Azylis (Chapitre 145)

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Je marche vers l'entrée que Gabriel m'a indiqué. Savoir qu'un tueur se balade probablement à l'heure qu'il est dans la maison n'est vraiment pas ce que j'ai connu de plus agréable.

J'ouvre le premier placard de la petite pièce ou je viens d'arriver et trouve immédiatement ce que je cherche. Une arme, d'après Gabriel un fusil de chasse, d'après moi une arme de films de science fiction, blanche aux reflets métalliques, et quelques cartouches étranges dont j'ignore la composition exacte.

Je jette un coup d'œil à la petite fenêtre et pense tout à coup à Dynamite. Mon dragon, à l'heure qu'il est, doit juste être en train de s'amuser dans les jardins, libre de toute grave préoccupation. J'envisage un instant de l'appeler mentalement puis hausse les épaules. Il ne nous serait d'aucune utilité puisque sa taille ne lui permet pas d'entrer dans le palais.

En revanche, j'aimerai vraiment savoir ou est passé Maly... Mais ce n'est pas le moment de s'en préoccuper. Je charge l'arme et ressors de la pièce.

Un long couloir s'ouvre devant moi. J'ouvre la première porte, le cœur au bord des lèvres. Rien. Personne ne se cache dans l'élégant petit cabinet de curiosité. Je me dirige alors lentement vers la deuxième porte.

Je l'ouvre d'une main, le fusil toujours serré entre mes doigts moites. La chambre paraît vide. Par acquis de conscience, je vérifie pourtant l'armoire et l'élégante petite salle de bain accolée.

Je ne peux m'empêcher de ressentir ma peur au plus profond de moi-même. Sans vraiment connaître Edilyn, je lui en veux terriblement de nous infliger ça. Je ne comprends pas qu'on puisse en arriver là...

Je ressors de nouveau de la pièce et me dirige vers la troisième porte. Je m'arrête tout à coup, le cœur battant. J'ai entendu un bruit. Et dans le silence environnant, il résonne dans la maison avec une intonation lugubre. Mais ou l'ai-je entendu ? Derrière cette porte que je n'ose ouvrir ?

Je me secoue et tourne lentement le bouton dorée. La porte s'ouvre. La petite salle à manger paraît déserte. Je vérifie derrière les fauteuil, sous la longue table, et dans la petite pièce attenante.

Tous les livres policiers ou d'horreur que j'ai lus me reviennent à l'esprit pour ajouter encore à ma frayeur. Je tente de garder mon calme sans vraiment y parvenir. Je déteste cette idée de jouer au chat et à la souris...

Car dans cette histoire, j'ai plus la conviction d'être la souris que le chat. Et c'est une position plutôt dangereuse à l'heure actuelle...

Je sors de la pièce sans avoir rien vu de particulier et me dirige vers la dernière porte du couloir. Après, il tourne et je rejoindrais Gabriel, sauf s'il a trouvé quelque chose de son côté... Ou plutôt quelqu'un.

Lorsque j'ouvre la dernière porte, je suis absolument convaincue de ne trouver personne. Mes nerfs se détendent imperceptiblement. Effectivement, dans la petite chambre aux murs pastels, il n'y a aucune âme qui vive. Je soupire lentement et m'adosse quelques secondes au mur du couloir.

Je tente de retrouver une respiration plus régulière, puis, une fois que je me sens légèrement mieux, je me dirige vers notre point de rendez vous avec Gabriel.

Je m'aperçois alors même que je pousse la porte de la pièce. Le soulagement m'envahit. Jusqu'au moment ou je constate que ce n'est pas lui...

Corpulence différente, visage anguleux, cheveux ebourriffés, et pourtant sur le visage l'air aimable d'un homme riche qui ne sait trop quoi faire de son temps et vous offre donc un verre de champagne...

Ce n'est pas vraiment l'idée générale que je me faisais d'un tueur. Curieusement, je me sens tout à coup complètement rassurée. Parce qu'il est devant moi, et non quelque part dans la maison, et parce que nous sommes à égalité. J'ai lentement relevé sur lui mon fusil.

-Un seul geste suspect et je tire...

-Ah ? Ce serait une bien triste fin...

Et il sort tranquillement de sa poche une cigarette. Son arme est dans sa main gauche, et la situation ne semble pas le déranger plus que cela. Malgré moi, quelque chose m'agite alors au fond de moi-même.

La curiosité. J'aimerai comprendre comment on peut en arriver à exercer un tel métier...

Je désigne du menton un siège et sans attendre plus, l'homme s'y assied avec une certaine grâce insolente. Mais malgré tout son aspect profondément détendu, je remarque que sa poigne reste très ferme sur son arme.

Je m'assois lentement également, consciente que je suis sans doute en train de faire la pire erreur de ma vie. Discuter avec un assassin n'est pas vraiment la meilleure des idées...

J'ai déjà eu cent fois l'occasion de tirer, mais j'étais honnête quand j'ai dit à Gabriel n'en avait pas envie. Et puis, lui non plus n'a rien fait. Mais je devine que ses motifs sont exactement les mêmes que ceux que j'ai exprimé un peu plus haut : la curiosité.

Je suis face à la fenêtre, tandis que la porte est grande ouverte derrière lui. Je ne peux m'empêcher de songer que lorsque Gabriel arrivera, il aura l'occasion de l'approcher par surprise...

L'homme lâche dans la pièce une bouffée de fumée et je songe fugitivement que si je suis encore en vie à la sortie de cette pièce, j'accrocherai un panneau non-fumeur. Humour dérisoire... Il se décide pourtant à prendre la parole d'un ton badin, bien que légèrement condescendant.

Son costume est impeccable et ses cheveux blonds ajoutent à l'image de milliardaire pacifique en vacance...

-Alors, bonjour... Pourquoi ne pas avoir encore tiré ?

Je ne réfléchis même pas et réponds du tac au tac.

-Je pourrai vous retourner la question...

-Sans doute. Personnellement, c'est parce que je suis légèrement curieux je l'avoue de découvrir une habitante du vingt et unième siècle... Avouez que ce n'est pas courant.

-Eh bien, chez moi, on en croise à tous les coins de rues, c'est le cas de le dire...

-Vous avez un curieux humour, enfin... Que fait on déjà chez vous ? Ah, oui, une dernière volonté ?

Je suis étonnée de son flegme et de son ton sur de lui. A-t-il oublié que nous sommes deux dans la maison ?

-Vous êtes donc absolument sûr de vous ?

-Absolument. Vous pensez à votre charmant prince Gabriel ? Oh, je ne veux pas ruiner vos espoirs mais je doute franchement qu'il vienne à votre secours... Il est légèrement hors service pour le moment. Vous séparer n'était pas vraiment une excellente initiative...

Mon sang se glace dans mes veines. Qu'est ce que cela veut dire, "hors service" ? Je refuse ne fus-ce que d'envisager cette possibilité...

Gabriel est en vie, il faut que j'y crois...

Intemporel T1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant