Mille et une vies. [Imagines]

Une histoire de hockey : les risques du métier.

Sortir avec un joueur de hockey professionnel a ses avantages – et ils sont nombreux! Il y a les voyages, l'argent, les nombreux mois de vacances lorsqu'on est hors-saison, le luxe que connaissent les célébrités, les événements de charité, la différence que l'on peut faire dans la vie des gens... Mais, dans mon cas, il y a aussi un gros désavantage : je dois aller le voir jouer. Je ne déteste pas admirer Calum sur la glace... je déteste seulement sortir. Être en public. Entourée d'une foule remplie d'hystériques fanatiques alcooliques.

C'est tout de même ironique, non? La copine d'un joueur professionnel n'aime pas la célébrité. Au moins, Calum peut être certain d'une chose : je ne sors pas avec lui pour me faire un nom! À vrai dire, je préférerais que mon nom demeure inconnu. Anonyme. Comme les super-héros.

Aujourd'hui, les Canadiens de Montréal affrontent leur ennemi numéro un, les Bruins de Boston. Depuis les Nordiques de Québec, c'est la plus grande rivalité à exister dans le monde du hockey. Heureusement pour moi, mon petit ami joue pour les Canadiens. Ma famille, surtout mon père, ne me le pardonneraient jamais autrement. Être en couple avec un Bruins serait perçu comme une trahison.

Assise dans les gradins, je profite du Wifi en attendant que le match commence. Je traîne sur Instagram et raconte ma vie sur Twitter, j'espionne de vieilles connaissances de l'école secondaire sur Facebook et je prends plusieurs selfies sur Snapchat. Un par un, j'essaie tous les filtres; je me divertis comme je le peux.

Lorsque la musique s'arrête et que l'animateur de foule se tait, je glisse mon téléphone dans ma poche, prête à suivre l'action – et la rondelle – des yeux.

Un par un, les joueurs se lancent sur la glace, accueillis par les hurlements des spectateurs en délire. Ils font quelques tours sur la patinoire pendant que les entraîneurs, marchant comme des pingouins pour éviter de tomber, se dirigent vers le banc des joueurs. Lorsque l'équipe adverse fait son entrée, les Canadiens se replient de leur côté de la glace afin de ne pas avoir à les côtoyer. Les hockeyeurs s'échauffent avant le début de la partie.

La voix du commentateur remplace la musique, il annonce aux joueurs qu'il est l'heure de se mettre en position. L'arbitre principal se dirige au centre de la patinoire, rondelle en main. Les joueurs se regardent, mais ils ne se serrent pas la main. Ils s'accroupissent, le bâton prêt à intercepter le disque afin de le passer à l'un de leurs coéquipiers. Lorsque l'arbitre la laisse tomber, ils jouent du coude afin de remporter la mise au jeu. Il passe la rondelle à l'un de ses ailiers, et il file à ses côtés.

« Vas-y Calum, fonce! Allez les gars! »

Mon joueur favori patine vite, ses ailiers à ses côtés. Luke à gauche, Ashton à droite. Ensemble, ils sont comme des ninjas. Trop vites pour les Bruins, ces Canadiens esquivent leurs adversaires comme s'ils étaient de simples cônes immobiles. Moins de deux minutes de jeu plus tard, mon équipe fait un but. C'est un retour au point de départ.

Calum retourne dans le cercle bleu. Lorsque l'arbitre laisse tomber la rondelle, c'est exactement comme tout à l'heure. On dirait une reprise de la première fois. À nouveau, le numéro 25, accompagné des numéros 16 et 7, patine sur la glace. Calum fait une passe à Luke, qui la refile presque aussitôt à Ashton. Celui-ci la dégage dans un coin, c'est mon amoureux qui va la chercher. Un joueur des Bruins arrive près de lui et le maintient contre la bande.

« Hey, arbitre, y'a une faute là! Calum se fait bloquer, le gars est en train de le retenir! »

L'ironie, c'est que Calum n'a même plus la rondelle. Luke est venue la chercher, puis il se l'est fait prendre. Le disque est maintenant dans l'autre zone, à l'autre bout de la patinoire. Personne ne semble voir ce qui se passe de l'autre côté de la glace.