Être seule à la maison, n'est-ce pas l'un des plus grands désirs des adolescents? Probablement. Cependant, lorsque c'est durant le temps de Fêtes que les parents partent en vacances... C'est moins génial. Reily se retrouve sans famille la veille de Noël. Elle est aussi sans amies, celles-ci étant toutes chez des ongles, des tantes et d'autres membres de la famille pour célébrer. Il n'y a qu'elle qui se retrouve littéralement seule un 24 décembre.
Habillée comme une guenille, jogging et débardeur, enroulée dans sa couverture à l'effigie de Justin Bieber, la jeune femme allongée sur son canapé regarde des films du temps des Fêtes – rien de moins que les classiques. La série « Maman, j'ai raté l'avion », « Maman, j'ai encore raté l'avion » – un c'est bien, deux c'est mieux comme on dit – et, bien, sûr « Maman, je m'occupe des méchants ». Le trio gagnant des vacances hivernales. Elle rigole et se marre, cette Reily. Cette année, il est d'autant plus facile pour elle de s'identifier aux enfants, bien qu'elle n'en soit plus une. Malgré tout, le rire parvient presque à lui faire oublier sa situation merdique.
Tout au long de son marathon, elle a un breuvage chaud entre les doigts. Chocolat chaud, thé, café décaféiné, Reily alterne entre les options présentes dans son armoire, gardant à l'esprit la nuit de sommeil qu'elle tient à avoir.
« N'empêche, y sont brillants ces enfants. J'crois pas que j'aurais cette débrouillardise-là moi, j'dois être devenue trop vieille pour être aussi créative. »
L'espace de quelques heures, presque six, Reily est impressionnée par l'intelligence des garçons. Lors du générique du dernier film, la jeune femme s'interroge sur ses compétences et ses capacités à défendre sa maison.
Elle se remémore à quel point elle a paniqué quand une araignée s'est incrustée dans sa douche un matin. Elle parvient presque à entendre les hurlements stridents qu'elle a poussés lorsque ses yeux se sont posés sur cette chose abominable pire que l'homme des neiges. Reily s'est mise à sautiller sur place avec son pommeau de douche en main, essayant d'arroser la bestiole, de la noyer et de la faire disparaître dans le drain. Avez-vous déjà sautillé dans une douche? Petit conseil, ne tentez pas de reproduire cette expérience à la maison. Reily n'est pas une professionnelle, elle est tombée et s'est ouvert le genou. Une cicatrice s'y trouve toujours, dou(loureu)x souvenir de cette (més)aventure.
Finalement, la jeune femme secoue sa tête et chasse ces images de ses pensées, pour oublier les questions auxquelles elle avait songé et pour mieux se concentrer sur l'histoire du film – sur les prénoms du générique qui s'affichent à l'écran de télévision en fait. En se contorsionnant pour regarder l'heure sur l'horloge la cuisine – alors qu'elle aurait simplement pu regarder l'heure sur son téléphone –, Reily réalise qu'il se fait tard. Il est minuit et demi passé.
Après avoir cherché et trouvé la manette de la télévision, elle l'éteint. Évidemment, elle se plonge du même coup dans l'obscurité et utilise donc la lumière de son cellulaire pour se guider jusqu'à l'interrupteur de la cuisine, qu'elle allume. Son iPod branché sur la chaîne stéréo, la musique commence ensuite à jouer. Elle chante les paroles de la chanson Dancing With A Wolf en se dirigeant vers la salle de bain.
Dans la douche, elle crie ces paroles qu'elle connaît par cœur et, si ce n'était pas le bruit de l'eau qui coule qui enterre la musique, Reily l'aurait fait en « chantant ». L'eau chaude rougit sa peau et détend ses muscles, moment relaxant pour son corps avant de se plonger entre les draps. Lorsqu'elle ressort, son corps est...calme. Ses oreilles, en entendant les premières secondes de Never Enough, frétillent alors qu'elle se remet à chanter en enroulant sa serviette autour de son corps pour ensuite se brosser les dents.
Puis, sa chair bien cachée par le tissu et ses dents bien propres, elle quitte la pièce désormais inutile, tout ce qui devait y être fait l'étant maintenant. Toujours en criant des paroles avec une voix de casserole, la jeune femme monte à sa chambre, là où se trouvent tous ses pyjamas, qui ont été lavés par sa maman avant son départ. Elle était en train d'en enfiler un, son préféré – celui avec le motif de panda –, au moment où, d'un coup, la musique s'est arrêtée.
« Maudit iPod, il est vraiment temps que je le fasse réparer, maugréa-t-elle en franchissant la porte de sa chambre pour aller recommencer la chanson. »
Au milieu des escaliers, Reily s'immobilise. La lumière de la cuisine, celle qu'elle avait allumée plus tôt, est maintenant éteinte. Ça aurait pu être une panne électrique... si ce n'était de la télévision ouverte dont le son était fermé.
« C'est quoi ce bordel..., chuchota-t-elle en s'adressant à elle-même, mais n'ayant aucune réponse à se donner. »
Arrivée au bas des escaliers, la jeune femme allume l'interrupteur du salon. Dans le coin gauche de la pièce, tapi contre les murs auxquels il fait face, un jeune homme. Jeans noirs super serrés, pull noir, grande personne aux cheveux tout aussi noirs.
« Excusez-moi?
— ...
— Qu'est-ce que vous faites chez moi?
— ...
— Qui êtes-vous?
— ....
— Êtes-vous sourd?
— Non. »
N'ayant pas obtenu de réponses à ses premières questions, Reily s'était rapprochée de l'étrange intrus. Après avoir dit « non », celui-ci s'est retourné pour lui faire face.
« Je suis... une différente version du Père Noël.
— Quel genre de version?
— Le genre qui apporte la mort à la place de cadeaux. »
Le temps pour elle d'assimiler ce qu'il venait de dire, il était trop tard. Le temps pour son cerveau de comprendre le sens des propos, il n'y avait déjà plus aucun espoir. Aussitôt le dernier mot prononcé, la lame cachée dans la manche du pull a glissé jusqu'à la main et entre ses doigts. Il l'a enfoncée à quelques millimètres à peine de son cœur avant de la retirer quelques secondes après.
Le sang s'est mis à couler. Reily a mis sa main sur la blessure et a tenté de maintenir une pression pour qu'il puisse y avoir coagulation, mais non. L'étranger-tueur lui a coupé la main, celle qui couvrait la plaie, puis l'autre afin qu'elle ne soit plus en mesure de rien. Trop surprise pour crier à la première attaque, ses hurlements semblent deux fois plus forts. Ce sont des cris profonds qui proviennent des tripes, ça s'entend. On ressent toute la souffrance à travers les tremblements de sa voix.
Sans rien pouvoir faire pour empêcher ce qui était en train d'arriver, elle se vide progressivement de toute hémoglobine. L'homme à la mâchoire prononcée la regarde sans bouger, les bras croisés. Le sang se répand sur le sol en même temps que la vie de Reily. Lorsque la poitrine ne bouge plus, lorsque le silence dans la maison est revenu, l'homme enjambe le cadavre et se dirige vers la porte, qu'il ouvre.
« Même s'il est 1 h 11, plus la peine de faire de vœux, il ne s'exaucera pas. Je suis Calum, le Père de la Mort. »
Et il s'en va, laissant le corps immobile de Reily baignant dans son propre sang.

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Mille et une vies. [Imagines]
Teen FictionReccueil de plusieurs segments de vies de différents personnages dans des situations particulières. Parfois tristes, parfois romantiques, parfois violentes, ces histoires sauront peut-être vous émouvoir. Elles peuvent vous faire rire, elles peuvent...