Habité... Mais par qui exactement ?
Je n'ai pas envie de repartir à l'aventure dans les marécages. Mais d'un autre côté, autant éviter d'être repris si possible...
J'observe les lieux plus attentivement. Tout est humide et le sol est recouvert d'une fine pellicule d'un mélange d'eau et de terre. Il n'y a pas de traces récentes de pas.
Je m'approche du manteau posé sur le clou. Il est couvert de poussière et de diverses moisissures variées. Je peux donc en conclure que celui ou celle qui a aménagé cet endroit n'est pas revenu depuis longtemps...
Et qu'il n'y aucune raison qu'il revienne. Je m'accroupi sur le sol puis finit par m'assoir. Malgré tout, je ne suis pas très tranquille.
Et puis, je n'aime pas beaucoup ma situation. Bien, j'ai un abri pour la nuit qui est en train de tomber... Mais j'ai aussi un ventre affreusement creux à nourrir !
Je jette un coup d'œil au feuillage. Qu'est-ce-que j'espère ? Trouver des fruits mangeables ? Si c'est ça, j'en suis pour mes frais car il n'y a rien d'autre que des végétaux absolument pas comestibles.
Je me relève alors brusquement pour m'approcher de l'ouverture du tronc de l'arbre. Ai-je rêvé ? Il m'a semblé voir au loin une lueur...
Je fouille les ténèbres croissants du regard puis finit par abandonner. Je me couche sur le sol et serre les dents. Je n'ai rien pour me couvrir et le paysage n'aide pas vraiment à s'endormir.
J'en viendrai presque à regretter ma prison. Pourtant, je finis par sombrer dans un sommeil chaotique peuplé de cauchemars mais aussi d'éclats de rire.
Je repense à tant de personnes qui doivent être en train d'apprendre mon évasion... Qu'en pense Aevin ? Je souris dans mon sommeil à l'évocation de son prénom.
Puis, je me rendors un peu plus profondément. Le lendemain matin, c'est le bourdonnement entêtant d'un petit moustique qui vient me réveiller. J'agite vaguement la main pour tenter de le chasser mais il revient toujours à la charge.
A bout d'idées, je me décide à me lever. Les rayons de l'aube réchauffent mes membres légèrement engourdis par le froid et je me sens rapidement de bien meilleure humeur.
Mais je commence à vraiment avoir faim... C'est alors que je les entends... Un bruit totalement insolite qui résonne étrangement dans cette forêt silencieuse...
Des éclats de rire... Je me précipite vers l'ouverture de mon arbre et écarte légèrement le feuillage de verdure, de façon à voir sans être vu. Quatre jeunes gens installés dans deux petites embarcations rient en s'envoyant de l'eau au visage avec les pagaies...
Mon premier réflexe, automatique, est de me rejeter en arrière et d'espérer sincèrement qu'ils ne m'aient pas vus. Puis ma curiosité reprend le dessus. Qui sont ces gens ? Se balader en pleine forêt tropicale reste tout de même une idée plus qu'étrange...
J'écarte de nouveau le rideau de feuillage. Je les fixe cette fois-ci plus attentivement. Deux filles et deux garçons. Ils sont habillés d'une même combinaison uniforme. 18-20 ans peut-être.
Ils jouent comme des gamins actuellement mais leurs barques sont remplies de fruits divers que je ne connais pas mais qui me font saliver à la seule idée qu'ils doivent être mangeables... Bien sûr. Des maquisards.
Ces jeunes qu'Aevin méprise, qui fuient le service militaire et forment des camps... L'idée jaillit en même temps dans mon esprit que cette affirmation. Et si je les rejoignai ?
N'est-ce-pas au milieu d'une masse de jeunes gens que je serai le mieux caché ? Mais je dois retenir un geste instinctif de recul. Et s'ils reconnaissaient mon visage ? Je tente un raisonnement logique.
J'ai disparu il y a maintenant plus de deux ans en fuyant dans le passé... La prison et les divers événements qui ont bouleversés ma vie m'ont transfigurés, littéralement. Je ne me ressemble plus moi-même...
Et, argument plus que décisif, ils savent ce qui est comestible dans cette fichue forêt. Le risque reste énorme mais je ne peux qu'espérer qu'aucun d'eux n'ait accès à des informations récentes.
Quelles raisons auraient-ils alors de se douter que le prince puisse seulement être parmi eux ? Je jette un œil autour de moi pour mécaniquement vérifier que je n'oublie rien.
Mais je n'ai pour seules possessions que les vêtements que je porte. Je grimace à cette idée. Il faut que je me dépêche si je veux les rejoindre avant qu'ils ne s'en aillent...
Mes pensées s'agitent dans mon esprit, et particulièrement des questions sans réponse. Pourquoi ne rattrape-t-on pas les maquisards à l'aide des robots traceurs ? D'où leur vient leur excellente organisation ? Je grimace une nouvelle fois.
Quelqu'un tire les ficelles derrière tout ça. Mais qui ? Qui qu'il soit, il profite des revendications des jeunes pour les manier comme il veut.
Pour le moment, il leur organise une vie de rêve à l'air libre. Mais dans quel but ? Ils s'éloignent... Je hurle pour attirer leur attention :
-Ho hé ! Attendez-moi !...
Ils se retournent tous dans ma direction et cessent de pagayer. Tout se passe alors le temps d'un rêve.
Je me suis trop penché pour attirer leur attention et je bascule dans le vide, dégringolant en chute libre. Je sens le choc violent avec l'eau nauséabonde. Comme si je n'étais pas assez sale comme ça...
Je tente de recracher l'eau que j'ai avalé au passage. Je refais surface et tente de rejoindre à la nage les embarcations qui se dirigent heureusement vers moi.
Quelques instant plus tard deux poignes solides me hissent dans l'une des barque. Une fille aux cheveux bruns se penche vers moi pour demander :
-Ça va ? Il n'y a personne d'autre ?
-Oui, oui ça va, merci. Non, je suis seul.
Je jette un coup d'œil à mes nouveaux compagnons en soulevant nerveusement le col de mon blouson pour cacher ma cicatrice.
La boue la recouvre heureusement en grande partie. Ils ne sont pas vraiment bavards et le trajet se poursuit dans un pénible silence.
Je devine qu'ils ont l'habitude de recueillir des naufragés dans mon genre, ce qui augmente mon inquiétude sur la situation actuelle politique d'Astra.
Mais je garde pour moi mes pensées qui ne sont pas précisément celles d'un révolutionnaire et donc qui risqueraient d'être plutôt mal vues... Je me tourne vers le garçon installé à ma gauche.
-Je peux prendre un fruit derrière ?
Il hoche la tête. Je tente vainement de garder un visage impassible tandis que j'allonge la main et commence à déguster à pleines dents la chair juteuse du fruit.
Mais quelque chose me détourne soudain de mon repas qui est pourtant pour moi un véritable festin. Nous venons de contourner ce qui ressemble de loin à une petite île plantée sur le marécage au milieu des arbres.
Devant nous apparaît alors ce qui ressemble à un camp terriblement bien organisé et je retiens mon souffle pendant quelques secondes.
En attendant de trouver mieux, je n'ai plus qu'à les convaincre de m'accepter parmi eux...
Moi, le prince d'Astra, chez les anti-royalistes...
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Intemporel T1 & 2
خيال علميLorsque Gabriel disparaît de façon soudaine de sa vie, Azylis se lance à la recherche de réponses. Mais ce qu'elle va découvrir dépassera de beaucoup tout ce qu'elle avait pu imaginer... Et le temps, impitoyable, s'égrène à une vitesse délirante. Ca...