•Gabriel• (Chapitre 75)

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J'ai peur. Mes yeux cherchent ceux d'Azylis. J'aimerai qu'elle sourit à l'instant et dise quelque chose comme : "ce n'est pas grave, c'est le passé..."

Mais je la connais trop bien pour savoir que jamais elle ne dira une chose pareille.

Je ne lis dans ses yeux aucune promesse. Juste un profond doute qui m'engloutit un peu plus. Elle me répond d'une voix hésitante.

-Oui... Je suis au courant pour Sady. Mais je ne suis pas certaine de pouvoir actuellement te pardonner...

Je me crispe malgré moi. J'ai l'impression que la seule mention de ce nom a suffit à nous éloigner l'un de l'autre... Je ne veux pas perdre Azylis. Elle poursuit sans me regarder.

-A moins que tu aies une raison que tu n'as jamais dite ?

Tant d'idées surgissent alors dans mon esprit. C'est si simple de mentir. De se faire croire à soi-même qu'on est pas aussi coupable que ce que les autres semblent croire... Mais c'est trop facile.

-Non, Azylis. Il n'y a pas d'autres raisons.

Elle se tait et fixe résolument l'écran de bord, décidée semble t-il à ne pas me regarder. Je suis blessé par son attitude, alors que je savais bien pourtant qu'elle réagirait ainsi...

Alors, tremblant, n'ayant plus grand chose à perdre, j'avance mon doigt vers la touche "départ".

Nous retenons tous notre souffle. J'appuie. Une lueur rouge envahit l'appareil...

La voix d'Ady, avec un bref accent paniqué, résonne à mes oreilles.

-Ils ont fermé les portes !

Azylis se retourne d'un bond vers moi :

-Ça veut dire quoi ça ?

Je panique. Je ne sais pas comment trouver une solution. Tout m'échappe...

-Que les portes spatio-temporelles sont fermées... En clair, l'appareil ne peut pas démarrer. C'est une histoire de spirales et de vortex dont les commandes se trouvent...

-D'accord, je n'ai strictement rien compris mais je crois avoir saisi le principal. On est bloqué à cette époque...

Elle ferme les yeux pour me cacher son désarroi et sa panique. J'éprouve exactement la même chose.

Mais je ne peux pas attendre là, bras croisés, que les gardes nous retrouvent. Je défais les sangles qui me retenaient et Azylis fait de même. Mahaut suit le mouvement.

Ady prend la parole.
Tiens, c'est amusant, mais je me suis déjà habitué à l'appeler par ce drôle de prénom...

-Attention, j'ai mis en route les détecteurs longue distance et je peux vous avertir que les gardes se rapprochent rapidement de nous...

-Ok, merci. Ouverture de la porte s'il te plaît.

La porte coulisse et Azylis sort d'un bond. Elle semble avoir reprit ses esprits et je peux voir ses lèvres serrées et son petit air décidé.

Mahaut sort elle aussi de la machine et je les suis en jetant une dernière recommandation à Ady au passage.

-N'oublie pas de rendre invisible la machine !

Elle ne répond pas mais dès que j'ai les pieds dehors et que nous nous sommes éloignés de quelques mètres, mon aéronef se met à tourner sur lui-même avant de totalement disparaître.

Azylis me regarde fixement avant de demander :

-On fait quoi maintenant ?

Je prends deux secondes pour réfléchir. Nous sommes trois, si je compte le robot, perdus au milieu de la forêt et il fait nuit.

Et nous sommes coincés dans mon époque...
Je laisse échapper un juron. Il y a normalement une loi qui interdit de fermer les portes spatio-temporelle... C'est trop dangereux.

Je devine avec colère que ma sœur est encore intervenue. Elle m'en veut décidément. Mais là, il n'y a pas que moi qu'elle met sottement en danger...

-Il faut qu'on réactive les portes...

Azylis me fixe d'un regard indéfinissable.

-Et on fait comment ?

-Les postes de commande sont à Ivy...

Elle grimace un triste sourire.

-La capitale ?

-C'est ça...

-C'est mort...

Je garde un prudent silence. Nous ne pouvons pas rester là... Il nous faut un plan. Nous devons réussir à réactiver ces maudites portes...

-Écoutes, voilà ce qu'on va faire. Tu pourrais arriver à retrouver Aevin ?

-Sûrement...

-Bon, alors c'est parfait. Les commandes se trouvent dans un bâtiment qu'il connaît bien et où il pourra facilement entrer... Tu n'as besoin que de quelques minutes pour réactiver les portes...

Elle éclate franchement de rire.

-Tout ce que tu viens de dire, c'est un peu un véritable charabia... Enfin, j'en ai compris le principal. On va voir Aevin et on quitte cette maudite forêt.

Je fronce les sourcils.

-Non. Tu quittes cette forêt... On va se séparer pour que les gardes ne puissent pas tout de suite nous retrouver tous les deux...

Elle grimace.

-Tu veux jouer les héros, c'est ça ?

Je lève les yeux au ciel.

-Mais non ! Mais admet que comme ça, on aura plus de chance...

-Pas question. J'ai déjà dû faire suffisamment d'efforts pour te retrouver, je ne t'abandonne pas comme ça.

Je ne peux pas m'empêcher de sourire. J'adore quand elle dit ça.

Brusquement, le sourire qui illuminait également ses traits s'efface.

-Je crois que de toute façon notre discussion ne rime plus à rien...

Elle jette un coup d'œil au robot. En suivant son regard je constate que celui-ci tient toujours dans ses bras le dragon.

Je me retourne doucement. Je sais déjà ce que je vais voir. La fuite est finie...

Des gardes se rapprochent. Un parfait cercle autour de nous. Nous nous sommes fait piéger comme des enfants.
Au fond, sommes-nous autre chose ?

Mais je sens alors mon sang se glacer dans mes veines. Azylis suit mon regard.

Une jeune fille entièrement habillée de noir s'avance vers nous.

Elle est venue en personne pour assister à ma capture... Edilyn.

Elle ne fait même pas mine de me voir. Elle aboie quelques ordres d'une voix sèche aux gardes.

Si elle ne criait pas, on pourrait entendre la petite note musicale que j'adorais quand nous étions enfants entendre quand elle parlait.

-Attrapez-les. Mettez des menottes à tous, y compris au robot.

Je m'approche discrètement d'Azylis. Les gardes se rapprochent. Dans quelques secondes, je sentirai sur mes mains le métal froid des menottes.

Je sors la sphère Acia de ma poche et la met discrètement dans la main d'Azylis.

Elle me lance un regard interrogateur. Je chuchote quelques mots à la hâte.

-Il y a une petite chance que toi, ils ne te fouillent pas... Cache-là précieusement, je t'en supplie... Mahaut pourra t'expliquer ce que c'est.

Elle glisse la sphère dans sa poche. Deux hommes m'encadrent. Les anneaux de fer se referment avec brutalité sur mes mains.

Mais ce n'est pas ça qui me fait mal. C'est de savoir qu'Azylis subit la même chose, à cause de moi...

Intemporel T1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant