Intemporel T1 & 2

•Thaïs• (Chapitre 63)

Bonjour... Surpris peut être ? Un petit chapitre sur Thaïs... Bonne lecture !;)

Dire que je n'ai aucun regret serait totalement faux.

Toute ma vie n'a été qu'une longue suite sans fin d'échecs retentissants... J'ai choisis de repartir vers le camps et de laisser Gabriel continuer sans moi.

Je ne suis pas certaine d'avoir eu raison. Mais je suis sûre d'avoir fait le bon choix.

Je rame dans ma barque en tentant de retenir les larmes amères qui me montent aux yeux.

Pourquoi est-ce tout simplement si difficile d'être heureux ?

Pourquoi n'y a-t-il pas quelque part une petite pancarte avec une direction vers "le chemin du bonheur" ?

Admettez que ça nous simplifierait quand même drôlement la vie.

Je grimace toute seule dans le noir. Le jour est en train de se lever. Je suis encore assez loin du camp et j'en ai plus qu'assez de ramer.

J'avise alors un petit tertre de terre sèche envahit par les mauvaises herbes. C'est toujours un endroit ou je pourrais un peu m'étendre et tenter de me reposer car je ne m'imagine pas trop m'endormir.

Je dirige la barque vers cet espace et saute sur la petite île dès que j'y suis arrivée. Je tire alors sur la terre mon embarcation pour éviter qu'elle ne dérive au fil de l'eau, ce qui serait quand même légèrement embêtant.

Je regarde le petit royaume que je viens ainsi d'envahir. Quatre mètres de diamètre maximum mais c'est largement suffisant pour dormir. Et pas un seul être vivant.

Vu les ennuis que peuvent apporter la compagnie des êtres humains, cette soudaine solitude n'est pas forcément pour me déplaire.

Je crois que je suis en train de broyer du noir...

Pas un seul être vivant ? Qu'est ce qui remue alors sous cette grosse feuille ?

Avec un peu de méfiance, je soulève d'une main hésitante le petit rideau de verdure. Mon premier réflexe est un éclat de rire.

Un chat ?

Je deviens tout à coup plus sérieuse. Je devrais réviser mes classiques. Le petit animal que j'ai là devant moi et qui me regarde de ses grands yeux attachants n'est pas tout à fait le genre de bestiole que l'on a envie de garder chez soi.

Un bébé panthère. Charmant. Je résiste à l'envie de prendre un ton ironique pour demander : "et quand rentre maman ?"

Parce que c'est ça qui m'inquiète. De toute évidence mon île est le repère d'une panthère et de son petit.

Si le chaton -j'aime bien ce mot, c'est quelque part rassurant- ne me dérange pas, sa mère risque elle fort de me déplaire...

Je relève la tête. La voilà. Pas si loin que ça de sa progéniture...

La panthère est face à nous, deux mètre plus loin et beaucoup plus haut, perchée sur une branche d'un arbre aux racines plongées dans le marécage.

Si elle bondit, pas d'hésitation, je n'ai aucune envie de finir déchiquetée sous les crocs du fauve.

L'animal bondit. Je tire. L'homme est au sommet de la chaîne alimentaire... Pourtant, lorsque je me penche vers le fauve tombé à mes pieds, c'est une certaine tristesse qui m'envahit.

J'entends alors à ma gauche un "plouf" discret. Le petit de la panthère vient de tomber à l'eau.

Je me penche pour essayer de le rattraper mais il s'éloigne trop vite, entraîné par le faible courant.

Je le perd rapidement de vue. Avec un peu de chance, il est assez âgé pour se débrouiller seul et il s'en sortira... Je retiens alors mal un rire nerveux.

"Avec un peu de chance" ? Mais quelle importance... Ce n'est qu'un fauve de plus qui m'attaquera lui aussi s'il atteint l'âge adulte...

Je me perds dans d'étranges réflexions et sursaute toute seule lorsque j'entends tout à coup la respiration sifflante.

Avec beaucoup de précautions, je m'agenouille au niveau de la panthère couchée presque à mes pieds, fauchée au vol par l'ombre de la mort.

Elle respire. Je ne l'ai que blessée. Je maudis silencieusement ma malchance. Si j'ai toujours aimé la chasse, je déteste le moment ou l'on achève les animaux.

Ils se sont battus pour leur vie, ils ont perdu, et ils doivent regarder froidement la main de leur exécuteur s'élever sans pouvoir faire un geste pour fuir...

D'un autre côté, laisser ici cette panthère agonisante n'est tout simplement pas humain. Pas correct pour cet animal qui souffre.

Pourquoi est-ce-que je fais tant de difficultés ? Deux larmes roulent le long de mes joues tandis que je repense à mon chemin du bonheur.

Pourquoi la vie se joue t-elle ainsi de moi ? Je donnerai tout pour être heureuse un jour...

Mais trop d'espérances brisées hantent mon passé. A commencer par mon frère.

J'ai trop parlé à Gabriel. Edilyn prendra t-elle cela pour une véritable offense ?

Non, elle ne peut pas tuer Éric... Je maudis pour la millième fois mon bracelet métallique. Sans lui, j'aurais pu donner à Gabriel un message à transmettre à Aevin.

Sans lui, j'aurai depuis longtemps déjà pu m'expliquer...

Une boule amère se forme lentement dans ma gorge. Je regarde les yeux étranges du fauve qui me fixent.

Il sait. Que son sort dépend de mes mains. J'aimerai réussir à trouver des réponses à mes questions. Mais y aura-t-il un jour quelqu'un pour vouloir en écouter l'immense liste ?

Le temps passe si vite... J'allonge la main doucement.

Pas de geste brusque, surtout. J'aimerai réussir ma vie. Mes doigts effleurent la tête de la panthère qui pousse un grognement sauvage.

Mais c'est sa seule réaction. Alors, lentement, je m'enhardis. Mes doigts s'avancent et courent sur le pelage tacheté de la panthère.

Oui, c'est ça, calme-toi ma jolie...

Je lève la tête. Je viens d'entendre le premier chant d'un oiseau. Bientôt toute la forêt raisonnera de leurs cris. Le jour est complètement levé et il faut que j'y aille.

Je n'ai pas dormis. Je ne me suis pas reposée. J'ai juste contemplé en silence une panthère blessée.

Dix conseils pour perdre son temps de façon peu banale...

Je me lève. J'ai toujours mon arme à la main.

Ma barque est tout prêt. Et brusquement, je me décide. Je ne sais pas encore tous les ennuis que cette histoire va m'amener, sinon je n'aurai probablement pas pris cette décision.

Je tente de soulever le fauve. Heureusement qu'il est sérieusement atteint sinon ma vie ne vaudrait pas mieux que la sienne.

Bon sang, ça fait combien de kilos une panthère ?

Je réussis à la soulever ou à la traîner vers la barque (je suppose que c'est une question de point de vue) et je repousse à l'eau mon embarcation maintenant nettement surchargée.

J'aurai dû récupérer le chaton oui... Je n'ai jamais été vraiment douée pour voir les choses d'un point de vue pratique.

Je monte dans la barque et prends les rames. Qu'est ce que je vais faire de ce dangereux animal ?

Aucune idée, mais je l'emmène.

Quand je vous dis que je ne suis pas quelqu'un qui voit le côté pratique des choses...