais juste pas que tu me croie faible.

– Faible? Allons, Calum, c’est normal d’avoir peur, c’est humain, le rassura-t-elle aussitôt. C’est dans notre nature, t’as pas à avoir honte de ça.

– Ah non?

– Bien sûr que non! Il faut seulement que t’apprennes à les surmonter. Tu dois pas laisser tes peurs et tes craintes te contrôler. Ce n’est pas elles qui doivent diriger ta vie ou tes actes. »

         Calum, motivé par ces paroles, se décida. Il prit ses propos en considération, se résignant à faire ce dont il avait envie depuis des mois. Cette fois, il ne laisserait plus la peur l’empêcher de faire ce qu’il rêvait secrètement. « Ne laisse pas la peur d’être retiré t’empêcher de jouer un match » comme ils disaient dans la première version de Comme Cendrillon.

Doucement, il posa ses doigts sous le menton de Cora et, avec l’aide deson pouce et de son index, souleva son visage. L’accès à sa bouche, sa belle et jolie petite bouche étant maintenant plus facile. Ses lèvres se pressèrent finalement sur celles de la jeune fille, et ce, après des semaines d’attente. Contrairement à ce qu’il craignait, elle ne le repoussa pas. Elle noua ses bras à sa nuque et rapprocha son corps au sien, comblant le peu d’espace qui les séparait. Finalement, après un moment, ils eurent besoin de reprendre leur souffle, mortels qu’ils étaient.

« J’ai été con, soupira-t-il, un sourire nostalgique sur le visage.

– Ça, c’est clair!, se moqua-t-elle. Pourquoi ça?

– J’ai été con d’avoir attendu si longtemps avant de me lancer. J’avais peur de tomber, peur de m’écrouler au sol. Je m’attendais pas à ce que tu sois là pour me rattraper.

– Tu m’as sous-estimée. Tu m’as sous-estimée quand je t’ai dis que j’serais toujours là.

– Et j’en suis désolé. J’craignais de vivre un amour à sens unique, pis j’voulais pas gâcher notre amitié pour ça.

– Tu t’es trompé, bébé.

– Je sais. Tu m’aimes quand même?

– Pas trop le choix… 

– Alors…tu m’aimes aussi, pas juste comme un ami?

– T’as toujours été plus que ça pour moi. »

         Parce que Calum et Cora se sont toujours aimés sans pourtant se l’avouer. Parce que cet amour caché est demeuré inchangé, même s’il n’était pas partagé. Parce qu’ils ont eu besoin d’une panne de courant pour se décider à admettre l’amour qu’ils ressentaient. Parce qu’ils avaient peur que la lumière ne perce ce qu’ils dissimulaient.  Parce que la noirceur…….

…………éclaire les secrets du cœur. 

Mille et une vies. [Imagines]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant