Je ne dois plus être dans la portée de tir du garde car les balles ont cessés de siffler à mes oreilles et je peux légèrement ralentir le rythme. Bir-Hakeim continue de courir, se calant sur ma vitesse.
La rue que je traverse est absolument déserte, et pour cause ! Elle est entièrement ravagée par des éclats de vitres brisées, et un arbre gigantesque s'est écroulé sur l'une des tours.
Je contemple le passage complètement bouché avec une légère pause au milieu de ma course.
-Bir-Hakeim, je crois qu'on a pas le choix, on va devoir faire le tour...
Comme si elle pouvait me comprendre... Ma panthère se contente de grogner contre le feu qui dévore tout. Je crois qu'elle préfère nettement la forêt à ce petit aperçut d'une ville en guerre... Ça me fait du bien de résumer à voix haute mes réflexions.
-Allez, dépêche-toi !
Et je me remet à courir, prenant à droite une grande rue encombrée d'une foule hurlante. Comme par magie, la présence de Bir-Hakeim à mes côtés m'ouvre sans difficultés un passage.
Je cours et traverse ainsi plusieurs rues avant de revenir à celle ou je n'avais pas pu entrer.
Mais je suis maintenant à l'arrière de la rue et je peux m'avancer un peu.
J'observe attentivement la première tour. Elle est entièrement blanche et légèrement bleutée par endroit, vitrifiée, et haute de plus de cinq-cent étages...
Ma maison. La première fois ou j'ai eu un petit appartement bien à moi et ou j'ai rêvé d'y habiter avec Eric... Mon adorable petit frère. Il me manque.
Je passe une main autour de mon coup et en sort une petite chaîne ou pend une carte magnétique au bout. Nostalgie ? J'ai en tout cas toujours pensé que ça pourrait de nouveau m'être utile un jour.
Il semble que ce soit aujourd'hui le cas.
Je retire la chaîne de mon cou et grimpe rapidement les escaliers jusqu'à la première porte permettant d'entrer à l'intérieur.
Elle a volé en éclats et ne me pause du coup aucun problèmes. Dans le hall, toujours suivie de ma redoutable panthère, je me rue vers les portes intérieures.
C'est le cruel moment de vérité.
Je passe la carte magnétique devant les détecteurs et attends avec anxiété que quelques secondes s'écoulent. Les portes coulissent et je ne m'attarde pas si ce n'est pour pousser un léger soupir de soulagement.
Il faut que j'aille jusqu'au dernier étage de la tour pour trouver les aéronefs et la piste de lancement...
Je me rue vers l'ascenseur et passe la carte devant un nouveau détecteur magnétique. Les portes de l'appareil s'ouvre et j'entre rapidement avant de laisser les portes se refermer en ayant auparavant laissé à Bir-Hakeim le temps de me rejoindre.
Je contemple l'écran et m'aperçoit alors que l'appareil ne fonctionne que...jusqu'au deux cent cinquantième étage. Au delà, toute l'énergie semble avoir était coupée.
Je peste en silence et appuie sur la touche démarrage.
L'ascenseur commence son ascension ultra-rapide et je me crispe. Le deux cent cinquantième étage...
Il n'y a pas de réels hasards dans la vie... Me voilà au point de départ. Lorsque je descends de l'ascenseur avec ma panthère, je reste une demi-seconde immobile face à l'appartement numéro trois. Une étiquette abîmée par le temps ne permet de lire que mon prénom "Thaïs..."
J'avais acheté cet appartement. Il m'appartient toujours. Je résiste à la terrible envie d'entrer et me dirige en courant vers l'escalier de secours. Deux-cent-cinquante etages à monter le plus vite possible... Même Bir-Hakeim aura du mal à soutenir un pareil rythme.
J'évite de réfléchir et de faire des mathématiques sur mes chances d'arriver en haut dans un délai correct et commence ma rapide ascension.
Les étages défilent devant mes yeux sans que je cherche à regarder les numéros. Les marches posent des problèmes à ma panthère qui me suit pourtant courageusement tandis que je continue de cavaler dans les escaliers, trouvant en moi des ressources que je croyais inexistantes.
Maintenant que j'ai un but, je suis prête à tout pour l'atteindre. Edilyn m'a volé la plus belle partie de ma vie. Je vais lui prendre sa victoire.
Les mots que je viens de penser me pénètrent et je me rends compte à quel point je les pense.
Cette idée me redonne un regain de courage et je recommence à escalader marche après marche, consciente que le temps continue inexorablement de tourner.
Plus que cents étages... Dis comme ça, il y a de quoi s'évanouir. Je continue pourtant, toujours suivie de Bir-Hakeim qui semble bien décidée à ne surtout pas me lâcher.
Et brusquement, je reconnais les appartements plus petits, la forme assez typique d'une haute tour de chez nous.
Je m'adosse au mur quelques secondes et contemple d'un regard brouillé d'un voile de fatigue l'écran au mur.
"Garage aéronef-veuillez passer votre carte devant les détecteurs"
Je me force à me relever même si c'est sacrément difficile et m'avance vers la porte avant de passer ma carte devant le détecteur.
L'ouverture s'ouvre aussitôt pour me permettre de m'avancer et je reconnais aussitôt le grand hangars que j'ai toujours connu.
Il doit sa grande taille a une étrange particularité : il sert à deux tours.
En fait, deux bâtiments sont reliés en hauteur par un gigantesque couloir dans lequel sont entreposer tous les aéronefs. La plupart ont d'ailleurs disparus, signe que beaucoup des propriétaires ont quittés les lieus.
Si rien n'a changé le mien devrait être... Oui, il y est.
Je contemple avec quelques inquiétude le petit engin deux places, couvert de poussière. Il est à l'origine d'un bleu vif éclatant mais on dirait que le passage des années ne l'a pas laissé intact.
Je m'avance et passe ma carte devant l'un des détecteurs fixés à la carlingue. Pourvu que ça marche encore...
Oui, la porte coulisse aussitôt malgré un horrible grincement dû au manque d'utilisation récente. En plus, ce n'était déjà pas un modèle récent pour l'époque alors maintenant...
Je grimpe pourtant sur le siège avant et fais signe à ma panthère de sauter à côtés de moi.
Elle ne paraît pas tout à fait convaincue de toute évidence.
-Allez Bir-Hakeim, tu ne vas quand même pas rester là après tout ce que tu viens d'endurer pour me suivre ?
J'ignore si c'est le ton de ma voix ou mon geste qui l'a convaincue mais elle finit par sauter sur le second siège pour me rejoindre.
Je referme les portes et maudit sincèrement le fait qu'il soit totalement dépourvu de plafond. C'est un modèle décapotable sans possibilités de se couvrir...
Or, aujourd'hui, j'aurai bien aimé avoir une quelconque protection contre les balles et tout le reste.
Je soupire et actionne lentement un vieux levier qui me résiste quelques minutes.
Je passe ma carte devant un détecteur au sol et murmure à haute et intelligible voix :
-Standard numéro 286 demande à décoller...
Pourvu que ça marche encore, pourvue que... Oui ! On dirait bien que l'énergie a été épargnée dans cette partie de la tour et que ça fonctionne encore...!
Le plafond au dessus de nous se met lentement à coulisser pour ménager une grande ouverture dans le toit.
Paré au décollage...
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Intemporel T1 & 2
Science FictionLorsque Gabriel disparaît de façon soudaine de sa vie, Azylis se lance à la recherche de réponses. Mais ce qu'elle va découvrir dépassera de beaucoup tout ce qu'elle avait pu imaginer... Et le temps, impitoyable, s'égrène à une vitesse délirante. Ca...