•Thaïs• (Chapitre 109)

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J'observe sans un mot Sarah qui s'avance. J'ignore ce qu'elle va nous dire. Mais en tout cas, elle risque avec une pareille attitude de s'attirer le mépris de beaucoup.

Elle nous dévisage tous avec un mépris clairement affiché sur ses traits. A moins que cela ne soit qu'une défense ? Une façon de ne pas montrer ses véritables sentiments ?

Elle demande très sèchement au commandant de s'éloigner de quelques pas.

-C'est moi qui parle non ? Alors laissez-nous un peu d'espace vital !

Je l'admire malgré moi. Je doute d'avoir un jour le cran nécessaire pour provoquer ainsi le commandant bien que je le déteste profondément.

Ma main vient frotter mécaniquement mon bracelet. J'ai de plus une conscience aiguë de certains détails à ne pas oublier. Je ne dois pas déplaire à Edilyn...

Sarah se campe bien droite sur ses pieds et croise fermement les bras avant de prendre la parole d'une voix forte.

-J'ai déjà raconté aux membres de la section le début de mon histoire... Mon père m'élevait depuis mes sept ans tout seul. Il n'était pas vraiment doué avec les enfant mais il possédait la plus belle qualité du monde : il m'aimait sincèrement.

Elle fait une légère pause avant de se tourner plus particulièrement vers nous.

-Il travaillait dans la réinsertion d'espèces disparues dans leur milieux naturels... Quitte même parfois à recréer leur écosystème. C'était un travail qui me passionnait littéralement... Un peu trop à mon goût d'enfant jalouse.

Elle ferme les yeux quelques instants et je ne peux m'empêcher de ressentir de la colère contre ceux qui l'obligent à cette confession publique.

Même si... Je suis malgré moi toujours aussi curieuse de l'entendre.

Sarah croise maintenant les mains dans son dos sans se départir le moins du monde de son calme plus qu'étonnant.

-... En conclusion, mon père est aujourd'hui à l'hôpital et j'ignore totalement ce qu'il est devenu. Mais je suppose que ces messieurs le savent...

Jolie attaque. Mais je suis étonnée. Car nous n'avons strictement rien appris de plus que ce qu'elle nous avait déjà raconté.

Le commandant regarde alors ses ongles d'un air profondément affecté avant de brusquement relever la tête avec un dangereux sourire.

Pour la première fois, Sarah semble perdre un peu de son calme. Le commandant demande d'une voix doucereuse.

-Parfaitement. Tu es partie à douze ans, c'est ça ? Qu'as tu fait entre temps ? Je dois continuer...?

Elle rougit mais ne baisse pas la tête.

-Ce n'est pas la peine. Je peux m'en charger moi-même vous savez. J'étais voleuse ou mendiante à temps partiel. Ça vous va comme description ?

J'ai mal pour elle car je suis maintenant certaine que sa colère cache sa détresse. Je ne peux m'empêcher de prendre la parole.

-Ça nous va très bien, tu n'as absolument pas besoin de nous détailler plus ta vie...

C'est maintenant mon tour d'affronter le regard du commandant. Je songe fugitivement que j'adorerais être assise dans un fauteuil, un bon livre à la main, en train de rêver et non de vivre l'aventure.

J'ai toujours un peu l'impression de subir les événements. Car après tout, rien ne se passe jamais exactement comme j'en ai rêvé...

Mais le commandant me toise de la tête aux pieds.

-Vous intervenez encore dans la discussion quand cela ne vous regarde aucunement...

Je tâche de garder un minimum de calme. Me mettre à dos le commandant n'est pas vraiment un but mais je semble être vraiment naturellement douée pour m'attirer tous les ennuis possibles et imaginables...

-Et vous, vous semblez vouloir inutilement mettre les autres mal à l'aise.

Il esquisse un froid sourire qui me met malgré moi extrêmement mal à l'aise. Sarah regagne pourtant notre rangée et le commandant ne dit rien de plus.

Le commandant finit cependant par reprendre la parole.

-Demain commencera la seconde épreuve. Mais pour cette fin de journée, je souhaite, ou plutôt j'ordonne que vous vous exerciez aux armes à feu.

Je crispe les lèvres et tente une fois de plus d'adopter une attitude calme. Je ne veux pas que l'on fasse de nous une armée. Pourtant, c'est le but.

Toute cette splendide organisation n'est pas déployée pour rien...

Le commandant nous signifie d'un geste la fin du rassemblement et nous nous séparons très vite en plusieurs petits groupes.

Nous entendons assez bien avec les membres de la section trois. Nous nous retrouvons donc avec quelques sourires et nous nous installons dans un petit coin de la clairière.

Les cibles sont organisées en un temps record et je regarde avec un soupir désabusé les boîtes de cartouche circuler de mains en mains.

La clairière retentit bientôt des milliers de détonations des pistolets.

Je reste immobile derrière les membres de mon équipe qui s'exercent avec un réel plaisir pour la plupart.

De toute évidence, je dois être la seule a me soucier des suites éventuelles.

J'entends alors Guy s'exclamer à mes côtés.

-Attention ! Ah non, ça va, ouf...

Je souris intérieurement pour moi-même.

-Tu as peur des armes ?

Guy se retourne vers moi et rougis légèrement.

-Oui, surtout quand je les vois maniées avec aussi peu de précaution. Et puis, je préfère éviter de voir mes amis s'entretuer.

-Espérons que nous n'en sommes pas encore là !

Il sourit mais je sens qu'il reste sur ses gardes. La situation m'amuse même si je ressens exactement la même chose. Je déteste les exercices de tir.

Je pousse alors un léger cri de joie. Sortie d'on ne sait où, Bir-Hakeim se frottait dans mes jambes à la manière d'un gros chat.

J'ai de plus en plus de mal à ne pas oublier que c'est aussi un fauve dangereux. Je me baisse et la gratouille derrière les oreilles tandis que Guy la contemple d'un air admiratif.

Mais Sarah m'interpelle, interrompant mon petit moment de plaisir.

-Tu ne viens pas t'entrainer ?

Je secoue la tête de gauche à droite et lui adresse un léger sourire d'excuse. Mais elle ne se contente pas de cette dénégation et vient vers nous.

Elle nous fixe maintenant, fermement campée sur ses jambes à un mètre de nous.

-Vous savez, savoir manier une arme peut toujours s'avérer utile...

Je garde prudemment mes doutes pour moi. Guy se contente d'acquiescer.

-Je sais, mais je n'ai pas besoin de leçons.

Devant l'air légèrement dubitatif de Sarah, il prend l'arme qu'elle lui tend et vise la cible.

La détonation me vrille les oreilles et je me retiens difficilement de porter les mains un peu trop tard en faible protection contre le bruit à mes oreilles.

Quelqu'un près de la cible s'écrie alors :

-Magnifique ! Première personne à avoir mis dans le mille ! Bravo !

Intemporel T1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant