La souffrance d'un homme.

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« Vous êtes stérile, M. Hood. »

         Et BAM! C’est comme une claque en pleine face. On aurait dit qu’un mur de brique venait de s’abattre sur moi et que j’ignorais comment me sortir de là. J’étais prisonnier, enseveli sous la mauvaise nouvelle. C’est comme si l’on m’avait enterré vivant et que je tentais de chercher de l’air à travers la terre. J’étais comme un noyé qui essaie de garder la tête hors de l’eau malgré les vagues qui se déchaînent autour de lui, luttant pour se maintenir en vie. Je me sentais ainsi lorsque Dr. Carlisle m’a annoncé ceci.

Quand le médecin m’a parlé de ces tests qu’il voulait me faire passer, jamais je n’ai cru que ça irait aussi loin. Je pensais que c’était une espèce de routine, un moyen de s’assurer que tout était normal. Je ne pensais pas que ça arriverait, pas à moi!

Au début, ce n’était qu’un rendez-vous annuel comme les autres où j’ai discuté de mon absence de problème avec mon médecin. Je n’avais mal nulle part, je me sentais en forme et j’étais heureux… mais j’approchais de la mi-vingtaine et, malgré les essais, ma petite-amie n’était jamais parvenue à tomber enceinte. Le Dr Carlisle savait que j’étais impatient d’avoir des enfants, et sa surprise fut immense lorsque je lui ai dit que… qu’il n’y avait toujours pas le moindre fœtus à l’horizon – ou plutôt dans le ventre de Kim.

« C’est parce que vous voulez attendre encore un moment?, qu’il a demandé, me fixant à travers les vitres de ses lunettes.

– Quoi?

– Kim et toi n’êtes pas encore prêts à être parents, c’est ça? C’est pour cette raison?

– Hé bien, en fait, on adorerait être parent dès maintenant! Et même depuis plus d’un an…

– Qu’est-ce que tu veux dire?

– On essaie depuis des mois!

– Vous essayez?

– On a cessé de se protéger, Kim a arrêté de prendre la pilule, mais y’a rien qui se passe!

– Rien?

– Pas de fausse couche, pas d’absence de règles, rien du tout!

– Et tu dis que vous tentez d’avoir un enfant depuis quand?, m’a demandé le docteur en prenant des notes.

– Je dirais 10 mois, peut-être 11…

– Si je me souviens bien, tu fumes toi, n’est-ce pas?

– Oui, pourquoi? »

         Sur le coup, je n’ai pas vu de lien entre ma consommation de cigarette et l’incapacité de mon couple à avoir un enfant. J’ai toujours été nul en science, d’accord? Qui plus est, j’ai abandonné l’école avant même d’obtenir mon diplôme! Il ne faut pas s‘attendre à ce que je sois un génie…

         Dr Carlisle a demandé à ce que je passe quelques petits tests. Des tests de quoi? De simples petits tests, qu’il a dit de manière totalement imprécise. Je ne me suis pas trop inquiété, mais peut-être aurais-je dû. Après tout, ces tests avaient non seulement un impact sur ma vie sexuelle, mais en plus, ils m’indiquaient subtilement les théories que mon médecin commençait à croire.

« Chérie, ai-je annoncé à ma petite-amie en rentrant, le docteur veut me faire passer quelques examens.

– Pourquoi, ça va pas?

– J’en sais rien, j’crois qu’il veut simplement s’assurer que tout va bien.

– Je t’accompagne si tu veux, a-t-elle proposé. Je serai là pour te soutenir.

– J’aimerais beaucoup, oui. »

         Et Kim m’a donc accompagnée à l’hôpital. Elle m’a supporté lors de tous ces moments désagréables et assez inconfortables que j’ai subis sous les ordres du docteur. J’étais nerveux, nerveux et anxieux. J’ignorais pourquoi, j’ignorais comment, je ne savais rien.

         Le premier test était un spermogramme. J’ai dû m’abstenir de sexe pendant 3 jours pour, au bout du compte, me masturber dans un contenant stérilisé. Enfin bon, c’est plutôt Kim qui s’en est chargé… Mais quand même! J’étais vraiment mal à l’aise et j’ignore ce que j’aurais fait sans elle. Sa présence, ses mots doux – et sa main droite – m’ont rassuré.

         Après avoir regardé les résultats, le Dr Carlisle a demandé à ce que l’on me fasse une biopsie testiculaire. Une biopsie. Testiculaire. Un prélèvement. De mes couilles.

« Une quoi?!, me suis-je étranglé lorsqu’il me l’a annoncé.

– Ce n’est qu’une petite aiguille, et puis vous serez anesthésié!

– J’espère bien! »

         Et, même si ma réponse était sarcastique, j’avais peur. À vrai dire, j’étais terrifiée. Pourquoi une biopsie, pourquoi sur mes couilles? Elles ont quoi mes couilles, qu’est-ce qui cloche hein? Pourquoi m’en arracher une partie?

         Kim était là au moment où je me suis fait endormir. Elle me supportait dans on ne sait trop quoi pour on ne sait trop quelle raison – le Dr Carlisle ne nous avait toujours rien dit vis-à-vis de ses motivations, mais elle était avec moi. Elle était là lorsque je suis tombé dans les vapes tout comme elle y était lorsque j’en suis sorti. J’ai passé la journée suivante allongée en attente de ces résultats qui allaient révéler je ne sais trop quoi – j’ignorais même pourquoi le médecin voulait ces résultats. Finalement, j’ai su, mais je crois que j’aurais préféré ne pas savoir. L’ignorance est moins douloureuse.

Le diagnostic final a fait très mal : je souffrais d’oligospermie et me trouvais même dans une zone grise à la limite de la tératospermie. Je ne suis pas stérile, mais le fait que je puisse mettre ma copine enceinte relèverait tout de même du miracle. Je ne le suis pas, mais c’est tout comme. La quantité de spermatozoïdes dans mon sperme est pire que faible, et tout ça à cause de la cigarette. C’est ma faute, je me suis privé tout seul en ruinant volontairement ma santé. Si seulement j’avais su… Mais maintenant, il est trop tard. Je ne peux plus rien y faire, ça ne changera absolument rien.

         Cette nouvelle m’a fait aussi mal que si j’avais été une femme. Je voulais vraiment être père! Je voulais être père des enfants de Kim, des enfants que nous aurions conçus ensemble dans l’amour – et dans notre chambre. Je ne pourrai jamais avoir un bébé, pas un que j’aurai produit de mon sperme. Il pourrait ressembler à sa mère, mais il ne me ressemblera pas à moi. Ce sera le sien plutôt que le nôtre.

         Mes espoirs m’ont été arrachés en même temps que ce bout de moi que le chirurgien a découpé. Mes rêves se sont envolés lorsque j’ai soufflé ces bouffés toxiques que j’ai inhalées de mon plein gré. Toute la vie que je m’étais mentalement construite s’écoule à présent, réduisant mon avenir à néant. Je ne sais plus, je suis perdu.

         Je ne connaitrai jamais la paternité, du moins pas avec mon propre bambin.

Mille et une vies. [Imagines]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant