Gabriel (Chapitre 142)

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Cet imbécile est en train de saccager ma terrasse... Furieux, mais pas vraiment pour cette raison, plus parce qu'il a réussis à nous retrouver, j'attrape fermement Azylis par le bras et la tire à l'intérieur du bâtiment après moi.

Nous sommes dans la pièce juste derrière la terrasse, un autre salon très confortable dont les murs sont couverts de boiseries à l'ancienne. Je me sens fébrile, indécis, inquiet malgré moi. Je sais que Mahaut -ou Maly comme l'appelle maintenant Azylis- est quelque part dans la maison mais j'ignore totalement où, ce qui me prive de son aide qui pourrait pourtant s'avérer efficace.

J'ouvre la bouche pour gronder, presque malgré moi, des paroles vindicatives. Mes yeux passent du balcon à la porte. Je n'ai pas besoin de regarder par la fenêtre pour deviner que le tueur n'est plus dans le jardin.

-On est totalement stupides ! Alors qu'on sait qu'un tueur en série est à nos trousses, on se prélasse sur la terrasse en laissant toutes nos armes en bas...

-On a des armes ?

-Mmm... Oui.

Elle fronce le nez et grimace avant de me répondre.

-Super, on en apprend tous les jours. Mais je n'ai aucune envie de tuer qui que ce soit moi. Même s'il s'agit d'un tueur lancé à mes trousses. Tu n'as pas des pistolets paralyseurs ou des trucs du même genre ?

Je lève les yeux au ciel avant de me rendre compte qu'elle est parfaitement sérieuse. Les bras croisés et les mâchoires serrées, Azylis me dévisage. Je sens la peur qui m'habite se muer en colère.

-Mais enfin Azylis ! Tu comptes vraiment riposter contre un tueur en essayant de le laisser en vie ? C'est ridicule !

-Peut-être. Désolée, tout le monde n'est pas un assassin.

Je serre les lèvres. La colère m'envahit. Comment peut on aussi vite basculer à des sentiments aussi contraires ? La minute précédente, nous riions sur la terrasse, et nous voilà maintenant en train de nous hurler mutuellement des choses très désagréables à la tête... Je comprends tout à coup. Notre peur se transforme en colère et déforme tout ce que nous pouvons bien dire ou penser.

Je soupire et constate aux sourcils froncés d'Azylis qu'elle a dû en arriver à peu près à la même conclusion. Elle grimace puis finit par dire :

-Excuse-moi, c'était stupide ce que je viens de dire... Je ne le pensais pas.

J'acquiesce et ébauche un vague signe de la main pour lui signifier que ce n'est pas grave. Ce n'est pas tout à fait vrai. Me faire traiter une nouvelle fois d'assassin m'a fait beaucoup plus de mal que toutes les fois précédentes... Peut-être parce que ce n'était pas dit par la même personne... Azylis soupire pourtant à son tour et murmure :

-De toute façon, nous ne pouvons pas nous permettre de le tuer... Que crois tu qu'Edilyn s'empressera de faire ?

Je n'ai pas besoin de beaucoup réfléchir pour trouver la réponse.

-Elle en fera un exemple de la société, bon père de famille et tout le tableau qui va avec, et je me retrouverai accusé de l'avoir tué sans aucune raison valable.

-Excellent résumé. Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?

Je grimace et hausse franchement les épaules.

-Il doit être dans la maison à l'heure qu'il est... Mais nous séparer ne me semble vraiment pas une bonne idée.

-Peut-être, mais nous n'avons pas d'autre choix. Tu as dis qu'il y avait des armes ? Ou sont elles ?

-Je croyais que tu ne voulais pas le tuer ?

-Non, mais le blesser me semble à la limite possible.

Je déteste l'étincelle beaucoup trop résolue qui brille au fond de son regard. Je déteste l'idée de nous séparer. En fait, je n'aime rien dans la situation que je vois se profiler à notre horizon.

-Les placards de l'entrée... Je sais qu'il y a là des armes de chasse... Normalement réservées aux animaux mais... Bref, passons. Il y en aussi dans l'autre entrée, la petite pièce de la façade sud.

Azylis hausse les épaules avant de prendre la parole. Au fur et à mesure qu'elle parle, je sens la peur me retourner un peu plus l'estomac. Je n'ai pas peur pour moi. Non, je tremble pour Azylis... Et je devine qu'elle n'a strictement aucune envie d'entendre des consignes de sécurité. Je me résigne donc difficilement et la laisse parler sans l'interrompre.

-Bien. Alors toi, tu vas à l'entrée sud et moi au nord, d'accord ? On prend chacun de quoi se défendre en on vérifie ensuite méthodiquement toute les pièces jusqu'au salon ou nous étions hier. On se retrouve là bas après la fouille du rez-de-chaussée, ça te va ?

-Je sens qu'on va avoir des ennuis, tu ne voudrais pas qu'on ?...

-Qu'on fasse quoi ?

Je fronce les sourcils, énervé à l'extrême. Je déteste vraiment toute cette satanée situation. Mais je ferais tout pour éviter l'image d'Azylis se promenant toute seule dans la maison avec un tueur... Ah, oui, j'aimerai bien éviter pour moi aussi...

-Qu'on s'en aille à l'autre bout de la terre ?

Les épaules d'Azylis s'affaissent et je découvre rapidement que derrière l'apparence, l'appréhension lui déchire l'âme. Elle doit avoir exactement les mêmes doutes et peurs que moi. Elle tente pourtant de retrouver sa voix résolue.

-Mais on a pas le choix... Je te rappelle qu'on s'est mis ici pour être près du poste de commandes et pouvoir rouvrir les portes spatio-temporelles...

Exaspéré, je me dirige d'un pas vif vers la porte.

-Tres bien, tu auras ma mort sur la conscience.

-Je te rappelle juste comme ça que c'est moi que le tueur est chargé d'assassiner...

-Justement, tu auras ma mort sur la conscience car j'aurai avant succombé à une attaque cardiaque.

-Tu es peureux maintenant ?

J'ouvre lentement la porte et sens mon rythme cardiaque s'accélérer sans raisons valables.

-Ça doit être à peu près ça...

Je lui cache cependant soigneusement le fond de ma pensée. Je tiens beaucoup trop à ma misérable vie pour ne pas avoir peur pour moi-même... Mais je tiens aussi bien plus à Azylis.

J'ai peur pour nous deux... Je grimace. Ça manque un peu de romantisme comme déclaration. Ça y est, mon satané humour est de nouveau présent... Le sourire qui montait à mes lèvres s'efface. La porte se referme et nous nous éloignons chacun dans une direction différente.

A la recherche d'un tueur en série...

Intemporel T1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant