Intemporel T1 & 2

•Azylis• (Chapitre 115)

Je suis toujours assise entre les pattes de mon dragon sur la terrasse de verre circulaire.

J'espère que la reine arrivera rapidement dans son appartement pour nous ouvrir la porte... En tout cas avant que quelqu'un remarque notre curieux stationnement.

Je relève la tête vers Gabriel, lui aussi est plus ou moins assis sur le sol.

-Je voudrais te parler...

-J'avais cru comprendre... Mais moi aussi.

Je souris, vaguement amusé au fond de moi-même de cette conversation un peu décousue.

-Je déteste ne pas savoir ou je vais... Et je n'en ai actuellement aucune idée...

Gabriel me sourit et je ne peux m'empêcher d'avoir la curieuse sensation que la totalité de mes craintes deviennent totalement inutiles et ridicules. Je me sens heureuse et je n'ai pas vraiment envie de m'appesantir sur autre chose. Je me secoue pourtant pour écouter sa réponse qui ne tarde guère.

-On en a déjà discuté... On essaie de parler à ma mère pour trouver un moyen de récupérer Mahaut et de rouvrir les portes spatio-temporelles.

Je soupire. Je suis naturellement plutôt franche mais il n'y a rien de pire que sentir que l'on n'ose pas parler. Je possède un niveau de timidité relativement plus élevé que la moyenne...

-Ce n'est pas de cette incertitude-ci dont je parlais...

Il me fixe des yeux, et je ne peux m'empêcher de penser une fois de plus que je rêverai de pouvoir lire dans les pensées des autres.

-Quelle incertitude alors ?

Je me jette à l'eau avec un léger sourire.

-Je t'aime. Et j'ai eu l'immense joie de découvrir il y a peu que c'était réciproque... Mais à quoi est-ce-que tout cela nous mènera t-il ? C'est ça qui m'inquiète...

Gabriel esquisse un fin sourire plus pour lui-même que pour moi, ce qui m'amuse. Il prend quelques secondes avant de me répondre.

-Je me suis posé exactement les mêmes questions. Et j'en ai tiré une réponse certaine. Je ne veux pas que la vie nous sépare... Et je ne suis pas vraiment sûr que nous ayons le temps d'y repenser dans les jours à venir. Et toi, y as-tu réfléchi ?

Je songe avec un léger sourire que j'aimerai bien pouvoir esquiver la question. Mais je décide d'y répondre avec autant de franchise qu'il y a mît lui.

-J'y ai effectivement réfléchi. Et j'en suis arrivée aux mêmes conclusions que toi... Avec cependant une proposition.

-Je t'écoute.

-J'ignore ce qui va se passer dans les semaines à venir. Mais je doute que ce soit de tout repos... Nous aurons l'un et l'autre besoin de toute notre tête, et pas forcément de nous poser tout un tas de questions superficielles vu la situation. Nous pourrions même être une fois de plus séparés...

Ma voix se brise sur les dernière paroles et je sens d'ici sa terrible inquiétude.

-Je ne comprends pas trop où tu veux en venir... Précise ta pensée !

J'acquiesce en avalant péniblement ma salive. Même à moi, ma proposition me déplaît profondément. Je relève pourtant la tête pour fixer résolument mes yeux dans les siens.

-Je suggère que nous ne parlions plus de cette histoire d'amour. En tout cas, pas avant d'être capable de la vivre... Et de la rendre merveilleuse.

J'ai un peu peur de sa réaction et je tends presque malgré moi et instinctivement la main vers lui. Il me la serre avec un sourire triste.

-Je déteste quand tu te met à avoir des idées beaucoup trop censées...

-Et moi donc...

Je tente un sourire piteux qui ressemble j'en suis certaine plus à une grimace. Mais malgré tout, je suis certaine d'avoir raison.

Comment pourrons nous fuir ou nous battre si nous avons l'esprit occupé par autre chose ? Je soupire pour moi-même. De toute façon, Gabriel occupe déjà toutes mes pensées.

Mais c'est justement parce que je veux que nous soyons heureux que je lui fait cette proposition. Il se tourne alors un peu plus vers moi, le regard grave.

-J'accepte ta proposition. Mais à une condition. Que tu acceptes la mienne.

-Et qu'est ce que c'est ?

Je sens malgré moi la curiosité m'envahir. Il le remarque et ses yeux se remettent à pétiller de cette jolie lueur que j'apprécie tant.

-Disons que je n'ai pas de bague à t'offrir, mais que dès que nous serons dans ton époque, je compte bien te demander en mariage...

Et il m'annonce ça comme ça, sur une plateforme de verre, entre les pattes d'un dragon qui ne peut s'empêcher d'espionner mes pensées et de rire, alors que si je baisse la tête, j'aurai immédiatement le vertige ?

Je souris pourtant. Nos regards se croisent. Et je sais que ce jour restera comme l'un des plus beau de ma vie, en attendant la véritable demande en mariage. Ça m'aidera à supporter cette amitié que nous allons afficher dans les jours à venir.

-Comment as tu pu avoir le moindre doute quant à ma réponse ?

Au pétillement rieur de ses yeux, je sens qu'il va se remettre à plaisanter et ne peux d'avance m'empêcher de sourire un peu plus.

-Alors c'est non c'est ça ?

Je cherche quelque chose à lui balancer à la figure mais ne trouve rien sous ma main. Je me contente de prendre une voix faussement vexée.

-Disons que ça risque de l'être maintenant... Mais non, j'accepte ta condition !

Nous sourions tous les deux avant qu'il ne reprenne son discours.

-Donc si je récapitule, nous laissons tomber notre magnifique histoire tant que nous sommes en danger -l'idée même paraît plutôt raisonnable et je reste franchement étonné que ce ne soit pas moi qui ai dû la proposer- et tu acceptes en avance une demande en mariage que je promet (sauf inconvénient majeur : ma mort soudaine par exemple) de te faire. Tout y est ?

Nous éclatons de rire en même temps et échangeons un regard bien plus sérieux ou toutes nos émotions s'affichent l'espace d'un instant. J'aimerais que ce moment dure une éternité...

-Azylis ?

Je ne peux m'empêcher de grimacer en entendant la voix de Dynamite résonner dans mon esprit. Je voulais continuer de savourer la joie de l'instant présent...

Je réponds à haute voix en me tournant vers lui de manière à ce que Gabriel puisse suivre au moins la moitié de la conversation.

-Oui ?

-Il y a quelqu'un dans l'appartement.