Mille et une vies. [Imagines]

Surmonter.

Aujourd'hui, j'ai vu papa Louis pleurer. Il était assis à table en train de lire une lettre que papa Harry a écrite. Il a tout mouillé le papier avec ses larmes. Sur le coup, je n'ai pas compris, car je n'ai pas pu la lire. Après avoir terminé, il a levé les yeux et m'a vu. Faut croire que j'étais pas si bien cachée...

Aussitôt, il a remis la feuille dans un tiroir avant de venir me mettre au lit. Où est papa Harry? C'est lui qui devait me chanter une berceuse pour m'endormir mais, au lieu de ça, c'est papa Louis qui l'a fait.

«Papa, il est où Hazza?, que j'ai demandé après qu'il m'ait bordé.

-Papa Harry...est partit pour quelque temps, qu'il a dit alors que ses yeux s'humidifiaient.

-Mais il va revenir, hein?

-Dors ma puce, il se fait tard, qu'il a chuchoté en embrassant mon front, esquivant ma question.»

Il est partit en refermant ma porte derrière lui. J'ai entendu ses pas se diriger vers sa chambre. J'ai entendu le grincement de son lit lorsqu'il s'y est posé, puis le silence s'est répandu dans la maison. Ce silence... C'était tellement différent de ce à quoi j'ai été habitué! Tous les soirs, notre demeure était habitée de chants et de piano. Mes papas faisaient de la musique ensemble avant d'aller dormir, c'était comme une tradition, un rituel. Ce soir, il n'y a rien eu de tout ça.

Avide de curiosité, je me suis levée sans faire de bruit et, sur la pointe des pieds, je suis descendue à la cuisine. J'avais besoin de savoir, besoin de comprendre son absence. J'ai précautionneusement ouvert le tiroir dans lequel papa Louis a mis la lettre. Elle reposait au milieu des ustensiles, totalement intruse. Je l'ai sortie avec la plus grande délicatesse, comme si c'était le plus grand des trésors. Je l'ai dépliée et, du haut de mes 8 ans, j'ai commencé à lire.

«Louis.

J'aurais pu utiliser tout un tas de surnom mignon accumulé durant ces 11 dernières années passées à tes côtés, mais...ce que j'ai à te dire n'a rien de mignon.

Cette lettre va probablement être difficile à lire, mais dis-toi qu'elle l'est encore plus à écrire. Transcrire ces mots sur papier rend tout ceci réel, et je dois dire que ça fait peur. J'ai dû faire au moins 11 lettres -une pour chaque année de relation. J'espère seulement que tu ne m'en voudras pas.

Je suis désolé, je ne peux plus vivre ainsi. Cacher notre relation, cacher notre amour, cacher notre fille... C'est trop. Trop de mensonges. Trop de cachoteries. C'est juste...trop pour moi, Louis. Ça me détruit à petit feu. Ça me ronge et ça me bouffe littéralement de l'intérieur. Au début, ça allait. C'était même excitent, cet amour secret, ce mystère. Mais maintenant, c'est horrible. Je n'arrive plus à supporter toute cette pression. '' Cache ta relation, cache ton amour, cache ta fille. N'en parle pas. Mens sur ce que tu es. Ne t'en fais pas, le secret survivra'', qu'ils disent au management. Ça fait plus d'une décennie que ça dure, Louis.

Tu te souviens quand tu m'as dis de garder espoir, que ça ne durait pas et qu'un jour, on pourra vivre notre amour au grand jour? Hé bien j'ai perdu espoir. J'ai cessé d'y croire. On est contrôlé depuis tellement longtemps! Pourquoi ça changerait hein?

Je n'en pouvais plus de vivre ainsi. Je n'en pouvais plus de vivre avec tous ces secrets. Je n'en pouvais plus de vivre en niant ce que je suis. J'suis gay merde, c'est pas une honte! Je suis comme ça, ça finit là. Le management a cru pouvoir me changer, mais ils ne peuvent pas.

J'ai craqué, Louis. Ceci...est une lettre d'adieu. Ne m'en veux pas, d'accord? Je t'aimerais toujours, même dans la mort. Je suis désolé de t'abandonner, c'est la seule solution que j'ai trouvée.

Je regrette de laisser Darcy, elle est si jeune... Ne lui dis pas ce que j'ai fais, c'est compris? Elle ne pourrait pas comprendre. Elle serait triste aussi. Son petit monde serait détruit, et ce n'est pas ce que je veux. Dis-lui...que Papa est partit rejoindre son chaton -tu sais, celui qui s'est fait frapper?- et qu'il prendra soin de lui en attendant qu'elle vienne nous rejoindre.

J'ai choisis de partir. Tu sais, l'endroit où tu m'as demandé de devenir père avec toi? Tu te souviens de ce pont, n'est-ce pas? J'ai choisis un endroit significatif pour partir. J'ai choisis un endroit qui représente beaucoup pour moi, pour toi, pour nous. J'ai choisis d'y mourir là-bas.

Fais attention à toi, Louis. Elle a besoin de toi tout comme j'ai eu besoin de toi.

-Harry, qui t'aimera à jamais. »

Sous le coup du choc, j'ai fais tomber le tiroir -ainsi que son contenu- dans lequel reposait la lettre. Je vis Papa Louis se précipiter dans les escaliers, alarmé par le bruit. Lorsqu'il me vit, debout derrière le comptoir, mes cheveux blonds à peine visibles à cause de la hauteur, il fût... J'ignore comment décrire ce sentiment. Je sais seulement que me voir lire la lettre de départ -de suicide, mot que j'ai appris bien plus tard- de mon père, en pleine nuit et dans mon petit pyjama d'Hello Kitty, l'a complètement déstabilisé.

«Darcy, mais qu'est-ce que tu fais là?!, dit-il avec colère en descendant me rejoindre. Tu devais être au lit!

-Je...Je voulais juste savoir pourquoi papa Hazza n'était pas à la maison, larmoyais-je. Pourquoi il est partit? Il m'a dit qu'il serait toujours présent pour moi!

-Mon bébé, ne t'en fais pas, je suis là, murmura-t-il en me prenant dans ses bras, sa colère s'étant dissipé pour laisser place à la peine.

-Mais lui, il n'est pas là...

-Tout ira bien, ma princesse.

-Mais papa est partit, et... Et il...

-Tout ira bien, je te promets, souffla-t-il alors que les larmes coulaient sur ses joues autant que sur les miennes. Je ne t'abandonnerai pas. »

Cette nuit-là, il m'a laissée dormir avec lui. Et la suivante aussi. Ainsi que celles des mois qui ont suivis. Nous avons surmonté notre peine ensemble. Aucun de nous ne s'en est complètement remis. Il a perdu son amour, son âme sœur, sa moitié, son Harry. Moi, j'ai perdu mon père, celui qui me bordait, qui me câlinait le soir, qui s'endormait en me racontant des histoires et qui effrayait les monstres sous mon lit pour qu'ils y restent.

J'ai perdu l'un de mes pères, ce jour-là. Je ne l'ai jamais oublié. Je me suis également promis que je ne laisserais pas partir le deuxième.