Tout ira mieux.

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Que ferriez-vous pour éviter et pour ne pas avoir à affronter? Charlie, elle, est partie. Elle a fui l'Australie sans se retourner, sans même jeter un dernier regard sur son passé. Ce qu'elle espérait fuir, c'était ses souvenirs. Elle a fui pour oublier, fui pour pouvoir se reconstruire un avenir.

Elle est la petite nouvelle du lycée, là où tout le monde se connait déjà. Heureusement, elle a tout de même réussi à se faire une amie, Sandra. Sandra avec qui elle marchait sur le terrain du bahut avant le prochain cours. Les yeux de Charlie se posèrent sur un beau blond dont la peau était couverte de tatouage, un blond percé à plusieurs endroits du visage.

« C'est qui lui?

- Lui qui?

- Lui, là, dit-elle en le pointant du doigt.

- Mais t'es folle, fais pas ça enfin!

- Fais pas quoi?

- Pointer les gens du doigt, ça se fait pas. On te l'a jamais dit, Charlie?

- ...

- Surtout que, ces gars-là, ils ont déjà tabassé pour moins que ça...

- Tu les connais?

- Je LE connais, ou, du moins, je le connaissais. Ça, c'est Lucas et... et sa bande, cracha-t-elle.

- Pourquoi tu dis ça comme ça?

- Pour que tu comprennes que tu dois pas t'approcher d'eux.

- De lui ou de la bande?

- De la bande, mais aussi de lui.

- Pourquoi?

- Parce qu'il est infréquentable. Enfin, il ne l'est plus, précisa-t-elle.

- Il n'est plus?

- Il l'était autrefois.

- Autrefois?

- Oui, autrefois. C'était mon meilleur ami, dans ce temps-là.

- Qu'est-ce qui est arrivé?

- J'en ai aucune idée, soupira Sandra. Au début, il a commencé à se renfermer. Il refusait de me parler tout comme il refusait d'avouer. Il s'est ensuite mis à sécher les cours. Finalement, quand il est revenu, il était tatoué, percé et membre de cette troupe. »

Charlie, confuse par toutes ces nouvelles informations, garda le silence. Elle assimila tout ce que son amie venait de lui dire, songeuse. Elle se demandait ce qui lui était arrivé.

« ...t'en penses quoi?

- Ça dépend, de quoi tu parles?, questionna-t-elle, complètement perdue.

- J'te disais qu'il faudrait bientôt y aller.

- Où ça?

- En sport!

- Ah! J'y vais pas.

- Pourquoi?

- Le...directeur veut me voir, sans doute parce que je suis nouvelle, hésita-t-elle.

- On se voit après alors? »

Charlie hocha la tête. Sandra lui fit un câlin avant de s'éloigner vers le gymnase. Elle regarda son amie partir, honteuse. Honteuse d'avoir menti. Il y a bien quelqu'un qui veut la voir, oui... mais pas le directeur. Charlie a rendez-vous avec son psychologue, le premier d'une longue série. En traînant les pieds, elle se rendit au bureau du Dr Prentiss où elle était attendue. Une fois assise sur le fauteuil en cuir, elle regarda le spécialiste, attendant qu'il prenne la parole.

« Dîtes-moi, mademoiselle Benson, vous vous intégrez bien ici?

- Oui, j'imagine que je me débrouille pas mal.

- Vous avez des amis?

- J'ai Sandra, oui.

- Et?

- Et mon chat.

- Vous discutez avec votre chat de la manière dont vous vous sentez?

- Tout le temps.

- Mademoiselle Benson, sérieusement, j'aimerais que vous vous rendiez à une...sorte de thérapie organisée par les étudiants.

- Vous croyez que je suis folle?

- Quoi? Bien sûr que non. Je crois seulement que vous devriez discuter avec des gens qui se trouvent dans la même situation que vous, des gens qui pourront vous comprendre.

- C'est gentil, je crois que je vais passer mon tour pour cette fois.

- Ce n'était cependant pas une question. »

Elle rechigna, ne voulant pas y aller. Elle ne voulait pas aller à ce groupe d'entraide de discussion de machin. Elle ne voulait pas avoir à parler de son passé. Malgré tout, le soir même, elle se rendit au café des étudiants où avait lieu cette rencontre obligatoire pour elle.Aussitôt entrée qu'elle fut assise sur une chaise, dos à la porte, regardant les élèves qui entraient et qui, comme elle, s'assoyaient en silence en attendant que la réunion commence. Elle ne se sentait pas à l'aise parmi ces gens. Elle ne se sentait pas à l'aise dans cette pièce remplie de gens au passé douloureux. Elle se sentit encore moins à l'aise lorsqu'elle vit Luke entrer dans la pièce. Luke qui vint s'asseoir juste en face d'elle, augmentant son sentiment de malaise. Lorsque toutes les chaises furent comblées, un homme d'une vingtaine d'années se leva.

« Avant de reprendre où nous en étions arrêté, j'aimerais vous présenter Charlie, adressa-t-il au groupe en faisant un signe vers la jeune fille. Si je me souviens bien, c'était à Luke de parler, n'est-ce pas?

- Ouais, fit le principal intéressé.

- Très bien! Ensuite, Charlie, ce sera ton tour. Luke, vas-y, on t'écoute.

- Tout a commencé à la mort de ma mère. Mon père, qui me tenait responsable de l'accident de voiture, a décidé de me faire payer. Il a commencé à me donner des coups de temps en temps. Dès qu'il avait la chance, il me frappait. Finalement, il a réalisé que ça défoulait pas assez, alors il a commencé à me pousser contre le mobilier de la maison. Une fois, je me suis ramassé le coin de la table en pleine gueule. Mon piercing à la lèvre sert à cacher la cicatrice. Un jour, il m'a cogné la tête à plusieurs reprises contre les portes d'armoires, d'où mon piercing au sourcil.

- Comment tout cela s'est terminé?

- Je me suis décidé à parler. Je suis allé voir mon frère aîné, Jack, qui vivait dans son propre appartement. Il m'a aidé. Il a porté plainte contre mon père et c'est pour cette raison que le juge m'a émancipé. À 17 ans, je suis parti.

- Parti?

- Parti de la maison et parti de l'Australie. J'ai... »

Charlie n'entendit pas le reste de la phrase. Elle se leva et quitta la pièce en courant, les yeux humides. Était-elle touchée par l'histoire de Lucas? Certainement! D'autant plus que la vie du jeune homme ressemblait peut-être trop à la sienne. Elle s'adossa contre un mur, tentant de retenir ses larmes alors que des images refirent surfaces. Elle revit son propre père lui frapper la tête contre les murs. Elle le revit lui balancer ses assiettes en disant que c'était infect tout comme elle le revit lui planter sa fourchette dans le bras pour les mêmes raisons. En écoutant le passé de Luke, elle revivait le sien. Elle avait fui pour oublier, mais on lui a tout rappelé. À cette pensée, elle dut se contrôler pour ne pas s'effondrer sur le plancher.

« Charlie? »

C'était Luke qui l'avait suivie. Il la regardait, l'air inquiet. Elle ne voulait pas pleurer. Charlie voulait rester forte, surtout devant lui. Malheureusement, elle ne put se retenir. Les larmes roulèrent sur ses joues sans qu'elle ne puisse rien y faire. Luke la prit dans ses bras, sa taille dominant largement la sienne. Il referma ses bras autour d'elle d'un geste protecteur et caressa ses cheveux.

« Pleure un bon coup, ça fait du bien. Tout ira mieux après, je te le promets. Je t'aiderai à remonter. Plus personne ne te fera de mal. »

Mille et une vies. [Imagines]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant