Mille et une vies. [Imagines]

La descente en enfer.

Depuis le meurtre de sa sœur cadette, Liam n'est plus le même. Il a maintenant deux visages, et aucun des deux n'est celui d'autrefois. Il a deux personnalités totalement différentes qui cohabitent en lui, une pour le boulot et une autre pour sa famille.

Chez lui, Liam a l'air d'un jeune adulte renfermé et solitaire. Alors qu'il avait l'habitude de s'assoir avec ses parents le soir, de siroter une tisane à la table de la cuisine et de discuter avec eux, il passe maintenant ses soirées derrière la porte verrouillée de sa chambre. Il est en deuil, ses parents peuvent comprendre. Ils ignorent tout des raisons réelles de la mort de leur bébé. Ils ne savent pas qu'elle a été assassinée alors qu'elle voulait sortir son frère de ce monde violent avant qu'il ne lui arrive ce qu'elle a vécu. Mais Liam le sait, il ne l'oublie pas.

Au travail, il n'a plus de patience. Il est colérique et plus impulsif qu'avant. Il n'a plus de pitié – elle est morte avec Lia. Il lui arrive plus souvent qu'à l'occasion de malmener les propriétaires qui refusent de payer pour la dope ou qui n'en ont pas les moyens lorsque vient le jour de récolte. Ses patrons ne vont pas s'en plaindre, les clients les prennent davantage au sérieux maintenant et le blé rentre mieux dans leurs poches. Tout de même, Zayn et Louis voient bien que Liam n'est plus du lui-même depuis quelques semaines. Il est souvent distrait, il fait des erreurs lorsqu'il compte l'argent qu'il est allé chercher... son nouveau côté n'est pas que positif.

Dans le bureau des patrons, Liam se fait sermonner. Zayn et Louis sont d'un côté de la table, face à leur employé. Leur employé est aussi leur ami, un ami qui a perdu sa sœur à cause de ses activités criminelles. La situation est donc plus que délicate. Entre l'arrivée de Liam et le début de la discussion, il y a un long moment de silence.

« Alors, Li, comment ça va?, lance finalement Louis.

-Quoi de neuf dans ta vie?, poursuit Zayn.

-Les gars, j'ai besoin de quelques jours de congé. »

L'annonce du brunet produit le même effet qu'un médecin qui nous annonce que, malgré les petits problèmes, nous n'avons aucune maladie grave, c'est un soulagement qui délivre tous les gens concernés.

« Ça, c'est une bonne décision mon gars. Tu fais bien de prendre soin de toi.

– On voulait pas te le dire pis on savait pas trop comment le faire non plus, mais t'as effectivement besoin de prendre une pause et de t'occuper de toi et de ton deuil.

– C'est vrai, renchérit Zayn, on veut pas t'exploiter non plus. T'as besoin d'être en paix et de faire la paix avec sa mort avant que ça te détruise complètement.

– J'serais en paix lorsque j'aurai butté le salaud qui lui a tiré dessus alors qu'elle avait rien à voir dans notre guerre, pas avant.

– J'crois que t'as pas compris la notion de paix en fait.

– J'crois que vous avez pas saisi où je veux en venir, insiste Liam, se levant de sa chaise pour ensuite poser ses deux mains sur le bureau. Je vais éliminer toute cette bande de chiens sales, je vais faire de leur mort le moment le plus long, le plus pénible et le plus douloureux de leur misérable vie. Je vais m'arranger pour qu'ils souffrent au moins presque autant que moi, je vais m'assurer qu'ils pourrissent en enfer pour avoir tué un ange, quitte à les suivre et à les torturer moi-même.

– T'as perdu la tête ou quoi? »

Au contraire, Liam n'a jamais été aussi déterminé de toute son existence. Pour une fois, tout est vraiment clair. Il sait ce qu'il doit faire, son chemin est tout indiqué, déjà tracé. Il doit venger sa petite sœur, venger sa mort précoce en raccourcissant celle des coupables. Œil pour œil, dent pour dent, meurtre pour meurtre. Liam ne reculera pas. Il ira jusqu'au bout, advienne que pourra.

*

2h du matin. Debout devant la maison où est produit le stock pourri qu'ils vendent, Liam est prêt. À l'aide d'un couteau, il déverrouille la porte d'entrée, qu'il ouvre ensuite sans faire attention au bruit. Deux gardes endormis se lèvent précipitamment, tout deux surpris. Ils n'ont même pas le temps de comprendre ce qui se passe, Liam les élimine de deux coups de feu. Après la détonation, le silence. Il n'y a personne d'autre que Liam dans la demeure.

« Le feu élimine la vermine, alors brûle cette cochonnerie. Détruis tout sur ton passage. Ravage cet endroit et tout ce qui s'y trouve. Fais mal aux finances de cette bande, qu'ils tremblent de peur en sachant que, tôt ou tard, leur tour viendra. »

Sa tirade complétée, Liam fait le tour de la maison, laissant derrière lui un sillon de Jack Daniels. Il y en a dans toutes les pièces, dans les escaliers, dans la salle de laboratoire, partout. De retour à la case départ, au tout début de son parcours, le jeune homme sort un briquet de sa poche et l'allume avant de le jeter dans la flaque d'alcool, qui s'embrase.

« Ce n'est que le commencement. »

Le lendemain, lorsque le patron vient constater les dégâts, il trouve les cadavres de ses hommes ainsi qu'un bout de papier sur lequel il est écrit : « Je remonterai la pyramide jusqu'à toi ». En colère, il l'a déchiqueté, ne prenant pas les menaces très sérieusement. Et pourtant...

D'abord le laboratoire de drogue, puis les bars de danseuses et les bordels. Il n'y a pas eu de morts cette fois, seulement des bâtiments détruits. Des finances en péril. Ensuite est venu le tour des bureaux de comptables où est entreposé l'argent, les billets compris. Eux aussi ont péri. En trois soirs, la bande a perdu son laboratoire, ses bars et ses bordels ainsi que plusieurs mois de paies, qui ont flambées dans les bureaux où tout était enfermé. Le patron a commencé à avoir peur pour son business, mais aussi pour sa vie. Il ne savait pas qui était derrière tout ça, encore moins pourquoi. Qui laisserait des milliers de dollars brûler? Et de la drogue qu'il aurait pu revendre?

Ce soir, c'est le quatrième soir. Le grand final. À son bureau, dans sa grande villa, Ed tente de réparer son business en déficit. Il y a des gardes à toutes les portes pour assurer sa sécurité, mais ce n'était pas assez pour le protéger d'un homme en deuil et en colère. Avec sa mitraillette chargée, Liam entre, tirant sur tout ce qui s'approche de lui. Tous les agents se précipitent vers les coups de feu pour éliminer la source de ceux-ci, mais Liam a tout de même le dernier mot. Il ne reste que lui et le patron dans la grande maison, Ed en est conscient. Il n'y a plus un bruit. Il prend son arme et attend l'arrivée de celui qui est en train de le ruiner. Dès que Liam franchit la porte du bureau, ils se visent l'un et l'autre avec leurs fusils.

« Baisse ton arme ou je tire, ordonne Ed.

-Tire si tu veux, c'est la dernière chose que tu ferras vivant.

-C'est donc toi, le pyromane, déclare-t-il en posant son revolver sur son pupitre.

-Et c'est toi qui a tué ma sœur.

-C'est donc toi que j'ai raté...

-Et ça aurait été mieux pour toi que tu ne m'ais pas manqué. »

Les yeux noirs, le visage dur, Liam tire une balle dans la cuisse d'Ed. La balle ne traverse pas, elle reste coincée dans la chair. Une autre se retrouve logée dans l'autre cuisse. Puis deux, trois, quatre balles supplémentaires suivent le mouvement des deux premières.

« Pourquoi tu me tue pas directement?

-Ce serait trop simple, trop doux. Tu mérites de souffrir autant que t'as fait souffert ma sœur. »

Comme pour appuyer ses paroles, Liam lui tire quelques balles dans les épaules. Il le laisse ainsi, rempli de plomb, et s'en va. Ed prend plusieurs heures à mourir, seul comme un chien. Il n'y a personne pour entendre ses hurlements. Lia est vengée, mais Liam est tombé plus bas que jamais dans la noirceur.