Chapitre 4 : Azylis

2.5K 310 131
                                    

Le bureau. Si une pièce peut contenir des indices sur le lieu où se trouve actuellement Gabriel, c'est bien celle-ci. Je me lève et me dirige vers la pièce à laquelle je viens de penser. En fait, je ne suis pas souvent venue dans cet appartement, si ce n'est pour amener le résumé des cours les rares fois où il était malade... 

Car nous étudiions dans la même université, ce qui peut paraître surprenant puisque ce n'est pas là que nous nous sommes rencontrés. 

La vie est faite d'une multitude de curieux hasards... Une main sur l'encadrement de la porte, je laisse l'atmosphère accueillante du petit bureau m'accueillir. 

Une grande table de bois imitation Louis XV occupe le centre de la pièce avec à côté un fauteuil blanc moderne qui jure avec l'ensemble. Une plante verte légèrement desséchée se trouve à ma gauche et une petite étagère couvre le mur des deux côté. 

La fenêtre qui éclaire la pièce me fait face. Instinctivement, je m'y dirige pour admirer la vue que l'on peut voir d'ici. Une rue animée. Puis, je me retourne et me reconcentre sur ma recherche. Ou aurais je rangé ou caché des documents parlant d'un départ censé resté secret ? Les étagères ? Trop visible. 

Le bureau ? Un peu de bazar l'encombre mais je suis prête à parier qu'il n'y a rien d'important. Reste le curieux petit meuble d'angle que je n'avais pas remarqué jusqu'ici. Je m'approche, refoulant un léger sentiment de culpabilité à l'idée de fouiller ainsi dans des affaires personnelles. 

Ma main se dirige vers la fine poignée et tente de tirer le petit tiroir. Peine perdue. Il est fermé à clef. Un soupir m'échappe. Je m'accroupis au niveau de la serrure. Ce n'est pas vraiment quelque chose de solide. 

Deux secondes d'hésitation... Puis je me décide. Je me relève et tire d'un coup sec le tiroir. Il s'ouvre et me reste dans la main. 

Deux objets en sont tombés. Je le pose délicatement, avec une douceur exagérée vu ce que je viens de faire, et me penche pour ramasser ce que j'ai juste eu le temps d'entre-apercevoir.

Ce n'est pas un prospectus de voyage m'indiquant une quelconque destination. C'est bien pire. C'est une photo et une petite boîte rectangulaire qui pourrait me tenir dans la main et qui semble contenir quelque chose d'important. 

Mais je la délaisse pour m'intéresser à l'image.

Un vieux cliché représentant une plage et deux personnes bras dessous bras dessus. Et je reconnais le jeune homme. Gabriel... Mais je ne peux pas être jalouse de la jeune personne qui se tient à ses côtés. 

Malgré ses yeux verts et son teint de rouquine, il n'y a pas de doute à avoir. C'est sa sœur. Le nez, la façon de sourire, la forme générale du visage... Et même si ce n'est pas sa sœur, elle fait partie de sa famille. 

Et c'est un mensonge de plus que je découvre. Gabriel n'était de toute évidence par un orphelin sans attaches... Je ne trouve même pas le courage de hurler dans cet appartement vide. Un instant, l'idée d'arrêter là le peu de recherche que j'ai effectuées s'impose à moi. 

Mais mon sentiment d'urgence est toujours là, toujours aussi incompréhensible... Il risque sa vie, j'en suis certaine. C'est dérisoire. 

Nous sommes dans un monde à peu près civilisé. Ou pourrait-il risquer sa vie ? Et si je lui suis si indifférente, pourquoi me soucier de lui ? Parce que moi je l'aime, bien sûr... Je ne peux pas renoncer, pas maintenant en tout cas. 

Et je me redresse. Je pose délicatement la petite photo sur l'étagère la plus proche. En la posant, je remarque les quelques mots griffonnés au dos. Ils me font mal. Parce que je t'aime. Et moi ? Moi, il ne m'aimait sans doute pas... 

Un goût amer dans la bouche, je me tourne vers la table de travail et avise la petite boîte que je viens d'y poser. Lorsque j'allonge une nouvelle fois la main et l'attrape, je suis loin de me douter que le destin vient une fois de plus de tourner... 

Je repousse derrière moi une mèche de cheveux qui me gêne. Je retourne dans le salon, la petite boîte toujours dans la main. 

La glace me renvoie mon reflet. Mon visage n'est certes pas très souriant mais je ne peux m'empêcher de constater que les pinces dans les cheveux, cela me va plutôt bien. Je me rassoie dans l'un des canapé en laissant tomber mes préoccupations d'esthétique et j'observe la boîte. Je me décide enfin à l'ouvrir. 

Un fin objet entouré d'un chiffon de soie me tombe dans la main. Je le découvre lentement. Je n'ai jamais vu nulle part d'objet aussi étrange.

Un petit bâton qui fait à peine la taille de ma main. Il est lourd et semble avoir été fait dans une matière qui ressemble fort à de l'argent. Sur le côté, un petit bouton, incrusté dans l'objet à la manière d'une émeraude. 

Mais qu'est-ce-que c'est que ça ? Alors, sans réfléchir, je fais l'action la pire ou la meilleure de ma vie. J'appuie sur la petite pierre. Juste pour voir si elle cache par hasard un quelconque secret.

Et là, je m'affole. Alors que je serre les doigts autour du bâtonnet, je sens la pièce tourner autour de moi, les couleurs des murs se confondre les unes avec les autres pour finalement également disparaître. 

J'ai l'impression d'être entraînée dans un tourbillon, dans une spirale infinie. Et puis soudain, plus rien. Je suis assise par terre, tombée sans doute. Je cligne des yeux, je sens l'étrange matière sous mes doigts. Non, ce n'est pas possible... 

De l'herbe, de la terre, une forêt. De toute évidence, je ne suis plus dans l'appartement de Gabriel. Mais ou suis-je ? Je regarde le paysage autour de moi un peu plus attentivement. Je crois rêver. Je suis dans une forêt tropicale. 

Et je ne peux pas m'empêcher d'avoir la certitude que je suis dans la forêt Amazonienne. Rien n'est rationnel dans cette histoire, depuis le début. Je me relève lentement, m'assurant que je n'ai aucun membre cassé. Non, ça va. 

Je regarde ma main gauche, dépliant avec difficultés mes doigts serrés autour du bâtonnet. Et je parle à voix haute pour moi même.

-Eh bien ! La liste de ce que tu vas devoir m'expliquer s'allonge, Gabriel...
Seul l'inquiétant silence étouffant de la forêt me répond. Je relève les yeux. Et là, pour la première fois, je remarque un détail frappant. 

Qu'est ce qu'une machine d'un gris métallique fait au milieu de nulle part ? Et soudain, dans mon esprit, c'est une certitude. Gabriel venait d'ailleurs. Et dans cette machine se trouve peut être la solution. L'explication.

Intemporel T1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant