Les barrières qui auraient dû rester fermées.

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« T'es vraiment obligé d'y aller?

Y faut finir l'album avant la prochaine année, chou.

Alors pourquoi y'a que toi et Calum qui partez?

Parce que les autres ont déjà enregistré leurs parties.

Et pourquoi les vôtres le sont pas?

Calum a eu sa grosse grippe, pis moi...

Pis toi, Lucas?

J'en ai profité pour dormir aussi...

J'suis censée faire quoi moi durant mes vacances des Fêtes sans toi?

Vas squatter chez Mike? »

*

Luke à Los Angeles depuis déjà 4 jours, Maïla ne sait plus quoi faire de sa vie et de sa personne. Elle a nettoyé la maison de fond en comble, littéralement. Même les fenêtres ont été lavées de l'intérieur ET de l'extérieur! Il aurait fallu que la maison soit plus grande, ainsi Maïla aurait eu besoin de plus de temps pour tout faire et il ne lui resterait pas toutes ces heures à combler, toutes ces heures à ne savoir que faire. 67h précisément. Presque 3 jours.

Elle a harcelé Michael en lui envoyant des tas de blagues pourries pour se désennuyer un peu, mais elle est maintenant à court de farces et il ne répond même pas. Assise à l'envers sur le sofa, les jambes allongées contre le mur, la jeune femme regarde une émission de téléréalité idiote. Oui, elle s'emmerde à ce point.

Des coups, exactement trois, retentissent contre la porte. Elle n'a ni le temps de se lever ni le temps de crier « entrez! », l'invité l'a déjà fait par lui-même. Une tignasse rouge qui semble marcher au plafond retire ses souliers et vient s'asseoir à côté d'elle.

« T'es une plaie.

Je sais.

T'es une loque humaine.

J'suis au courant pour l'électricité.

Quoi?

Courant... électricité... électrique...

T'es tombée encore plus bas que je le croyais, et c'est la preuve que t'as besoin de moi.

Oh grand sage, aide-moi, sauve mon âme!

Prépare-toi, Maïla, on sort ce soir. »

*

L'ambiance est festive, et elle est intense. Au club, la musique est forte à s'en exploser les tympans. Tout le monde danse, tout le monde s'amuse, tout le monde est à fond et, bien évidemment, personne n'est à jeun. L'alcool circule dans les veines, la drogue également se promène. Michael et Maïla sont en pleine compétition de calage de shooter et, bien qu'il n'y ait aucun gagnant pour le moment, les deux jeunes adultes profitent de la boisson qu'ils ont payée.

« T'as bu les dix shooters?

Toi aussi, j'te signale!

On fait quoi maintenant?

On va danser!

Tu penses quand même pas... »

Maïla coupe court aux protestations de Michael, le prenant par le bras pour l'entraîner sur la piste. Elle se déhanche, il bouge à peine, restant de marbre. Plus éméchée que lui, la jeune femme prend sa place – plus qu'à son habitude. Elle prend les mains de son ami et les pose sur ses flancs. Elle l'entraîne ainsi dans ses mouvements.

« Allez Mike, lâche-toi! »

Peu à peu, les barrières tombent, les clôtures s'ouvrent.

*

« Mais qu'est-ce que vous avez fait?! »

La voix de Luke tire Maïla du sommeil. Elle ouvre les yeux et s'assoit sur le lit. Son amoureux est debout dans le cadrage de la porte de sa chambre, mais il n'a pas l'air heureux de la revoir. Il est pourtant en avance de deux jours ou presque. La tête toujours lourde de sommeil, elle ne comprend pas pourquoi il fait cette tête. La jeune femme s'apprête à se lever pour aller l'enlacer, le cœur rempli de joie, mais se retrouve bloquée dans ses gestes. Des jambes sont entremêlées aux siennes, un corps se trouve avec elle sous les couvertures. Mais Luke est devant elle. Ses yeux suivent les courbes du corps endormi à ses côtés, et ce, jusqu'au visage de Michael.

« Oh merde... »

D'un coup, les souvenirs reviennent. Les images de la veille se succèdent derrière ses yeux comme un film qu'on aurait démarré en appuyant sur le bouton « jouer ». L'ennui qui envahissait les murs de sa maison. Les textos farceurs qu'elle a envoyés à Michael. La sortie qu'il a proposée et qu'elle n'a pas pu – ou voulu? – refuser. Les verres d'alcool qu'ils ont en vitesse avalés. La danse sensuelle qui a suivi sur le sol lumineux du bar.

Puis, d'une façon ou d'une autre – elle a oublié laquelle –, ils se sont retrouvés dans la chambre à coucher. Les vêtements ont été retirés, les sous-vêtements ont été éparpillés sur le plancher. Les corps se sont rencontrés. Michael et Maïla se sont rapprochés comme ils ne l'avaient jamais été avant. Hier soir était plaisant, mais ce réveil ne l'est pas. Les shooters ne font plus effet, il ne reste à la jeune femme que les remords de ses actes.

« Luke, je peux t'expliquer...

Ah oui, tu peux m'expliquer comment ça se fait que mon meilleur ami est dans ton lit? Ou encore pourquoi ses vêtements sont sur ton plancher? Ou bien par quel mystérieux hasard y'a un condom usagé à côté de ta poubelle? Tu peux vraiment m'expliquer ça, Maïla?

...

C'est bien ce que je pensais. »

Le blondinet tourne les talons et s'éloigne. Ne pouvant bouger, la jeune femme crie pour le retenir.

« Luke, attends!

Quoi?, réplique-t-il en revenant sur ses pas, le ton plus glacial que la glace.

Je... je t'aime.

Ah, la belle affaire!

Je sais que, vite comme ça, ça paraît pas, mais je t'aime. Je m'ennuyais de toi, je m'ennuyais tout court et...

Et alors tu couches et gauche et à droite pour t'occuper?

Non! Écoute-moi, on peut... on peut pas s'arranger?

Arrange-toi plutôt avec Clifford. »

La réplique crachée comme un venin brûlant, Luke s'en va, trop énervé pour même nommer celui qu'il voyait comme un ami par son prénom. Cette fois, Maïla ne tente rien pour l'empêcher de partir. Elle sait que c'est inutile, il ne lui pardonnera pas. Elle a trahi sa confiance, elle l'a trompé avec son meilleur ami. Il n'y a plus de retour en arrière possible.

Luke quitte la maison, laissant son ex-petite amie seule avec ses regrets et son amant qui dort profondément. Les « si j'avais » et « si je n'avais pas » se multiplient dans son esprit, mais tout reste pareil. Cette fois, Luke ne reviendra pas. Il ne reviendra plus. Il n'est pas parti en tournée ou en campagne de promotion pour un album, non. Il est parti de sa vie. Une seule nuit a tout gâché. Des frontières ont été franchies alors qu'elles n'auraient pas dû l'être. 



Mille et une vies. [Imagines]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant