Intemporel T1 & 2

•Gabriel• (Chapitre 117)

Je relève la tête en même temps qu'Azylis pour regarder à travers une vitre et ne peux m'empêcher de pousser un bruyant soupir de soulagement.

Ma mère nous regarde de l'autre côté avec de grands yeux avant de s'avancer rapidement vers nous et d'ouvrir promptement la porte fenêtre.

Azylis et moi entrons rapidement dans la pièce sans tout de suite prendre la parole tandis que Dynamite reste sur le balcon.

Je contemple avec plus d'émotion que je ne voudrais l'admettre cette pièce où j'ai grandis sans me rendre compte de la paix qu'elle m'apportait.

Des fauteuils confortables, des rangées de livres qui couvrent les murs et malgré tout une ambiance unique de travail et de sérieux.

Je m'assois sans attendre sur le premier siège venu et contemple ma mère avec un franc sourire. On ne peut pas vraiment dire que nous soyons séparés depuis longtemps mais la voir hors de prison, c'est tout autre chose...

Tout le monde prend place et ma mère commence à parler.

-Je suis littéralement folle de joie de vous retrouver tous les deux... Cela fait des années que je n'espérais plus te revoir hors de prison, Gabriel, et j'ai appris ces derniers temps que tu valais la peine qu'on se batte pour toi Azylis...

Elle sourit et je sens un bonheur dont je ne soupçonnais pas l'existence m'envahir de la tête aux pieds. Je me décide à répondre en tâchant de cacher mes sentiments car l'heure n'est pas vraiment à ça.

-Merci... Je crois pouvoir répondre pour nous deux que ça nous touche beaucoup et...

Azylis m'interrompt sans façon avec un joyeux sourire.

-Oh, je peux répondre toute seule ! Merci Majesté... Je voudrai juste ajouter au paroles de Gabriel que vous connaître m'a donné envie de devenir une fervente adepte du système monarchique...

Tout le monde sourit, et j'échange un coup d'œil amusé avec Azylis. Mais nous reprenons vite tout notre sérieux.

-Maman, comment peut-on rouvrir les portes temporelles ?

Le visage de ma mère s'emplit de gravité tandis qu'elle réfléchit à la réponse.

-Je crois que l'unique solution est d'accéder aux commandes manuelles...

Azylis intervient aussitôt.

-Et où trouve t-on ces fameuses commandes ?

Ma mère répond en fronçant légèrement les sourcils car je devine qu'elle cherche déjà une solution pour nous aider.

-Ces commandes existent en deux exemplaires. Un de ces postes se trouve ici, au palais, mais il est totalement innaccessible. Même dans vos rêves les plus fous, vous ne pourriez jamais l'atteindre. En revanche, le second exemplaire...

Je réfléchis à haute voix, me remémorant de vieux souvenirs que je croyais enfouis depuis longtemps.

-Au centre de contrôle ! Bien sûr, ça paraît évident... L'endroit où sont détectées toutes les intrusions hors temps... C'est ça ?

Ma mère acquiesce avec un sourire distrait.

-Tout à fait exact. Le seul poste de commande que vous pouvez espérer atteindre se trouve au nord d'Ivy, presque dans la forêt, dans le poste de contrôle le plus important de la région. Mais je...

Elle s'interrompt tout à coup et lève la tête, les yeux fixés sur Dynamite qui continue de nous observer. Je ne peux m'empêcher de demander :

-Mais quoi ?...

Elle plante résolument ses yeux colorés dans les miens avant de se tourner vers Azylis.

-Te rappelles tu ce fameux jour ou tu m'avais demandé ce que j'avais vu dans de vieilles annales ? J'avais trouvé plusieurs informations... Sur toi et ta famille.

Azylis tressaille brusquement avant de se mordre la lèvre et de relever la tête, soudain encore un peu plus concentrée et prête à en découdre.

-Mais vous n'aviez pas voulu me donner les détails...

Je n'ose personnellement pas intervenir. Je préférerai même ne pas être dans la pièce. Je devine assez ce que peut ressentir Azylis à ce moment précis. Qu'est ce que cela fait de connaître son avenirs dans des papiers vieux de sept cent ans ?

Ma mère prend une voix neutre que je connais bien pour répondre. C'est celle qu'elle utilise pour cacher ses émotions.

-Bien. Ce que j'ai vu laisse entendre que tu as fugué sans raison apparente à environ vingt ans et que malgré toutes les recherches, on a jamais pu te retrouver. Ta famille ne t'a jamais revue...

Azylis a le teint blême et réplique immédiatement.

-Et alors ? Que me font tous ces papiers ? Je peux justement changer le passé aujourd'hui !

La reine secoue la tête.

-Tout ce que tu risques, c'est d'échouer et de te faire reprendre. C'est ça que j'essaie de te faire comprendre...!

Azylis plante alors ses yeux bleus-gris dans ceux de ma mère.

-Qu'avez-vous vu d'autre dans vos annales ? Vous me cachez quelque chose, j'en suis certaine...

Ma mère baisse la tête.

-Je voudrais t'éviter la tentation de commettre une folie... Contrairement à ce que tu sembles croire, on ne joue pas impunément avec le temps...

La voix de ma mère est douce, étonnamment d'ailleurs. Mais elle n'a pas nié cacher quelque chose, ce qu'Azylis ne manque pas de relever.

-Peut être que vos intentions sont justes. Mais j'ai le droit de connaître la vérité. Qu'est ce que vous me cachez ? Dites le moi...

Ma mère redresse la tête et fixe de nouveau un point sur le mur qui nous fait face sans vraiment le voir.

-En fait, on trouve étonnamment beaucoup d'informations. Malgré les sept cent ans qui nous séparent, on était déjà à l'air de l'informatique... Et il n'y avait déjà plus de vie privée. J'ai ainsi pu apprendre que... Ton frère s'était suicidé. Et qu'il avait laissé une lettre à ton intention. Et que personne ne l'avait jamais ouverte. Je...je suis désolée.

J'ai immédiatement envie d'aller réconforter Azylis. Mais je devine que c'est la dernière des choses à faire. On dirait qu'elle vient de tomber du haut d'une falaise. Elle demande d'une voix atone :

-Vous vouliez me cacher ça ?...

-Je voulais t'éviter des malheurs que tu ne pouvais pas combattre...

-Je vous prouverais qu'on peut changer le passé ! Je le prouverais à la terre entière s'il le faut ! Vous rendez-vous compte que j'ai le pouvoir de sauver mon frère ? Comment rouvre t-on ces fichues portes temporelles ? Et...

Sa voix déraille sur les derniers mots avant qu'elle ne reprenne plus fermement.

-Avez-vous des... Des détails ?

Ma mère se lève. Je devine qu'elle est aussi sous le choc. Je suppose que l'annoncer est en quelque sorte comme une nouvelle façon de vivre l'horreur de la découverte qu'elle a dû ressentir.

Elle s'approche de la table et saisit une liasse de papier qu'elle tend à Azylis d'une main presque ferme.

-Tout est là-dessus.

Azylis hoche la tête en signe de remerciement. Mais j'ai peur pour elle maintenant. Qui a raison ? Ma mère ou Azylis qui prétend que l'on peut changer le passé ?

N'est-il pas écrit quelque part que nous échouerons forcément ?

Mais quand je croise les yeux d'Azylis, je suis certain d'une chose. De toute façon, quoi qu'il arrive, nous allons tout tenter pour retrouver son époque.

Et j'espère que nous arriverons à changer le cours du temps. Ce serait une première dans l'histoire.