Azylis (Chapitre 140)

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Je n'ai pas l'habitude d'abandonner en cours de route... Cette fois-ci, nous avons changé notre lieu de prédilection avec Gabriel.

Il fait un temps superbe et le soleil réchauffe agréablement l'ensemble des jardins. Nous avons privilégié l'une des multiples terrasses et nous nous sommes installés dans ce qui s'apparenterait le plus à un bon vieux transat de chez nous.

En fait, ce sont des fauteuils blanc, terriblement confortables, et qui flottent à quelques centimètres au-dessus du sol grâce à un mécanisme que Gabriel m'a expliqué en détail mais dont je n'ai pas compris le quart de son explication.

Je soupire de joie en regardant les jardins à nos pieds, le soleil, ainsi que la terrasse ou nous nous trouvons. J'ai juste l'impression d'être toujours en vacances, dans un endroit fantastique, à côté de la personne que j'aime le plus au monde.

Ce palais est une vraie mine d'or et il doit y avoir au moins trois ou quatre penderies extrêmement bien garnies... J'ai enfilé aujourd'hui une nouvelle tenue composée donc d'une robe entièrement bleue marine, cintrée avec une large jupe. Une ceinture bleue pâle et des chaussures à légers talons complètent ce tableau.

Je me tourne vers Gabriel.

-Tu ne m'as pas raconté ce que tu as fait, une fois arrivé en 2016 et quand tu t'es aperçu que ta machine était bloquée et que tu te trouvais en plein milieu de la forêt ?

-Dis donc, tu n'abandonnes jamais toi... Mais si, je te l'ai déjà dit en partie...

Je fronce les sourcils. Il a parlé de la Tour Eiffel et d'un point à visualiser pour transplaner. J'esquisse un sourire amusé.

-Tu t'es servi du seul bâtiment que tu connaissais... Tu as visualisé la Tour Eiffel et la clef de ton aéronef, le bâtonnet, t'y a conduit, c'est bien ça ?

Gabriel, habillée d'une tenue tout à fait vingt-huitième siècle, hausse les épaules avec un sourire.

-C'est exactement ce que j'ai fait... Et je me suis trouvé en plein centre de la capitale parisienne. Tu n'imagines pas le choc ! Je ne m'étais jamais sentis aussi dépaysé...

Je suis enchantée qu'il accepte enfin de parler un peu de tout ça... J'ai le sentiment de parvenir à mieux le connaître ainsi. Des milliers de questions me montent immédiatement aux lèvres, toutes plus folles les unes que les autres.

-Qu'est ce qui t'a le plus étonné ?

Il me désigne le parc du doigt.

-La végétation et le manque d'espaces verts bien sûr... Tu as vu Ivy ?

J'acquiesce, me rappelant ma stupéfaction à la vue de cette ville trop surprenante à mes yeux de terrienne du vingt et unième siècle...

-Oui, des tours de verre, mais énormément d'arbres gigantesques... Votre ville est faite de routes qui circulent en l'air autour d'arbres dont je ne soupçonnais même pas l'existence, des bouts de forêt je dirais de style tropicale partout et des tours de verres qui se dressent au milieu de ce curieux ensemble... Je crois que je peux effectivement comprendre que Paris t'ait étonné.

Nous éclatons tous deux de rire. Il redevient rapidement sérieux même s'il ne cesse pas pour autant de sourire.

-Oui, mais paradoxalement, c'est là que j'étais le plus proche de chez moi... Géographiquement, Astra se situe à la place de l'ancienne France.

Je serre les dents et tourne la tête. Je n'ai pas envie de lui montrer à quel point ces quelques mots me font mal. Je ne veux pas imaginer un futur ou mon pays n'existerait plus... L'idée me déplaît profondément. J'inspire et me calme rapidement. C'est d'une voix parfaitement neutre que je demande :

-Et comment as-tu fait pour te procurer un appartement et tout le reste ?

Il esquisse un sourire.

-Ce fut relativement facile. Toute la question était en fait de se procurer de l'argent... Mon ordinateur de bord, dans ma machine spatio-temporelle, contenait encore toute la banque de données de mon époque. Je n'ai eu qu'à rechercher les numéros gagnants de quelques petites loteries sans envergures pour ne pas trop attirer l'attention ou les derniers résultats de la bourse... Je me suis ainsi fait de petites économies et de quoi vivre décemment.

Il fait une légère pause mais je n'interviens pas, devinant qu'il va poursuivre. Il continue en effet.

-Après, le pire, ça été de me réadapter à tous vos moyens de vie et de transports... Mais ça s'est fait relativement vite. Le plus dur, en fait, c'était le mal du pays. Tout me manquait là bas... Et je m'ennuyais à mourir. Que faire quand paradoxalement, on a strictement rien à faire dans une époque ? J'étais légèrement déprimé et je me suis alors arrangé pour gagner la loterie ou il y avait cette croisière à la clef... C'est là que nous nous sommes rencontrés.

Je souris à l'évocation de ce souvenirs et me tourne vers lui, avec dans les yeux une demande de continuer son discours.

-Et ?...

Il sourit à son tour et paraît s'amuser.

-J'ai pris conscience de plusieurs choses. D'abord, en te rencontrant, que tout n'était pas perdu. Je pouvais encore être heureux, il suffisait que je me fasse des amis, que je rencontre des gens et que j'évite la solitude. Ensuite, j'ai réalisé que si effectivement je n'avais pas besoin d'étudier, j'avais encore beaucoup à apprendre. Lorsque tu m'as parlé de l'Asie, je ne savais même pas de quoi tu parlais ! Depuis des mois que j'étais arrivé ici, je n'avais fais que le moins de chose possibles...

Il fait une pause puis continue avec un sourire unique.

-Alors, pour pallier à ma solitude et à mon manque de culture, j'ai voulu m'inscrire à l'université. Et tant qu'à faire, j'ai choisis celle ou tu te trouvais... Voilà, je crois que c'est à peu près tout... Je n'avais jamais été considéré par les autres comme quelqu'un de "normal". J'étais le prince. Être juste moi même pour une fois m'a donné la meilleure leçon de ma vie et m'a ouvert d'autres horizons...

Il semble soudain plus triste, avec une colère qui apparaît soudainement dans ses yeux clairs.

-Et puis, la suite, tu la connais. Les gens de mon époque m'ont retrouvé... Ils n'avaient jamais cessé de me chercher.

J'acquiesce lentement lorsque mes yeux sont soudain gênés par quelque chose. Un reflet... Je fixe le parc et pousse soudain un cri. Je bascule de ma chaise et entraîne brutalement Gabriel vers le sol.

-Et, Azylis qu'est ce que tu...?

Il n'a pas le temps de poursuivre. Deux balles ricochent sur le mur, à quelques centimètres derrière nous. Une sueur glacée me coule dans le cou.

On dirait que le tueur à mes trousses m'a retrouvée...

Intemporel T1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant