Intemporel T1 & 2

Gabriel (Chapitre 175)

Une panthère à ses pieds et un robot qui s'agite à côté, c'est assez perturbant, d'autant plus que notre aéronef semble voler à peu près aussi bien que Dynamite. Je met alors le doigt sur la question qui occupe inconsciemment mes pensées depuis un petit moment.

-Dis-moi, comment as-tu su qu'on se trouvait là-bas ?

Elle esquisse un fin sourire avant de me jeter un coup d'œil puis de se reconcentrer sur les commandes de l'aéronef et les tours qui défilent devant nous.

-Oh ! J'ignorais totalement avoir affaire au célèbre prince d'Astra, rencontré précédemment au camp... Je savais juste que quelqu'un avait besoin d'aide. Il est à toi le dragon ? C'est lui qui m'a menée jusqu'à vous...

Ok. Noter de ne plus jamais dire ne fus-ce qu'un mot contre Dynamite.

-Ce n'est pas exactement le mien mais il était avec nous... Tu sais où il est passé maintenant ?

-Aucune idée, une fois que je vous ai aperçue sur la tour, il ne m'a plus suivie. C'est une créature extrêmement intelligente...

-Aucun doute là-dessus.

Azylis m'a raconté toute l'histoire. Comment elle l'avait eu et tout le récit qui l'avait menée jusqu'à revendiquer son titre de grande gagnante de la loterie... Ça paraît aujourd'hui si loin. Je laisse échapper une grimace avant de redevenir sérieux. J'ai intérêt à faire attention si je veux rester suffisamment longtemps en vie pour retrouver Azylis à notre rendez-vous...

-Quel est ce fameux plan irréalisable au fait ?

-Faire sauter le dépôt à munitions...

-Aïe ! Pas de doute, c'est effectivement une mission totalement suicidaire...

-Et on doit en plus obtenir des informations de la part du commandant. Une très importante et l'autre juste par curiosité. D'abord comprendre comment il parvient à contrôler Yves et lui demander ensuite la raison de sa haine vis-à-vis de moi...

-Une haine que tu sembles lui rendre.

Elle détache lentement ses mots tout en laissant ses yeux erre sur un arbre transformé en torche que nous dépassons rapidement.

-Exact.

J'aimerai savoir ce qu'il lui a fait mais je préfère ne poser aucune question car je sens que nous sommes sur un sujet qu'elle est loin d'avoir envie d'aborder. Je réalise alors ce qu'elle a dit précédemment et un frisson m'agite. Yves... Le garçon le plus sympathique et le plus accueillant du camp...

Je repense alors au jour ou il m'avait procuré des armes. Il est également le garçon le plus débrouillard que je connaisse. Comment l'imaginer une seule seconde sous les ordres de quelqu'un ?

-Le commandant contrôle Yves ?

-Pardon, j'oubliais que tu n'es pas au courant... Yves a subit des années plus tôt une importante opération suite â un grave accident. Alors qu'on lui implantais de nouveaux organes, on glissait en même temps une puce à l'intérieur de lui pour contrôler tous ses actes grâce à la technologie...

Je pousse un léger sifflement. Ce contrôle explique le plus grand mystère qui entourait Yves : sa présence au camp. Rien ne semblait le justifier...

C'est Maly qui me tire de mes pensées en prenant soudain la parole.

-Le centre de la bagarre et le dépôt d'armes, c'est ici non ?

Je relève la tête et observe la tour dont nous nous rapprochons rapidement. Elle est entièrement verte et vitrifiée, ce qui lui donne un air de grand végétal. Et, plus étonnant que tout, elle est intacte.

Mais lorsque je regarde au sol, je comprends à quel point je me suis trompé. Tout est intact... Parce que trop de choses sont en jeu. Pas de feu ni de bombes mais des dizaines de jeunes des maquis qui prennent d'assaut tout l'édifice. Thaïs lance un curieux regard à Maly que je n'arrive pas à définir avant de répondre.

-Exact, c'est ici. Je vais commencer à descendre et nous allons nous poser au deux-centième étage... Si la plateforme d'accès existe toujours.

Maly résume à voix haute la question qui m'a rapidement traversé l'esprit.

-Pourquoi m'avoir regardée ainsi, Thaïs ?

Alors que notre aéronef commence à rapidement descendre, je vois les mains de Thaïs trembler légèrement sur les leviers.

-Tu es le robot Mahaut non ?

-Exact. Et alors ?

-Tu ne te rappelles pas de moi ? Je ne t'ai pas reconnue tout à l'heure sur le mur mais ça me paraît maintenant évident... Quand j'ai gagné la loterie c'est toi qui étais à mon service... On s'entendait plutôt bien.

Je grimace intérieurement mais garde un visage impassible. Thaïs était prête à laisser le robot sur le mur de la tour et sans méchanceté, mais maintenant qu'elle se rend compte qu'elle le connaît, tout change. Azylis a parfaitement raison, nous ne sommes pas logiques avec nous-même.

Mahaut a pourtant baissé la tête. Lorsqu'elle relève les yeux, c'est pour les braquer droit devant elle, sur la plateforme que nous visons et dont nous nous rapprochons plus que rapidement.

-Mes mémoires ont été effacées.

Thaïs lui jette un léger regard avant de lui murmurer quelques mots.
 
-Je suis vraiment désolée Mahaut...

Elle hausse les épaules avec un brin d'effronterie pour cacher ses véritables pensées et je hurle tout à coup, oubliant tout le reste.

-Thaïs ! Concentre toi bon sang ! La plateforme !...

Elle redresse juste à temps l'aéronef et nous effectuons un atterrissage qui a le mérite d'être rapide... Mais pas d'être en douceur. Je lève les yeux au ciel et descends lentement de l'engin pour retrouver la terre ferme. Enfin, la plateforme d'atterrissage, entièrement en verre ce qui ne me paraît plus une aussi bonne idée qu'avant maintenant que tout a tendance à être détruit...

Thaïs saute elle aussi au sol de son côté et sa panthère la rejoint avec une superbe élégance tandis que Maly se range à mon coté. J'ai une petite pensée pour Dynamite à qui je dois de toute évidence d'être toujours en vie. J'espère qu'il est quelque part à l'abri...

Je regarde tranquillement les portes d'entrées dans la tour. Complètement fermées... Comment allons-nous les ouvrir ? Ce serait totalement stupide de rester coincés si prêts du but...

Les puces électroniques de mon bras. Elles ont fonctionné pour les portes du poste de contrôle... Mais une petite voix dans ma tête me ramène rapidement à la raison. Parce que Edilyn m'avait tendu un piège...

Je m'approche pourtant des portes, un espoir terrible au cœur, et je tends lentement mon bras en avant. Il commence déjà à s'illuminer de l'habituelle lueur bleutée...