•Gabriel• (Chapitre 113)

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Azylis se retourne vers moi et éclate franchement de rire.

-Je t'avais dit que c'était franchement une mauvaise idée... C'est toi qui a insisté ! Mais ne serais-ce pas plutôt à moi d'avoir peur ?!...

-La prochaine fois, préviens-moi que ton dragon est un véritable danger ambulant...

Je n'aurais pas dû dire ça car Dynamite s'empresse de tourner la tête vers nous pour m'incendier du regard.

En oubliant au passage de regarder devant lui la tour de verre qui se rapproche à une vitesse démesurée. Je ne peux pas m'empêcher de pousser un hurlement.

-Attention !...

Azylis éclate de rire et détache même l'une de ses mains des écailles du dragon tandis que je m'accroche un peu plus.

Au dernier moment, Dynamite vire à droite et évite l'obstacle. Je serais pourtant près à jurer que je viens un instant d'avoir la tête en bas et d'admirer le ciel en guise de plancher. Il doit y avoir un problème quelque part.

-Comment tu supportes ça ?

-Quoi ?

-Oh, Azylis ! L'horrible conduite de ton dragon bien sûr !

Elle lève les yeux au ciel en riant, enfin, disons plutôt qu'elle regarde le sol car nous venons une fois de plus d'avoir la tête à l'envers et elle m'explique :

-En fait, je suis un peu blasée. J'ai eu tellement peur lors de notre premier trajet que je me sens maintenant légèrement fataliste... Advienne ce qui pourra !...

-Heu, j'aimerais avoir ta confiance...

-Fais attention, mon dragon ne voit pas à sa droite, il est à moitié aveugle.

-Quoi ?!

Je savais bien que je n'aurais jamais dû monter sur cette fichue bestiole. Pourquoi ai-je insisté ? Il faut que je consulte un psychiatre car avant aujourd'hui je ne me connaissais nullement de tendances suicidaires...

Azylis se retourne vers moi. Nous sommes assis l'un derrière l'autre sur le dos de son gigantesque dragon noir qui, paraît-il, n'a pas encore atteint sa taille adulte.

Le vent soulève ses cheveux tandis que j'essaie de me concentrer sur son visage pour éviter de remarquer les trop brusques changements du paysage. Ça fonctionne plutôt bien jusqu'à ce qu'elle m'interroge :

-Donc on est d'accord ? Je n'aime pas trop ton plan, il est plutôt risqué...

-Disons qu'il l'est autant que d'habitude. Tu te poses sur le balcon extérieur de la façade ouest du palais. Je te montrerai, je sais qu'il donne directement sur l'appartement de mes parents... Et qu'Edilyn n'a aucune raison d'y mettre les pieds, mes parents ont plutôt tendance à recevoir leurs visiteurs dans leur salon.

-Tu maintiens qu'un dragon posé sur la terrasse, personne ne trouveras ça bizarre ?

-Oui, et il faut qu'en cas de problème tu puisses partir rapidement...

Je sens la malice monter dans ma voix.

-Moi, je suis un honnête homme maintenant, gracié par la société.

Elle éclate de rire et me dévisage avec une moue moqueuse affichée sur ses traits. Mais Dynamite plonge brusquement en avant dans le vide et je la vois paniquer.

Je suis rassuré. Elle n'est pas aussi folle que je croyais... Puisqu'elle n'est pas totalement rassurée sur cette machine à accidents que nous chevauchons...

Je sens alors une drôle d'émotion m'envahir lorsque je vois apparaître brusquement la mer et les premières tours du château au loin.

Des tours de verre de mille couleurs, presque triangulaires au bout... J'en connais chaque contour par coeur.

Et je sais que sans les multiples terrasses circulaires, jamais je n'aurai pu monter sur le toit pour tenter, un sinistre jour, d'échapper aux gardes.

Mais j'aime cet endroit. C'est là que j'ai grandis. Et c'est là que je me sens profondément heureux...

Presque malgré moi, je sens un petit morceau de mon coeur se laisser envahir par la tristesse. Azylis veut retourner dans son époque, et je ne peux que la comprendre.

Je croyais avoir choisis depuis longtemps de la suivre, mais face aux tours de verre qui se rapprochent, je sens toutes mes résolutions vaciller.

Je ne peux un instant pas m'empêcher de ressentir un soupçon de colère. Pourquoi serais-je le seul à faire des efforts ? Pourquoi ne resterions-nous pas tout les deux ici ?

Nous nous rapprochons rapidement du château tandis qu'une triste constatation envahit mon esprit. Je veux le bonheur d'Azylis et je n'ai de toute évidence pas vraiment le choix.

Combien de temps faudra t-il à Edilyn pour changer d'avis et se relancer à ma poursuite ? Sans compter qu'Azylis est toujours poursuivie...

Inconsciente des états d'âme qui m'habitent mais consciente de mon soudain silence, elle se garde bien de troubler mes pensées jusqu'au moment où elle a besoin de mes informations.

-Bon, voilà le palais... Et je suppose qu'on est près de la façade ouest... Mais je vois au moins cinquante terrasse, laquelle est la bonne ?

-Soixante-quatre exactement.

Mon ton ironique et le chiffre que j'ai lancé au hasard nous font sourire mais elle lance un coup d'œil inquiet au sol. Je regarde plus attentivement les balcons.

-Descends un peu et va vers ta gauche, voilà, comme ça... Guide ton dragon vers celui-ci...

Elle acquiesce et prend le petit air concentré qu'elle arbore lorsqu'elle discute avec son dragon.

Quelques minutes plus tard, nous nous posons sur la petite terrasse de verre et je vois Azylis jeter une fois de plus un coup d'œil inquiet au sol.

-Ne t'inquiète pas, c'est solide !

-Ah oui ? Heu bien permets-moi d'en douter au moins un peu...

Je souris et nous nous tournons d'un même geste vers la fenêtre actuellement fermée. Dynamite s'allonge sur le sol en cercle et il nous reste à peine assez de place pour nous tenir debout.

Je regarde à travers la vitre. Je reconnais l'une des élégantes pièces de la suite de mes parents et souris. Nous n'avons plus qu'à attendre, car visiblement aucun d'eux n'est actuellement présent.

Mon sourire se fane légèrement lorsqu'Azylis me désigne avec un sourire une peinture au mur. Deux portraits qui se font face. Moi et Edilyn.

Nous ne sommes pas très vieux là dessus... Probablement dix et huit ans puisqu'ils ont été réalisés la même année.

Je détourne légèrement la tête et Azylis se laisse tomber sur le sol. Elle parviens à trouver suffisamment de place pour s'assoir en tailleurs et évite consciencieusement de regarder sous ses pieds le vide. La mer est les rochers...

Je suis le mouvement et une fois que je suis assis, elle se tourne vers moi.

-Il me semble qu'il ne nous reste plus grand chose à faire pas vrai ? Juste attendre... Et discuter.

Je lève les yeux vers elle.

-Oui, je crois que c'est ça. De quoi veux tu parler ?

Car j'ai la conviction que c'est une discutions sérieuse qui s'annonce.

Intemporel T1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant