L'appel.

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Il n’est pas agréable de se réveiller au beau milieu de la nuit, c’est un fait. Lorsqu’on se fait réveiller par quelqu’un, c’est encore moins agréable. Mais y a-t-il quelque chose de pire que de se faire réveiller par le bruit strident du téléphone qui sonne? Malheureusement, je peux vous dire que oui. Car c’est souvent lorsqu’il sonne en pleine nuit que les nouvelles sont mauvaises.

         Avant de me coucher, j’ai eu un mauvais pressentiment. Je me sentais étrange, comme envahi d’un sentiment inhabituel. Je l’ai chassé en me disant que ce n’était rien, et j’ai fermé les yeux. Doucement, je me suis assoupi. J’ai brusquement été sorti de mes rêveries.

         Le téléphone de la maison a retenti alors qu’il devait être passé minuit. Je me suis assis sur mon lit, le cœur battant. Ma mère a répondu à celui qui se trouvait dans le couloir, tout près de ma chambre, la voix ensommeillée. 

« Allô?

—  …

— Oui, c’est bien ici, pourquoi?

— …

— En êtes-vous bien certain?

— …

— D’accord, je l’avertis tout de suite, dit-elle avec hésitation. »

         Maman a raccroché le combiné sur sa base avant de s’avancer vers ma chambre, le bruit de ses pantoufles frottant sur le plancher. Elle a toqué à ma porte avant de l’ouvrir doucement, glissant sa tête dans l’embrasure. J’étais toujours assis en indien, les yeux grands ouverts. Il venait clairement de se passer quelque chose, un accident ou une tragédie. Recevoir un appel en pleine nuit n’est jamais bon signe, et l’expression sur son visage le confirmait.

« Qu’est-ce qui se passe, maman?

— Tu sais que Kaytlin…

— Qu’est-ce qui s’est passé, maman?, insistais-je, sachant qu’elle prendrait autrement une heure à m’expliquer, mais qu’elle en dirait tout de même trop peu en lui demandant d’aller droit au but.

— Elle a été attaquée en rentrant chez elle après son quart de travail.

— Quoi?!, couinais-je, et jamais je n’aurais cru que ma voix puisse allez dans cette tonalité.

— Un homme armé a tenté de lui voler son sac, mais tu la connais, elle a un de ces caractères…

— Alors il l’a tuée parce qu’elle a refusé?!

— Il l’a poignardée dans le ventre, rectifia-t-elle. Mais ils ont dit qu’elle allait s’en sortir!, ajouta-t-elle en voyant mon visage horrifié. »

         Je me suis dépêché à sortir de mon lit, me battant avec mes couvertes afin de m’en extirper. Je me suis enfargé dans la pile de…de je ne sais quoi qui traînait par terre avant de lâcher deux ou trois jurons. J’ai rapidement enfilé un tee-shirt et mes baskets tout en descendant les escaliers, essayant de ne pas tomber. J’étais nerveux, angoissé et terrifié. J’ignorais ce qui allait se passer.

C’est souvent lorsque les victimes doivent s’en sortir qu’en fait, elles périssent. C’est souvent lorsque tout doit bien se passer que les complications se produisent, c’est là que les problèmes arrivent. C’est souvent lorsqu’on croit pouvoir revoir le blessé qu’en fait, on le revoit seulement à ses funérailles. Je ne fais pas confiance aux médecins qui prédisent l’avenir, pas quand il s’agit de celui de ma petite-amie. C’est peut-être ma dernière chance de la voir vivante.

         Avez-vous déjà tenté de vous ronger les ongles en conduisant? Je peux vous dire que c’est très difficile. Plus j’approchais de l’hôpital où Kaytlin avait été transportée, plus je me sentais agité. Je me suis stationné de manière plus ou moins appropriée et respectant plus ou moins les limites des lignes. Je me suis précipité à l’intérieur, demandant dans quelle chambre elle avait été emmenée. J’ai couru les 3 étages d’escaliers, peu importe d’arriver en haut tout essoufflé.

         Je suis entré dans sa chambre – je suis presque passé devant, ayant oublié que c’est là que je devais arrêter. J’ai été tellement soulagé de la voir en vie! Ses yeux étaient ouverts, fixant le plafond. Ses mains étaient posées sur sa blessure. Elle s’est tournée vers moi, et son visage s’est illuminé. Un sourire s’est dessiné sur sa petite bouille d’ange, un sourire de soulagement. Ses yeux se sont mis à briller, laissant couler quelques larmes au passage.

« Bébé, tout va bien, je suis là, murmurais-je en m’avançant vers elle. »

         Je me suis assis sur son lit et l’ai prise dans mes bras en évitant de toucher son ventre. Elle s’est agrippée à mon cou comme jamais auparavant, peut-être parce qu’elle a dû avoir peur de mourir. J’ai pu sentir le parfum de son shampoing – un mélange de noix de coco et d’orchidée. Elle sanglotait tout contre moi, se défaisant du stress qu’elle a dû éprouver alors qu’elle se faisait poignarder. Je la serrais contre moi en silence, lui laissant le temps dont elle avait besoin pour se remettre de ses émotions.

« J’ai eu si peur, Lou…

— Et moi, tu crois que j’ai pas eu peur quand ma mère est entrée dans ma chambre à minuit après avoir reçu un coup de fil au milieu de la nuit? Tu crois que j’ai pas eu peur quand elle m’a dit que tu t’étais fait poignarder par un voleur? Tu crois que j’ai pas eu peur de te perdre peut-être?, dis-je d’une voix presque hystérique, tremblant de tout mes membres. Bébé, faut vraiment que t’arrêtes de travailler de nuit. Tu finis trop tard, c’est dangereux là. T’as failli mourir!

— …

— La prochaine fois, au pire, appelle-moi, ok?  J’vais venir te chercher.

— Même à minuit et après?

— Même à minuit et après. N’importe quand et n’importe où, je viendrai toujours pour toi. »

Mille et une vies. [Imagines]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant