Edilyn (Chapitre 143)

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Je pose lentement ma main sur celle d'Eric. Il est inconscient, comme hélas assez souvent maintenant. D'un autre côté, quand il est dans cet état, il a au moins l'avantage de ne pas souffrir.

Je trouve encore un immense réconfort à ses côtés. Mes doigts s'entremêlent aux siens, guettant une réaction, même infime. Je murmure doucement à son oreille.

-Eric, j'ai un moyen de te sauver, tu m'entends ? Mais il me faut encore un peu de temps... Je t'en supplie, tient encore un peu...

Supplique dérisoire. Mais ça me fait du bien de le dire. Si je retrouve ce médecin... Car je sais bien que Eric n'accepterait jamais de voler la place d'un autre. Je sais bien que je ne pourrai jamais l'en convaincre... Je remets lentement en place l'une de ses mèches de cheveux sombres. Elle est trempée de la sueur qui coule de son front... Il est rongé par la fièvre.

Mais je sais bien qu'on ne peut rien faire pour le soulager. Je maudis alors la technique, la médecine et tout ce qui va avec. La recherche ne pourrait pas avancer plus vite ? Mais non, nous ne sommes que des êtres humains... Nos pouvoirs ne sont pas illimités...

Je me relève alors lentement, certaine d'une chose maintenant : je n'ai qu'un temps très limité pour retrouver ce médecin.

Une fois de nouveau dans mon salon, je jette un coup d'œil à mon écran. Deux appels manqués. J'appuie sur le premier et l'image d'un homme, arme à la main, se matérialise soudainement.

-Bonjour majesté... Je l'ai finalement retrouvée sans l'aide des caméras de la reine. Azylis d'Alcy se trouve actuellement avec votre frère dans son château privé...

J'acquiesce, me remémorant tous les détails de la demeure, dont les superbes massifs de roses qui viennent étrangement hanter mes pensées sur l'instant.

L'image disparaît, nous savons pertinemment tous les deux que je n'ai pas besoin de plus d'informations. Qu'il fasse son travail...

Je clique ensuite sur quelques touches et une nouvelle image en trois dimension se matérialise. L'homme s'incline avec un sourire respectueux.

-Princesse, tout se passe comme prévu... Nous devrions être dans la capitale aujourd'hui ou demain au plus tard...

Première véritable bonne nouvelle de la journée... J'esquisse un large sourire avant de répondre.

-Parfait commandant... Je n'oublierai pas les services que vous m'avez rendu.

Il s'incline en silence et l'image disparaît une nouvelle fois. Je tapote du bout des doigts la table de bois pour me détendre. Cette fois-ci, je tiens ma revanche...

Un voyant lumineux s'allume sur l'écran. Encore un appel... J'appuie sur la touche et la chef de nos armées, la redoutable espionne Ayva, se matérialise devant moi.

Comme d'habitude, elle n'exécute qu'un vague geste que l'on pourrait prendre pour un salut avec beaucoup d'imagination. Je reste parfaitement impassible et demande d'une voix neutre :

-Alors ?

-Les dossiers sur chacun des candidats se présentant à la présidence vont vous parvenir dans quelques instants... J'ai envoyé l'un de mes hommes vous les amener. Je sais de source sûre que vous préférez travailler sur papier que sur numérique...

Je grince des dents, tentant de ne pas montrer ma colère à l'idée d'avoir fait l'objet d'un espionnage en règle.

-Bien, merci, vous ne tarderez pas à recevoir le payement.

Elle hoche la tête puis contemple avec affectation ses ongles parfaitement polis.

-Pour la recherche sur le docteur...

Mon cœur bat un peu plus vite et je maudis mon intérêt beaucoup trop apparent. J'arrive pourtant à retrouver ma voix parfaitement neutre pour demander :

-Qu'avez-vous trouvé ?

-Pas grand chose... Mais j'ai réussis à découvrir quelqu'un qui pourrait correspondre à vos maigres informations. Un homme âgé, passionné par les sphère Acia, jugé par ses comparses comme trop émotif. Le docteur Pellam. Cela correspondrait ?

Le docteur Pellam... Dans mes souvenirs, je n'ai retrouvé aucun nom propre. Mais je suis brusquement absolument certaine qu'il s'agit bien de la même personne. Je m'autorise un instant de fol espoir. Je repense à la tristesse du médecin lorsqu'il avait vu qu'il ne pouvait pas sauver Sady... Trop émotif. Là aussi, tout correspond. Même la description d'un homme âgé...

-Oui, ça pourrait coller. Vous savez où il se trouve ?

Elle laisse échapper alors une froide grimace.

-Absolument pas. Il a disparu de la circulation il y a quelques années. Mais je ne vais pas abandonner en si bon chemin... Mon seul indice est celui-ci : les rares personnes susceptibles d'avoir des renseignements ont reçu un ordre de quelqu'un de très haut placé pour se taire... Mais je ne doute pas de ne pas tarder à y arriver.

J'acquiesce et coupe la communication. Tout cela est très intéressant... Le docteur Pellam. Je me surprends à supplier dans ma tête. Pourvu qu'il soit toujours en vie.

J'entends alors un "toc, toc" discret à ma porte. Je me lève avec un soupir et marche sans me presser vers la porte de mon appartement. Je l'ouvre et aperçois un jeune garde, impeccable dans son uniforme, qui me tend un lourd carton.

Je le prends sans un mot mais avec une vague inclinaison de la tête et referme tranquillement la porte au nez du garde. Je retourne vers ma table de travail et sors un à un les dossiers contenus dans le carton.

Candidat Mac Darcy, candidat Sartan, candidat... Il y en a bien une quinzaine. Une fois que tous les dossiers sont sortis, je pose à terre le carton et commence à les feuilleter un à un. Ayva a bien fait les choses... Je doute que quiconque, pas même eux-même, ne possède autant d'information.

Je m'arrête alors sur le profil d'un homme d'une quarantaine d'années. Il est grand, charismatique même à travers une photo, mais surtout terriblement défiguré.

Il a été griffé au visage par un très gros animal... Lion, panthère, tigre ? Cela ne l'enlaidit pas, bien au contraire. Cette griffure donne à son visage le côté dur et aventurier qui lui manquait.

Je secoue la tête et hausse les épaules avant d'ouvrir le dossier. Ce n'est pas de détails physiques dont j'ai besoin... Je dois avant tout trouver les points faibles de chaque candidat pour les discréditer.

Je parcours les lignes, relisant une histoire que je connais déjà. Je l'ai entendu...à travers le bracelet espion de Thaïs.

Qui parlait ainsi ? La réponse me vient immédiatement lorsque je tombe sur une autre photo.

"Possède une fille unique, fugueuse, partie vers l'âge de treize quatorze ans, peut-être même un peu avant. Son prénom est Sarah... Elle est actuellement dans les maquis."

Amusant... Ce candidat à la présidence n'est personne d'autre que le père de Sarah... Elle avait tord de s'inquiéter, finalement. Il est en vie...

Mais il vient de choisir un futur poste très dangereux.

Intemporel T1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant