•Azylis• (Chapitre 87)

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J'ai du temps devant moi. La reine m'a prévenue : repos complet pendant quelques jours...

Je m'ennuie à mourir dans cette chambre trop blanche. Je me suis légèrement décalée pour faire face à ma table de chevet.

J'aime avoir sous mes yeux les roses. Leur présence me rassure. Et me rappelle que je ne vais certainement pas prendre plusieurs jours de repos.

Pas question d'abandonner Gabriel à son sort. Il me faut juste encore quelques heures pour récupérer...

Je laisse échapper un soupir. J'ai été jugée il y a maintenant un peu plus d'une semaine...

Je tente de me concentrer. Je doute que ça reste un jour un agréable souvenirs. J'ai détesté la salle de jugement et toute l'ambiance autour.

***

Deux gardes sont venus me chercher ce matin dans la cellule que je partage avec Mahaut et Dynamite, adorable bestiole qui a dû prendre dix bons centimètres de plus récemment...

Je marche en cadence, menottes au poings, encadrée comme une dangereuse criminelle.

Aucun d'eux ne m'a adressé la moindre parole. Le premier est petit et brun, autant de cheveux que de peau, tandis que le second est grand et blond.

Deux parfaits opposés... Je suppose que c'est pour ça que je n'ai pas pu m'empêcher de me faire de telles réflexions alors que le moment est grave...

Le voyage en aéronef jusqu'à cette salle de jugement n'a pas été un bon moment. Trop de choses se bousculaient dans ma tête pour que je pense à admirer le paysage.

Nous sommes maintenant au bout d'un long couloir. Deux gardes en uniforme d'apparat, c'est en tout cas l'impression que j'ai, ouvrent les portes en grand.

J'entre, plus poussée par mes gardes que par conviction personnelle.

Le box des accusés... Sans connaître cette salle, j'en devine pourtant assez facilement les lieux et les personnes.

C'est une grande salle en hémicycle, avec pour centre le large bureau du juge. Moi, je contemple l'endroit depuis une hauteur : le box des accusés.

J'ai un peu l'impression d'être dans une loge de théâtre en fait.

Il y a beaucoup de monde. Je grimace. Je devine que mon procès doit faire la sensation de tous les journaux.

Chacun se met en place rapidement et la salle, pourtant immense, est comble. Le juge est arrivé.

Plus tout jeune mais assez charismatique. Je sens que j'ai les mains moites. Ils me fixement tous. Qu'ai-je fait de mal ? Je voudrai connaître la réponse...

Juste transgresser une loi que je ne connaissais pas...

Le silence se fait dans la salle. Tous attendent que le juge ouvre la séance.

-Nous allons aujourd'hui procéder au jugement de mademoiselle Azylis d'Alcy. Originaire de 2016. L'accusation ne possède pas plus d'éléments personnels.

Je sens encore plus de regards tournés vers moi. Je reste debout, les mains appuyées sur la rambarde. Mes gardes se sont assis.

Mais moi, je refuse de me laisser tomber sur ma chaise. Je veux me battre. Je veux leur faire comprendre.

Le juge reprend.

-Nous laissons la parole à l'accusation.

Un homme se lève aussitôt. Il était auparavant assis à droite du juge, quelque part au milieu d'autres personnes dont je ne définis pas vraiment le rôle.

-Azylis d'Alcy s'est rendue coupable de fuite et d'intrusion sur le territoire. Les échanges entre époques différentes sont formellement interdits, et elle a désobéit. Je tiens à préciser que nous ne faisons aujourd'hui qu'une petite procédure d'usage car le cas est déjà passé devant le parlement. La demoiselle ici présente est condamnée à une injection de sérum...

Un murmure parcourt la salle. Mes doigts se crispent un peu plus sur la rambarde tandis que la tristesse laisse petit à petit le pas à la colère.

Je n'attends qu'une occasion de parler pour exploser...

Le juge calme l'assistance un peu trop agitée. Ils discutent de mon cas... Comme un commentateur de matchs de football à la télévision.

C'est vraiment navrant...
Le juge reprend la parole.

-Nous allons maintenant laisser parler la défense...

Je regarde en bas, m'attendant à voir s'avancer un avocat. Un frisson glacé de rage et de colère me parcourt tout à coup quand je me rends compte qu'ils attendent tous que je prenne la parole.

Je n'ai pas d'avocat. Car, après tout, ils ont déjà jugé mon cas. J'aimerai voir le nombre de personnes qui ont réussi à s'en sortir dans des situations similaires...

Je parierai que le chiffre avoisine les zéros.

Je me redresse un peu plus et me prépare mentalement. Je commence tout doucement à perdre ma timidité. Mais ma satanée rougeur ne quitte pas mes joues.

-Je ne sais pas quoi dire. J'ai envie de vous montrer à quel point votre parodie de jugement est dérisoire. Ou sont mes avocats ? Pourquoi ai-je déjà été jugée sans pourtant être présente ?

Je suis fière de mon calme. Car intérieurement, je me sens prête à hurler. Personne ne répond. Le juge fixe le sablier sur son bureau.

Enfin, sablier, c'est le nom qui se rapproche le plus de l'étrange objet posé devant lui. Mais ce n'est pas sur ça que je veux m'attarder. Je reprends rapidement.

-Si on est logique, vous devriez me juger par rapport à des lois que je connais. On ne punit pas un enfant qui fait une erreur sans en avoir conscience. Et moi, quand je suis arrivée dans votre époque, j'ignorais tout de votre monde... Essayez ne fus-ce qu'un instant de vous mettre un peu à ma place !

Je sens que l'assistance s'agite. Je sens que mes quelques mots trouvent un écho dans leur esprit.

Je reprends courage. Après tout, j'ai peut être encore une chance. Jusqu'à ce que mes yeux se fixent sur le juge.

Il a le regard levé vers le fond de la salle. J'y dirige mes yeux pour observer ce qui peut bien le captiver autant.

Edilyn. La princesse se tient appuyée contre le mur, avec deux gardes près d'elle.

Nos regards se croisent un bref instant. Elle esquisse un sourire nonchalant.

La rage qui bouillonnait en moi trouve tout à coup une manière de s'exprimer. Je ne veux plus me défendre, je veux attaquer.

-Et de toute façon, quoi que je dise, jamais je ne m'en sortirais...! Vous n'êtes qu'un jury vendu à Edilyn ! La justice ? Vous n'en savez même plus le sens !

La foule se dresse d'un bond, les gens se bousculent, s'invectivent. Mais je sens leurs regards tournés vers moi, positifs.

Ils sont d'accord.

Je dirige mon regard vers le fond de la salle. Edilyn n'a pas bougé. Mais son sourire ressemble maintenant au rictus sauvage d'un fauve prêt à fondre sur sa proie.

Et cette proie, actuellement, c'est moi.

Je comprends alors que la princesse est loin de faire l'unanimité. Mais ce n'est peut être pas le moment de s'en préoccuper.

Je vois le juge brandir son petit marteau et calmer la salle.

-Temps de parole écoulé. Reconnue coupable.

La colère m'envahit et je m'apprête à répliquer lorsque je sens une piqure sur une épaule droite.

L'un des gardes m'enfonce une seringue. Le sérum... Je croise le regard d'Edilyn.

Alors que je sens une étrange fatigue m'envahir, j'ai juste le temps de penser qu'elle a décidément une bonne longueur d'avance sur moi.

Je n'étais de toute évidence pas faite pour la politique.

Intemporel T1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant