Le lion et l'agneau.

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En cours. Non seulement c'est long, mais en plus, ce n'est que le premier de la journée. Après celui-là, il y en aura 3 autres. Je déteste ça. Les gens ne me parlent pas. Quand ils daignent m'adresser la parole, c'est uniquement pour se moquer de moi. Se moquer du fait que je suis orpheline depuis maintenant 5 ans. Se moquer du fait que je vis avec une vieille folle. Se moquer, tout simplement. Ils sont tous pareilles, ces étudiants. Une bande de cons qui ne trouvent rien de mieux à faire que rabaisser les autres pour se valoriser un peu. Au fait, je m'appelle Destiny. Ironie, je devrais dire. Car ma destinée, j'ignore à quoi elle se résume.

Alors que le professeur de français commençait à expliquer la dissertation que nous allons devoir écrire dès aujourd'hui, quelqu'un cogna à la porte. C'était un nouvel étudiant venu de Mullingar, Niall. Qu'est-ce qu'il fait là? Je ne comprends pas. Je ne vois pas l'utilité de quitter une ville de plus de 18 milles habitants pour venir s'installer à Duleek, là où il y en a à peine 3 milles. Les gars sont cons parfois. Je lui donnerais 19 ans, soit 2 ans de plus que nous. Par nous, je veux dire les gens de ma classe.

L'instituteur l'a fait asseoir à côté de moi. Évidemment, il fallait que la dernière place libre se trouve à ma gauche! Il est mignon, et c'est ce qui m'inquiète. Les gars mignons sont généralement les plus cons.

Il s'est assit, redonnant à l'enseignant la possibilité d'expliquer le travail. Il fallait simplement écrire un texte d'un minimum de 750 mots à propos de la vie et de la mort. Facile à faire pour une fille qui a perdu ses parents! N'empêche, il s'est cru en philo le mec ou bien? Évidemment, c'est l'un de ces projets qui compte pour la moitié du semestre et qu'il ne faut surtout pas planter...

Aussitôt que le prof a cessé de parler, je me suis assise confortablement pour écrire. Je me suis tournée dos au mur, puis j'ai ramené mes genoux près de mon corps. Ensuite, j'ai mis mes écouteurs dans mes oreilles. À ce moment, je me suis déconnectée du monde. J'ai étalé mes pensées sur papier, j'ai gribouillé des phrases qui n'ont aucun sens, j'ai fais quelques dessins aussi. Je me suis réfugiée dans ce monde qu'est l'écriture, ce monde apaisant où personne ne peut m'atteindre. J'étais concentrée comme jamais! J'ai donc sursauté comme jamais lorsque j'ai sentis une main se poser sur mon épaule.

«Destiny? Le cours est fini.

-Quoi, déjà?, questionnais-je, surprise.

-Déjà, et depuis maintenant 2 minutes.»

Je ne me le ferrai pas dire deux fois! J'ai rangé mon matériel, puis je suis partie. J'ai vu le nouveau en sortant. Il me regardait- non, il me fixait. Ses yeux semblaient avoir changé de couleur. Son regard était posé sur moi, c'en était presque effrayant.

J'ai dîné dehors, là où j'ai rêvassé en regardant les nuages. Niall était assis en face de moi, il ne m'a pas quitté du regard durant toute la pause. Puis, durant les heures qui ont suivies, je n'ai rien écouté de ce que les profs ont enseigné. J'ai écris dans mon journal, j'ai écris des poèmes, j'ai écris. J'ai été interrompue quelques fois afin d'être interrogée, mais sans plus. Encore une fois, Niall me fixait du regard. J'ai ensuite regardé l'heure dans l'attente de la cloche ne sonne enfin, me libérant du même coup de ce calvaire. À peine eût-elle retentie que je me suis précipitée dehors.

J'ai marché jusqu'au cimetière. C'est devenu un rituel pour moi : tous les soirs, après les cours, je vais visiter mes parents. Je leur raconte ma journée, je me plains du fait d'avoir convaincu à cet accident d'auto, je dessine le paysage qui m'entoure. Ce qui est bien dans le fait de vivre dans une petite ville, c'est que les lieux plus isolés -comme les cimetières- sont nettement moins fréquentés, et j'ai donc la paix lorsque j'y vais. Cette fois, c'était différent. Je me sentais observée, épiée.

Mille et une vies. [Imagines]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant