« Liana, les enfants vont survivre, ils sont chez tes parents!
– Tu penses pas qu'on devrait les appeler pour les rassurer? Et s'ils pensaient qu'on les avait abandonnés?
– On les a déposés il y a moins d'une heure, tout va bien aller! Et puis, tes parents, ils t'ont élevée, non? Ils doivent savoir comment s'y prendre. De toute façon, nos cellulaires sont à la maison, alors à moins que tu leur envoie des signaux de fumée... Détends-toi, regarde le paysage et... et détends-toi. »
Michael avait raison, je ne devais pas m'inquiéter. Mes enfants étaient avec mes parents pour la fin de semaine, ils allaient bien en prendre soin. Le pire qui pourrait leur arriver serait de régurgiter des bonbons qu'ils auraient mangé en trop grande quantité.
Maintenant rassurée, je pus laisser mon esprit divaguer. Je regardais les arbres enneigés, le contraste entre le blanc de la neige et le gris des branches. Je n'avais pas vu de tels paysages depuis longtemps. Après toutes ces années passées en Australie, il était temps pour moi de rentrer au Canada. La dernière fois que nous étions venue visiter ma famille en hiver, les petites avaient trois ans – elles en ont maintenant six. Le temps passe. Plusieurs fois par année, elles demandaient : « Maman, quand est-ce qu'on va retourner voir mamie et papy? Quand est-ce qu'on va retourner faire des bonhommes de neige? ». Lizzie et Josiesemblaient vraiment s'ennuyer du Canada – et de l'hiver. Après plusieurs tentatives, elles m'ont convaincue. J'ai appelé mes parents, j'ai acheté les billets d'avion et je l'ai ensuite annoncé à mon mari. Il n'était pas enchanté comme l'étaient les enfants (car lui, n'aimant pas sortir, ne voit pas la joie que peuvent avoir les jeunes à jouer dehors, exposés au froid et à la neige), mais il a cédé pour nous faire plaisir.
Dans la voiture qui nous menait à Bromont, je ne pouvais m'empêcher de sourire. J'allais enfin faire découvrir à Michael les activités de chez moi. J'allais lui apprendre comment faire de la planche à neige, lui faire découvrir la vie hivernale par ici. Les descentes dans les pentes, les pauses au chalet à boire un chocolat chaud et les soirées au bord du feu, il n'y a rien de mieux pour passer de beaux moments.
« Alors, t'as hâte?
– Et toi?
– J'angoisse.
– Comment ça?
– Tu sais déjà en faire toi, j'vais avoir l'air de quoi?
– D'un gars qui apprend.
– J'vais avoir l'air nul!
– T'as déjà fait du surf, non?
– Oui, mais...
– Mais c'est pareil! Sauf que t'es pas en costume de bain et que t'es debout sur une planche qui glisse sur de la neige, non de l'eau.
– L'image que t'as de moi va changer. J'serai plus le gars fort et talentueux qui réussit tout ce qu'il entreprend...
– Chéri, mon amour, est-ce que t'as peur?
– Qui, moi? Jamais!
– Alors arrête de stresser, ça va aller. Ralentis par contre.
– Quoi, t'as peur?
– Tu conduis comme si on était en Australie, sauf qu'on est au Québec et que le sol est enneigé. Oui, j'ai un peu peur.
– Chacun son tour, me lança-t-il en ralentissant. »
*
Debout au sommet de la petite colline pour les débutants et les enfants, Michael hésitait à se lancer. La pente n'avait beau s'allonger que sur quelques mètres, il était craintif. Je le tenais en attendant qu'il soit prêt, mais il ne voulait pas me lâcher. On l'avait habitué à se tenir en équilibre sur la planche, à balancer son poids vers la gauche et vers la droite et même à freiner. Malgré tout, il s'agrippait à moi comme si sa vie en dépendait.
« Michael, chéri...
– Hm?
– Tu comptes y aller aujourd'hui?
– J'ai le choix?
– T'as chanté devant des millions de personnes, t'as joué dans des salles pleines à craquer et t'as réalisé tes rêves! Qu'est-ce qu'une petite descente en planche à neige comparé à tout c'que t'as déjà fait? »
Il a pris quelques secondes pour réfléchir. Michael a pris en considération ce que je lui ai dit et, finalement, il a décidé de se lancer. Ses mains ont quitté mes bras, en trois secondes il n'était plus là. Il filait sur la neige avec incertitude, son corps oscillant dans tous les sens. Finalement, il a pris de l'assurance. Je l'ai vu, j'ai vu le changement dans sa façon d'être sur sa planche à neige. À mon tour, j'ai mis mes pieds dans les bottes de ma planche et je me suis lancée à l'assaut de cette petite pente. Michael m'attendait en bas, le sourire aux lèvres.
« On y retourne, quand est-ce qu'on recommence? C'était trop bien!
– Tu vois? Je t'avais bien dit que c'était pas si pire! Je savais que tu pourrais le faire, mais tu m'écoutes jamais.
– Hm... Bon, on y va? J'veux faire des descentes plus difficiles! On va dans la piste de la mort?
– On va y aller graduellement, ok? Si ça s'appelle comme ça, c'est justement parce que ça peut être mortel si on est pas assez expérimenté. Un niveau à la fois, mon chou. »
Dans le remonte-pente qui nous ramenait au sommet, mon mari ne pouvait s'empêcher d'embrasser mes joues et mes lèvres froides. Visiblement, il commençait à prendre goût à cette activité. Nous avons donc fait plusieurs descentes en planche à neige – et même la course à certains moments. Je crois que je ne l'avais jamais vu aussi heureux de faire du sport (surtout pas en extérieur).
Dans une piste intermédiaire, il s'est royalement planté. D'un coup, Michael avait oublié comment effectuer un virage avec sa planche; il est rentré de plein fouet dans un arbre. Il ne s'est pas blessé. Heureusement, il a trouvé la situation comique. Il avait peut-être trop d'ambition pour sa première fois, la piste à obstacle n'était sans doute pas la meilleure idée. Au moins, Mike aura une belle anecdote qu'il pourra conter à nos filles afin de les faire rire.
Après le petit incident, j'ai décidé de mettre un terme à sa future carrière de snowboardeur pour le reste de la journée. Nous sommes allés nous réfugier au chalet où le réconfort d'un chocolat chaud a été grandement apprécié. Devant le feu qui brûlait dans la cheminée, assis en indien sous une couverture qui nous enveloppait, j'étais comblée. Je renouais avec mes racines, avec mes hivers de jeunesse et avec mon mari. Je n'aurais pu rêver d'une plus belle journée passée avec lui.
« À quoi tu penses, beauté?
– L'hiver te va bien.
– Le petit nez rouge, les lèvres froides et le teint pâle?
– Le petit nez rouge, les lèvres froides, le teint pâle et le sourire qui illumine ton visage.
– Ah oui?
– Oui, vraiment.
-On devrait revenir plus souvent alors, question que tu m'apprennes à jouer au hockey. »
J'adore ma petite vie en Australie, j'adore les proches que j'ai, j'adore le climat, je raffole des plages et j'aime beaucoup le mode de vie.
Mais, aussi fort que soit mon amour pour mon pays adoptif, le Québec reste mon chez moi.
VOUS LISEZ
Mille et une vies. [Imagines]
JugendliteraturReccueil de plusieurs segments de vies de différents personnages dans des situations particulières. Parfois tristes, parfois romantiques, parfois violentes, ces histoires sauront peut-être vous émouvoir. Elles peuvent vous faire rire, elles peuvent...