Chapitre 9 : Gabriel

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Toujours dans ma cellule, je relève vivement la tête en entendant le cliquetis de la clef dans la serrure. Une nouvelle visite ! Une distraction de quelques minutes... Je jette un coup d'œil au plafond, constatant au passage qu'ils allument l'électricité. Je ne fais pas un geste en voyant entrer ma visiteuse. Seul un sourire narquois m'échappe, à moins que ce ne soit voulu ?...

-Edilyn ! Quel plaisir ! Ça doit bien faire maintenant cinq ans que nous ne nous sommes pas vu, non ?

La jeune fille reste debout, s'appuyant à la porte de fer que l'on vient de refermer. Elle porte une longue robe de soie d'un bleu marine chatoyant et des sandales dorées à talons hauts. Des bracelets d'argents sculptés enserrent ses bras et un fin diadème couronne ses cheveux impeccablement tressés.

-N'exagère pas, seulement trois ans.
Je ne réponds pas tout de suite, gardant une partie de mes pensées pour moi. Trop d'émotions remontent à mon esprit.

-Peut être... Alors, petite sœur, ça fait quoi d'être maintenant l'héritière ? C'est ce que tu voulais, non ?...
Je vois que j'ai touché au but. Elle n'ose plus croiser mon regard. Ses paupières maquillées se baissent, pour éviter de croiser mes yeux.

-Non ! Ce n'est pas ce que je voulais, tu le sais, c'est toi qui a fichu en l'air ta vie !...
Je connais ce regard. Je connais cette intonation. Elle essaie de se convaincre elle-même de ce qu'elle raconte.

-Edilyn, sois franche. Qu'à tu fais pour m'éviter la prison ? Et que feras tu aujourd'hui pour moi, lorsqu'ils me condamneront ?...
Un bref instant, je vois l'hésitation se peindre sur son visage. Elle peut me sauver, elle en a le pouvoir, et elle le sait. D'un autre côté, c'est si facile de laisser la justice suivre tranquillement son cours, en évitant ainsi un frère potentiellement gênant.

-C'est aux juges de décider. Je n'avais et n'ai toujours rien à faire dans cette histoire.
Quelque chose au fond de moi me fait mal en entendant ces paroles. J'ai espéré. Pas d'être sauvé, ça non, mais de compter un peu plus que le pouvoir aux yeux de ma sœur. Et je me suis trompé. Cela fait terriblement mal.

-Très bien, si c'est ce que te dicte ta conscience... Je ne veux plus te voir. Que fais tu ici ? J'imagine que tu n'es pas seulement venue pour me distraire ?
Un léger tic agite la lèvre de la jeune princesse. Elle tente de cacher ses doutes et ses pensées. Mais depuis toujours, je suis bien plus fort qu'elle à ce jeu-là.

-Je voudrai que tu me dise le nom du pilote de l'aéronef, Gabriel. Et une description physique pour le retrouver.
Je fronce les sourcils, tentant de cacher ma colère.

-Je ne vois pas pourquoi je prendrai la peine de te répondre. Va t-en ! Laisse-moi mourir, puisque c'est ton choix...
Edilyn ne trouve d'abord rien à répondre. Et puis, à son tour, la colère l'envahit.

-Mais tu ne comprends donc rien ?... Ce pilote, nous le récupéreront tôt ou tard, et alors, sa punition sera bien plus terrible ! Veux-tu vraiment risquer une nouvelle vie pour rien ?...

-Vous ne lui ferez rien, je le sais, je connais quand même un minimum les lois.
-Tu te trompes. Nous en avons assez de toi et des ennuis que tu nous cause. Le conseil a voté. Nous lui injecteront le sérum Z-421.
Je retiens mon souffle. Non...

-Non ! Ce n'est pas possible, vous n'avez pas le droit !...

-Mais nous sommes tous d'accord. Dis nous son nom et sa description, et nous passerons à la peine inférieure.
Le doute m'envahit. Pour le bien d'Azylis, ne devrais-je pas parler ? Un instant, son joyeux visage encadré de boucles dorées et ses yeux rieurs flottent devant moi. J'hésite encore un instant. Mais il me semble que si nos positions étaient échangées, elle n'aurait pas parlé.

-Va t-en.
Elle hausse les épaules et me lance un regard incendiaire. Ses yeux noirs brillent de colère. Sans un mot, elle se retourne et lance quelques mots au garde par la petite aération pour qu'il ouvre la porte. Il s'exécute. Lorsque je la vois sortir, lorsque j'entends ses pas décroître au loin, je ne retiens plus mes larmes amères.

Le monde me paraît alors si sombre ! Je remarque par terre un petit brillant. Toujours assis en tailleur à même le sol, je ramasse le diamant. Il devait être brodé sur sa robe. Avec un éclair de colère dans les yeux, je le jette avec force loin de moi. Je ne veux plus jamais entendre parler de ma sœur.

***

-Il a accepté de parler ?
-Non, père. Il refuse...

Dans l'élégant salon privé, le roi d'Astra, assis dans un confortable fauteuil derrière une table de travail, écoute ce que lui révèle sa fille. Ils ne se ressemblent guère. A quarante ans, il se sent déjà un vieillard. Mon dieu ! Comme il aimait son fils... Des années plus tard, la perte de celui-ci le hante toujours autant.

Comment avouer que sa fuite de prison avait été un véritable soulagement ? Dommage qu'il ait été rattrapé... Edilyn n'a jamais partagé ce point de vue. Et elle ne s'en cache pas.

-Je devrai aller le voir, Edilyn. Et je voudrai le défendre au procès...
Un bref instant, la jeune princesse hésite. Ses yeux se portent au loin, dans les immenses jardins à la française que l'on aperçois en contrebas des grandes fenêtres. Puis, elle se décide.

-C'est inutile. Il n'a pas changé, c'est toujours le monstre que nous avons tous connu...
Ces mots font mal au roi. Il regarde le petit tableau au-dessus de sa cheminée. Un portrait d'un petit garçon blond de huit ans aux yeux rieurs... Gabriel... Il ne veut pas affronter une nouvelle déception.

-Bien, alors je n'irai nulle part. Tu nous représentera au procès par ta présence, Edilyn.
-Bien sûr, père.
Elle s'incline, puis s'éloigne. Lorsqu'elle sort de la pièce, elle s'appuie un instant contre le mur, dans le couloir. Une larme roule sur sa joue.

Elle murmure pour elle-même :
-Désolé Gabriel. Mais c'est toi ou moi. J'ai choisis d'être l'héritière. Je ne prends pas de risques.

Intemporel T1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant