Intemporel T1 & 2

•Thaïs• (Chapitre 69)

Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à détacher mes pensées de mes souvenirs ?

Peut être tout simplement parce que c'est la toute première fois que j'accepte de revenir dessus.

Je me revois comme si c'était hier.

***

Je suis dans le petit salon de notre maison qui me paraît terriblement vide sans la joyeuse présence de mes parents, et je fais face aux deux personnes officielles avec mon frère dans les bras.

Il grandit vite celui-là. Je ne pourrais bientôt plus le porter ainsi...

-Que voulez-vous dire ?

-Enfin, mademoiselle, il nous semble évident que vous ne pouvez pas rester tous les deux dans cet appartement...

L'homme fait une légère pause et c'est l'autre qui reprend la parole pour continuer.

-Vous êtes majeure mais votre travail ne vous permet certainement pas d'assumer la garde de votre frère et ses médicaments si onéreux. Il faut se rendre à l'évidence...

Mes mains se crispent. Je pose délicatement par terre Eric. Qui sont-ils pour vouloir nous séparer ? Je retiens un sanglot nerveux. L'autorité.

Voilà ce qu'ils sont. Ils vont me séparer d'Eric...

-Mais vous ne pouvez pas comprendre ? Il est la seule personne qu'il me reste maintenant !

-Vous avez votre sœur...

-Vous avez vu mon dossier ! Elle est partie rejoindre les maquisards...

Malgré moi je sens la colère remonter dans mon cœur. Je lui en veux de ne pas avoir été là pour m'aider à traverser tous ces durs moments.

A la mention de la fuite de ma sœur, le visage des deux hommes se ferment comme une huître.

-Si elle était encore là, elle aurait fait son devoir d'aînée. Mais elle a préféré jouer à la révoltée... Voilà d'où viennent vos ennuis !

Je n'ai pas vraiment envie de défendre ma sœur. Mais je dois bien admettre que cet homme a tord.

Lydie n'est absolument pas responsable de la mort de mes parents.

-Votre discours est inutile. Ne mentez pas s'il vous plait...

Ma voix est lasse. Cela fait plusieurs jours que je me bat contre les mêmes discours. Je n'ai plus la force de m'opposer.

-Je ne mens pas. Votre sœur est une véritable calamité pour une société qui a pourtant tout fait pour elle.

Je tente de cacher mon sourire triste. Ah oui, vraiment ? Lydie s'est battue toute seule pour ses études... Qu'elle a abandonné en cours de route pour fuir...

Allez y comprendre quelque chose.

En attendant, mes visiteurs ne me laissent pas souffler.

-Il va falloir vous résigner. Pour le bien de votre frère et le votre, il faut vous séparer. J'ai appelé la mère de la famille d'accueil qui accepte de se charger de votre frère. Elle ne devrait pas tarder à arriver.

Dites moi que c'est impossible, que c'est un mauvais rêve...

C'est juste à ce moment là que retentit à ma porte un discret "toc, toc".

Je suis d'une humeur noire aujourd'hui. Mais aussi complètement abattue. J'en ai assez de me battre. Je rends les armes...

Deux minutes plus tard, une dame assez gentille d'une quarantaine d'années emmène mon frère avec l'aide d'un des assistant sociaux.