Je m'approche du lit ou repose le visage d'Eric. Seul le léger soulèvement de sa poitrine laisse voir qu'il vit encore.
Ses yeux sont clos, ses membres inertes et il est plus blanc que les draps qui l'entourent.
J'approche une chaise de son lit et lui prend doucement la main.
-Eric... Je ne sais pas si tu peux encore m'entendre... Je crois que si tu pouvais me parler tu m'aimerais beaucoup... Je suis tellement perdue en ce moment... J'ai besoin d'un de tes sourires pour avoir le courage de tenter de prendre un meilleur chemin... Je t'en prie, ne pars pas...
C'est si dérisoire. N'y tenant plus, je craque tout à coup. Les larmes me submergent tandis que ma tête se pose dans mes bras sur le lit prêt de l'enfant.
J'aimerai tant le voir redresser la tête et me regarder avec ces yeux que lui seul savait si bien prendre... Je ne peux plus rien faire, juste attendre de le voir mourir.
Le seul espoir est représenté par ce fameux médecin qui pratiquait des travaux illégaux... Il pourrait peut être sauver Eric... Mais il s'est bien caché car malgré tous mes efforts personne ne parvient à le retrouver.
Je reprends la parole entre deux sanglots :
-Eric... Si tu savais comme j'ai changé ! Tu me manques... J'aimerai tellement pouvoir un jour voir tes yeux se rouvrir... Mais tu ne m'entends probablement même pas...
Je me relève lentement et décale la chaise pour la remettre à son emplacement initial. Faible tentative de rangement pour remettre de l'ordre dans mes pensées...
Je sais ce que je suis venue chercher ici même si je refuse de me l'avouer. Une réponse. Un calmant. Je déteste douter de moi-même. Or, aujourd'hui, alors que mon entourage me craint de plus en plus et que ma réputation se répand à travers tout le pays de femme sans cœur, je regrette amèrement que tous ces bruits ne soient pas véridiques.
Je possède un cœur et une conscience. Et ils me font tous deux souffrir, m'emplissant l'esprit de mille doutes.
Eric n'est pas là pour me juger de son sombre regard. Il n'est pas là pour tenter de m'influencer...
Je recule de deux pas jusqu'à me retrouver dos contre la porte. Je l'ouvre alors lentement sans quitter le visage du petit garçon des yeux, espérant contre toute attente un sourire.
C'est vrai qu'il a bien grandit maintenant même si sa maigreur fait peur... Je ne pourrai bientôt plus l'appeler "petit garçon". Je sors de la pièce et referme doucement la porte derrière moi en retenant une pensée qui me brûle à ce moment précis de l'intérieur.
Pour Eric, il n'y aura probablement plus de bientôt.
Une fois dans la pièce d'à côté, j'allonge rapidement le pas jusqu'à rejoindre mon salon privé. En jetant un coup d'œil à la glace, je reste catastrophée. Envolée ma belle attitude impassible...
Je passe alors dans ma salle de bains et entreprends de réparer les dégâts. D'abord se verser de l'eau froide sur la tête pour se calmer, se sécher, et remettre un maquillage à peu près correct... Toute une aventure.
Je ressors pourtant de la petite pièce quelques minutes plus tard et rejoins de nouveau mon salon ou je me laisse tomber dans un confortable fauteuil prêt de la fenêtre.
Méthodiques, les robots ménagers ont pliés la couverture dans laquelle j'aime m'emmitoufler en un petit rectangle que je m'empresse de défaire pour la déployer sur mes genoux.
Aujourd'hui, comme je sens la tristesse et l'amertume m'envahir, j'ai juste envie de rester là dans mon fauteuil, de m'y blottir et d'avoir presque l'impression de redevenir une toute petite fille.
Mes yeux se perdent dans le paysage que l'on peut voir depuis ma fenêtre mais je ne remarque pas les détails.
Je suis trop ailleurs. Encore une fois, le même dilemme intérieur. J'ai envie de reculer, de perdre la haine qui m'habite. Mais elle a l'avantage de me permettre de tenir debout, de continuer d'avancer...
Elle me donne un but. Alors, lentement, je sens mes poings se crisper et je rejette la couverture loin de moi pour me lever. Pourquoi m'apitoyer ? Pourquoi douter ? Je sais où je veux aller... Mais j'ai peur de ce que je m'apprête à faire.
Il ne faut pas que j'hésite. Pas une seule seconde. Car sinon je ne serais jamais tout à fait reine...
Debout au milieu de mon salon telle une statue antique, je sens l'habituel feu qui me dévore revenir. Lorsque j'entends un faible "toc, toc" à la porte, je ne me retourne même pas pour répondre.
-Entrez !...
Ma visiteuse vient s'incliner devant moi avant de se relever. Je reconnais sans difficultés ma redoutable informatrice mais aussi la chef des armées... Son ton et ses manières narquoises semblent avoir disparues. Elle sait qu'aujourd'hui la situation a changé... C'est moi qui possède les cartes en main.
-Ayva... Quel... Plaisir de vous revoir...
C'est moi cette fois-ci qui me paie le luxe de faire de l'ironie. Elle se mord violemment la lèvre, retenant de toute évidence une remarque acerbe.
D'un geste de la main je l'invite à prendre un siège tout en restant moi-même debout pour ensuite continuer à voix haute :
-Je suppose que ce n'est pas juste une visite de félicitations... Que souhaitiez-vous me dire ?
Elle lève la tête et retrouve immédiatement tout son mordant. Je ne risque pas de l'éliminer tout de suite car elle possède de nombreuses informations beaucoup trop précieuses pour être perdues. Mais après... Elle a parfaitement consciente de cet état de fait. Mais nous verrons qui de nous deux sera la plus maligne.
-Je suis venue, Majesté, pour vous parler d'un bruit qui court dans tout le pays...
Nullement décontenancée, je hausse pourtant légèrement un sourcil avant de demander :
-Tiens donc... Et vous pensez que je ne serais pas au courant ?
Elle croise les jambes et son attitude devient presque insolente tant elle redevient sûre d'elle.
-Certaine. Le bruit est très tenu et vos informateurs ne sont pas encore aussi doués que les miens... On dit que certains appellent à la révolution...
Je me redresse d'un bond et je suis en deux pas juste devant elle. Contrairement à beaucoup de gens sans courage, elle ne recule pas dans son siège mais se lève elle aussi.
-D'autres détails sur cette soi-disant révolution ?
Ses lèvres s'étirent en un fin sourire sarcastique.
-Oui. Vos parents en seraient les instigateurs.
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Intemporel T1 & 2
Science FictionLorsque Gabriel disparaît de façon soudaine de sa vie, Azylis se lance à la recherche de réponses. Mais ce qu'elle va découvrir dépassera de beaucoup tout ce qu'elle avait pu imaginer... Et le temps, impitoyable, s'égrène à une vitesse délirante. Ca...