Intemporel T1 & 2

•Azylis• (Chapitre 104)

Je suis assise sur les gradins. J'attends que le spectacle commence. Je repense à mon dragon. Il a beaucoup changé.

C'est étrange de quitter un enfant pour retrouver un adulte... Je n'arrive pas à croire que cela soit vrai. Je suis également stupéfaite d'apprendre que je suis maintenant liée pour toujours à mon dragon par les lois d'Astra.

Enfin, si je n'en veux plus, j'ai le droit de le tuer... Qui agirait ainsi exactement ? Cette loi me révolte autant que la situation des robots.

Mon cœur se serre dans ma poitrine. Qu'est devenue Mahaut exactement ?

Je me lève avec la foule dans les tribunes lorsque je vois les deux dragons prendre leur envol.

Le sol est électrifié... Mort au perdant. Qu'est ce que j'espère exactement ? Que se soit Gabriel qui gagne ? Mais comment pourrais-je ensuite le revoir en sachant qu'il doit la vie à quelqu'un d'autre ?

Je baisse les yeux. L'atmosphère est incroyable. Je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi tous ces gens sont venus assister au spectacle.

S'ils sont réellement pour Gabriel comme me l'a dit la reine, pourquoi viennent-ils assister à sa mort possible ?

Peut être pour la même raison que moi au fond... Dans l'espoir de pouvoir faire quelque chose. Cela me paraît terriblement illusoire maintenant que je suis au milieu de la foule à regarder avec une horreur grandissante les dragons qui cerclent au dessus de la piste.

Je lève la tête et fixe des yeux la loge royale qui me fait face. Quelque part dans ce petit espace, une mère et un père craignent pour la vie de leur fils...

Et il y a aussi Edilyn...

Un lourd silence plane sur l'assemblée. Nous avons tous compris quelque chose qui nous remue le cœur au plus profond de nous-même.

Aucun des deux adversaires ne veut vivre au dépend de la vie de l'autre. On dirait qu'ils essaient chacun de convaincre l'autre d'accepter leur sacrifice...

Sur le dragon rouge, Gabriel a plutôt fière allure, même si je ne peux m'empêcher de sourire en songeant que Dynamite est nettement plus beau, en tout cas dans mon esprit. (Par rapport au dragon bien sûr !)

Cette idée me fait rire... Je ne connais pas ces gens. Je n'ai au fond strictement aucune idée de leur mode de vie.

Mais j'ai cru deviner quelque chose à travers les éléments de mon quotidien qui m'ont frappés. Dans leur mentalité à tous, il n'y a plus de place pour des valeurs.

Aiment-ils vraiment leur pays ? Ou seulement le confort et la paix qu'ils y trouvent ?

Qu'y a-t-il de plus intéressant pour eux que leurs propres désirs ? J'ai au fond l'impression que ce n'est plus qu'une civilisation de gens égoïstes.

Peut-on vraiment être heureux ainsi ? Si un jour ils devaient se battre, ils n'auraient même pas de devise à mettre sur leurs drapeaux. Ils ne sauraient pas ce qu'ils défendent.

Pour aimer un pays, il faut pouvoir répondre à une question. Qu'est ce qu'il représente pour vous ?

Et j'ai l'impression que la plupart des habitants d'Astra ne sauraient pas répondre...

Pourtant, là, face à ces deux jeunes gens qui refusent de sacrifier une vie, chacun se remet en question.

J'aperçois à ma droite une femme d'aspect sévère dont le visage s'éclaire d'un sourire.

Elle se tourne vers une jeune fille à ses côtés. Je ne peux que deviner mais je jurerai que c'est sa fille. Elle lui murmure quelques mots à l'oreille et la jeune fille se met à sourire avec une véritable joie qui fait chaud au cœur.

Que lui a-t-elle dit ? Je ne le saurai probablement jamais mais je sais que c'était quelque chose destiné à la rendre heureuse...

Dans la foule, j'assiste silencieusement à ce retournement de situation. Chacun se tourne vers ceux qui comptent pour lui dire quelques mots.

Et l'atmosphère change radicalement. Quelle que soit l'issue de ce combat, il aura apporté quelque chose d'unique dans les cœurs...

Je baisse la tête. Celui que j'aimerai avoir devant moi pour lui parler, il est là-haut, sur son dragon...

Je relève la tête pour tenter d'apercevoir plus distinctement Marguerite. Je serais presque jalouse...

Je secoue la tête et tente de me reprendre moi-même. Mais ce n'est pas si facile de lutter contre ce sentiment aussi ridicule qu'illusoire.

J'y parviens pourtant et c'est avec un sourire détendu que je peux maintenant tenter de voir Marguerite.

Je n'aperçois qu'une silhouette terriblement menue et entièrement habillée de noire.

J'entends alors un remous dans la foule. De la colère... Je suis le mouvement général et mes yeux se fixent sur la loge royale.

Edilyn s'approche du micro... Que va t-elle dire ? La situation devient intenable... Mais quels moyens a-t-elle pour les obliger à combattre ?

Je la fixe avec une crainte grandissante au cœur. Pourtant, je sens la stupéfaction m'envahir au fur et à mesure que ses paroles pénètrent en moi.

Elle va gracier Gabriel et Marguerite...

Libre... Il est libre ! Est-il possible de s'évanouir de joie ? Est-il possible d'avoir la sensation que vous ne pourrez jamais atteindre une telle félicité intérieure un autre jour ?

Il n'aura plus jamais besoin de fuir...

Les applaudissement commencent alors doucement dans la foule, presque avec hésitation, avant de reprendre avec force.

Je suis tellement heureuse et prête à tout pardonner... Je me joins avec une joie immense au mouvement général.

Je tape dans mes mains. Et lorsque l'on commence à scander le prénom de la princesse, je n'hésite pas une seconde.

Dans la loge, je la vois rester immobile et silencieuse face à cette foule dont je fais partie qui l'acclame.

Je parie que pour la première fois de sa vie, elle ne doit pas savoir comment réagir...

Je lève les yeux vers le ciel. Gabriel échange un regard avec Marguerite. Son sourire semble aller d'une oreille à l'autre...

Et moi, je suis enchantée. Je sais ou je vais pouvoir enfin le retrouver, pour toujours je l'espère...

Chez Marguerite. Donc chez Aevin... Et j'ai heureusement la chance de bien connaître la maison maintenant...

Parce que ce n'étais pas forcément gagné d'avance avec mon sens de l'orientation...hum...inné !