L'hôtel des cauchemars.

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*Cet imagine contient de la violence qui pourrait ne pas convenir à tous et à toutes.  *

Calum aurait pu choisir le même hôtel que ses coéquipiers. Il aurait pu lui aussi loger dans une suite quasi-royale qui coûte presque la peau des fesses, mais Mila et lui ont préféré aller dans la simplicité locale – en admettant que cela existe aux États-Unis. Cela dit, la simplicité... ce n'est pas le terme qui définit le mieux l'hôtel Cortez.

Construite dans les années 1920, cet hôtel est d'une hauteur étonnante. Les couleurs neutres de ce bâtiment, qui se jouent dans les blancs, les bruns et les verts ternes contribuent à conférer l'aspect calme de celui-ci. Toutefois, il arrive que les chambres soient couvertes de rouge, rouge sang. Le sang de visiteurs qui ne sortiront jamais de là. Le sang qui coule entre les murs de l'hôtel Cortez.

                                                                                                   *

3h21 AM. Tout est calme et silencieux. Les voyageurs tout comme les fantômes dorment... ou presque.

3h25, Mila est à cheval entre le sommeil et l'éveil. Elle tourne et se retourne dans le grand lit qu'elle partage avec son petit ami, victime d'un terrible cauchemar. Ses lèvres s'ouvrent pour laisser sortir le cri qu'elle retenait prisonnier au fond de sa gorge. Calum se réveille – forcément – et cligne des yeux, essayant de les habituer à l'obscurité, mais cela ne change que peu de choses. Qui plus est, Mila n'a pas cessé de hurler. Il allume donc la lampe de chevet, constatant que sa partenaire dort toujours après s'être tourné vers elle.

3h27, Calum la réveille. Doucement il lui secoue l'épaule en répétant son prénom. Elle pousse un dernier cri avant de se relever en un quart de seconde, comme si un mécanisme venait d'être enclenché.

« C'était juste un rêve, princesse, murmure Calum en lui caressant l'épaule.

Un cauchemar plutôt...

– Tu veux en parler?

Je faisais un mauvais rêve. Je me suis réveillée, j'ai pleuré dans tes bras en te le racontant. Pis là, sorti de nulle part, y'a un gars aux airs italien qui... qui est debout devant le miroir de la commode. Y se rapproche de nous, tu lui poses pleins de questions. Au lieu de répondre, il te coupe la langue et... »

Le corps de la jeune femme est parcouru d'un frisson de dégoût alors que les images restent en suspend au-dessus de sa tête comme une épée de Damoclès. Calum prend sa main et la serre pour essayer de lui faire oublier.

« Je vais aller m'asperger le visage d'eau froide. »

Mila décroise les jambes qu'elle avait pliées en indien et se met debout sur le lit avant de sauter et d'atterrir sur le plancher. Les pieds de Mila foulent le tapis verdâtre avant de brusquement se retrouver sur les dalles froides des carreaux de céramique de la salle de bain. Ses orteils se retroussent, mais elle avance quand même jusqu'au lavabo.

3h31, elle ouvre le robinet d'eau froide. Ses mains mises comme des coupes se remplissent du liquide qui coule à moitié dans l'évier. Lorsque le bol improvisé est rempli à la limite de ses capacités, Mila se penche plus près et se...balance le tout en pleine figure. C'est tellement froid que Mila fige. L'eau se met à dégouliner sur le plancher, mais aussi dans le col de son tee-shirt et sur sa peau. Ses esprits, elle les a retrouvés – bien qu'ils soient maintenant gelés.

3h32, elle essuie le liquide transparent qui recouvre son visage. La serviette éloignée de ses yeux, elle lève la tête.

3h33, son regard croise une forme dans le miroir. Dans la glace, elle n'est pas seule. Dans la salle de bain non plus d'ailleurs. Debout dans la baignoire, un homme. Son visage est pâle. Ses cheveux noirs laqués sont orientés vers l'arrière. Une petite moustache coupée à l'italienne, peu touffue, flotte entre son nez et sa bouche. Le complet noir accentue la minceur de son corps, lui donnant des airs de gothique chic.

« Calum, chuchote Mila, croyant pourtant hurler. »

Lorsque l'intrus enjambe le rebord du bain et pose un pied sur le tapis antidérapant, la jeune femme sort de la salle de bain en courant [ inside joke avec une amie], hurlant le prénom de son amoureux. Elle croyait avoir halluciné, elle pensait que son esprit était seulement embrouillé après le coup d'eau glacée. L'heure matinale ainsi que son cauchemar auraient également pu troubler ses pensées. C'était une possibilité... jusqu'à ce que l'apparition se mette à bouger.

« Quoi, qu'est-ce que t'as? »

Mila n'a pas le temps de répondre, l'homme en costume franchit à son tour la porte de la salle de bain. Les mots deviennent ainsi inutiles.

« Qui êtes-vous? Que faîtes-vous là? Comment...

Hé bien, cher couple, je suis le fondateur de cet hôtel, ce qui fait que... tout ici m'appartient.

Vous êtes James Patrick March?

Je savais que ce visage m'était familier!, s'exclame Mila comme si elle venait d'être illuminée. Mais.... mais vous êtes mort!

C'est tout à fait exact, darling!, lance-t-il en souriant. Je me suis coupé la gorge il y a plusieurs décennies de cela.

Mais c'est impossible!

Tout est possible, chers enfants, vous êtes à l'hôtel Cortez! Ah oui, je me souviens de cette chambre... c'est ici que j'ai décapité cette prostituée qui criait fort! Ma douce épouse l'a adorée.

Mais comment...

Les âmes qui meurent ici... restent ici. Des êtres qui sont prisonniers de ces murs et qui errent dans ces corridors à la recherche d'une planche de salut... ou d'un vivant à emmener avec eux de l'autre côté. »

Un sourire aux dents blanches et éclatantes sur le visage, James Patrick March sort une longue lame de la poche intérieure de son veston. Les yeux bruns de Calum s'agrandissent, ceux de Mila sortent presque de leurs orbites. Tous deux reculent, s'éloignant de la porte. Le dos de la brunette se cogne à quelque chose, et ce n'est pas le mur. C'est quelqu'un, même quelqu'une. Près de la porte, une femme. Ses cheveux blonds ondulent en deux longues cascades dorées qui s'arrêtent sous sa poitrine. Une robe bleu marine est ajutée à sa silhouette, une longue traîne semble flotter sur le plancher. Son visage est pâle et anguleux, du rose mis sur ses pommettes donne un peu d'éclat à cette beauté cadavérique.

« Je vous présente ma femme, la comtesse Elizabeth. Elle va s'occuper de la demoiselle pendant que je me charge de monsieur.

Quoi?! »

La voix de Mila monte dans ses aigues qu'elle n'avait jamais atteintes alors que celle de Calum, pour sa part, proteste en rugissant. Cela n'empêche en rien la comtesse de pousser sa petite amie sur le lit, tout comme ses paroles ne retiennent point le propriétaire de faire de même avec lui. Leur faisant maintenant face, le couple criminel est imposant et, surtout, fort menaçant.

« Show time! »

La lame du couteau de James pénètre le corps du joueur de hockey à de multiples endroits, là où il y a le plus de sang. Calum souffre, victime des assauts métalliques. À ses côtés, Mila vient de se faire trancher la gorge par la comtesse – ou plutôt par ses ongles, ses griffes qu'elle peut mettre et retirer à sa guise. Tous deux se vident de leur hémoglobine, hémoglobine qui se mélange pour ne former qu'une marre rougeâtre unissant deux êtres qui s'aimaient. Ces deux êtres sont maintenant morts.

« Oh, ma chérie, c'est toujours un plaisir pour moi de tuer en ta compagnie!

On se revoit le mois prochain, cher mari, chuchote-t-elle presque avant de quitter la chambre, la lumière du couloir projetant une ombre sans fin sur le sol.

Miss Evers! »

La porte tout juste refermée s'ouvre à nouveau, cette fois sur la femme de chambre. Ses cheveux roux coupés courts s'agitent alors qu'elle ramasse les draps tachés de sang ainsi que le tapis. Dans la salle de bain, Miss Evers frotte jusqu'à ce que le tissu retrouve sa couleur originelle avant de tout replacer. Ni vu ni connu. L'histoire peut maintenant se répéter.

Mille et une vies. [Imagines]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant