« Michael, viens jouer dehors avec moi!, supplia-t-elle encore une fois.
— Si tu crois que je vais sortir à un temps pareil, tu rêves!, s'exclama le jeune homme, levant les mains au ciel en signe de protestation.
— On va s'amuser, tu verras!
— J'vois pas ce qu'il peut y avoir d'amusant à aller se les geler à -30 degrés, protesta l'entêté. »
Emery soupira devant le caractère buté et enfantin de Michael. Elle avait envie de profiter de la neige canadienne qui tombait doucement à l'extérieur, mais pas toute seule. Elle voulait partager une partie d'elle, une partie de son pays avec lui. Elle souhaitait lui faire connaître les joies des hivers canadiens, ces hivers dans lesquels elle a grandi. Elle voulait en profiter, elle voulait retrouver son identité avec son petit-ami. Son petit-ami Michael qui ne voulait pas mettre ne serait-ce que le petit orteil hors de la maison, dans ce « froid glacial à se rendre malade ».
« Tu veux jamais rien faire, tu veux jamais sortir! T'es vraiment le pire petit-ami qu'il soit, tu sais ça?
— Je sais, oui. Et je sais aussi que tu m'aimes quand même, répondit-il en souriant bêtement.
— J'aurais dû garder Cooper, marmonna-t-elle entre ses dents.
— Qu'est-ce que t'as dit?
— Rien de bien important.
— Tu penses vraiment que Cooper aurait été une meilleure option que moi?
— C'pas toi qui disais pas avoir compris ce que j'ai râlé?, rétorqua-t-elle en levant un sourcil, et il croisa les bras pour démontrer qu'il ne répondrait pas à cette question-là. En tout cas, il était peut-être pas guitariste comme toi, mais il serait venu avec moi, LUI. Et il aurait pas chialé comme un gros bébé, LUI, lança-t-elle en dernier secours, espérant le vexer assez pour qu'il change d'idée. »
Mais c'était peine perdue. Jamais il ne sortirait dehors à une température pareille. Il était rare de le voir hors de la maison en Australie, alors ici... Autant croire au Père Noël! Aucun vœu fait à 11 h 11 et aucune étoile filante n'aurait pu lui botter le cul jusqu'à dehors. Aucun argument n'aurait pu le convaincre de se bouger les fesses.
Emery laissa donc Michael, debout au milieu du salon, en plan et se dirigea vers l'entrée où elle glissa ses pieds dans ses bottes. Ses gestes étaient brusques, empreints de déception. Elle avait espéré que, pour une fois, il essayerait de lui faire plaisir. Elle avait espéré que, pour une fois, il accepterait d'aller jouer dans la neige avec elle. Elle avait espéré, mais s'était trompée.
Alors qu'elle enfilait un bras dans la manche de son manteau, elle entendit les pas de Michael s'éloigner vers leur chambre. Pour y faire quoi? Aucune idée. Sans doute qu'il va jouer au Play ou bien regarder la télé...
En soupirant, elle sortit sans lui. C'était évident qu'il ne viendrait pas, alors elle laissa tomber l'idée. Elle ignorait que, dans leur chambre, Michael était en train de mettre son manteau par-dessus son tee-shirt et son pull. Elle ne l'avait peut-être pas remarqué, mais Michael s'était crispé à la mention du nom de son ex. Soudainement, il avait revu les moments où Emery était avec Cooper alors qu'il n'était rien de plus que son meilleur ami. « Coop m'a emmenée au bar, disait-elle. Il m'a fait visiter un musée, disait-elle. Nous sommes allés à la plage aujourd'hui, disait-elle. » Avec Cooper, elle était toujours dehors. Avec lui, elle n'y allait presque jamais.
À ce moment, debout devant sa petite-amie qui se préparait à affronter la tempête canadienne, Michael a eu peur. Peur qu'elle meure d'hypothermie? Non! Peur de la perdre. Et si elle réalisait qu'elle s'amusait plus avec Cooper? Non, il ne pouvait pas laisser partir Emery maintenant qu'elle était à ses côtés. Il comptait bien la faire rester, même si cela équivalait à aller se les geler dehors à -30 degrés.
Une fois – peut-être trop – habillé, Michael s'arma de courage avant de franchir la porte d'entrée. Il fut surpris par la douceur de la température qu'il avait imaginée bien pire. En fait, c'était plutôt doux. Le vent ne lui fouettait pas le visage et la neige qui tombait ne l'aveuglait pas. Elle tombait doucement, voilant le paysage de son joli rideau argenté. Mais, malgré ces flocons qui déferlaient, ses yeux voyaient parfaitement Emery en train de rouler une énorme boule de neige avec son manteau rose qui flashait dans ce décor blanc.
Essayant de demeurer silencieux malgré le bruit de ses pas qui s'enfonçaient, le jeune australien s'avança vers sa petite-amie qui lui tournait le dos. Ses bras se refermèrent autour de sa taille, ce qui la fit sursauter. Elle était trop occupée à déverser sa frustration sur son bonhomme de neige miniature et sans tête, et n'avait donc rien entendu. Elle ne s'attendait pas à ça. Emery se retourna et, voyant Michael – Michael debout dans la neige, dehors-, fut étonnée. Elle resta là à le fixer, la bouche ouverte.
« Em, bébé, pourquoi tu me regardes comme ça?
— Est-ce que je rêve ou... T'es sorti de la maison?, questionna-t-elle, et les mots semblaient étranges assemblés ensemble.
— Tu rêves pas, mon cœur.
— Et... qu'est-ce qui t'as fait changer d'idée?
— La peur, dit-il faiblement en se dandinant d'un pied à l'autre.
— La peur de quoi?
— La peur de te perdre, déclara-t-il.
— La peur de me perdre?, répéta Emery, confuse et perdue.
— Oui, la peur de te perdre!, s'exclama Michael en bottant de la neige, mal à l'aise. J'ai repensé au temps où tu sortais sans arrêt avec Cooper, aux moments où il t'emmenait faire des activités et des sorties et à quand tu t'amusais avec lui. J'ai eu peur que tu réalises à quel point c'était mieux avec lui et que tu me quittes pour le reprendre, pour reprendre votre histoire.
— Oh, Michael, soupira-t-elle en hochant la tête. J'ai parlé de lui pour te faire changer d'avis, pour que tu te décides à venir et c'est tout. Je t'aime, tu m'entends? C'est toi que j'ai choisi. Ceci dit...
— Ceci dit quoi?
— Ceci dit, j'suis ravie de voir que tu tiens à moi. J'suis contente que tu sois venue, Mickey. »
La jeune fille l'agrippa par le collet de son manteau avant de l'attirer vers elle, un sourire aux lèvres. Ils se blottirent dans les bras l'un contre l'autre et observèrent la sculpture de neige, s'échangeant quelques baisers de temps en temps. Ils s'attaquèrent à coup de boules de neige, s'en lançant d'un bout à l'autre du jardin. Caché derrière la table, il tentait de l'atteindre malgré l'arbre qui le gênait. Elle avait choisi le meilleur abri.
Finalement, après avoir levé le drapeau blanc, Michael fut heureux de voir les yeux brillants de sa petite-amie ravie. Ils rentrèrent et se débarrassèrent de leurs vêtements mouillés et frigorifiés. Allongés sur le canapé, chocolats chauds à la main, ils ne disaient rien. Ils savouraient ce moment de détente, ne ressentant aucunement le besoin de combler ce silence.
Ce n'est donc que ça, l'hiver canadien? Dans ce cas, Michael est prêt à l'affronter pour Emery. Michael est prêt à l'affronter avec elle.
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Mille et une vies. [Imagines]
Teen FictionReccueil de plusieurs segments de vies de différents personnages dans des situations particulières. Parfois tristes, parfois romantiques, parfois violentes, ces histoires sauront peut-être vous émouvoir. Elles peuvent vous faire rire, elles peuvent...